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Infrastructures : face aux limites du tout camion, le train fait son retour en Argentine 

La compétitivité à l’export des blés argentins est cassée par l’usage presque exclusif du camion pour le fret interne. Un réseau de fret ferroviaire en libre accès se met en place.

Les camions avec deux remorques améliorent les performances du fret routier argentin avec une charge qui peut ainsi s’élever à 37 tonnes.
© Réussir SA

L’Argentine reste géographiquement éloignée de ses principaux marchés, à l’exception du Brésil, ce qui induit un coût de fret maritime conséquent. Mais elle dispose de trois grands hubs portuaires que sont le pôle agro-industriel de Rosario (sur le fleuve Paraná) et les ports de Bahía Blanca et de Necochea-Quequén (sur sa façade atlantique). Or, tous trois sont adossés aux principales zones de culture. Ainsi, le coût du fret agricole interne reste modéré, même effectué en camions.

Dès que ce fret interne dépasse 200 kilomètres, cependant, la dépendance au tout camion s’avère être un maillon faible de la matrice de transport. Cata – qui embauche de 500 à 800 chauffeurs de poids lourds pendant les moissons de blé en novembre et décembre – utilise également le chemin de fer qui relie la ville de Tres Arroyos à Bahía Blanca, l’Expreso Pampeano. « Ceci à raison de deux ou trois trajets sur rail par semaine, portant chacun sur 1 500 tonnes. L’option train est 35 % moins cher que le camion », informe Eduardo Villavicencio, le directeur logistique de Cata.

 

Un fret routier à 8 euros la tonne

Selon lui, le tarif du fret routier est de de 1 988,66 pesos argentins par tonne pour livrer 30 tonnes de blé au port de Bahía Blanca (200 km). Au taux de change officiel, cela fait environ 16 euros la tonne. Mais en fonction du taux de change « réel », celui des liquidités, le « dollar blue » comme on l’appelle à Buenos Aires, cela fait plutôt 8 euros la tonne. Avec une hyperinflation chronique (4 % par mois) et une dévaluation monétaire constante, l’analyse des coûts logistiques en Argentine s’avère complexe, sans parler de l’impact des taxes à l’export, dont le niveau est établi à 35 % du prix FOB officiel sur le soja et à 12 % sur le blé.

La dépendance au tout camion casse la compétitivité internationale, donc, des blés argentins, surtout ceux qui transitent par les ports de Rosario. Car la distance moyenne qui sépare ceux-ci des zones de culture les approvisionnant est supérieure à 400 kilomètres, selon la Bourse du commerce de Rosario.

En outre, le parc de camions argentin est vieux, les nouvelles unités onéreuses à l’achat par rapport aux autres pays de la région. De plus, les salaires des chauffeurs sont généreux par rapport au salaire de base local, à savoir 200 euros par mois.

 

 

Le Paraná, fleuve des fleuves pour le transport

Le fret routier améliore cependant ses performances sous l’impulsion du cadre réglementaire qui a récemment fait place aux camions dits « bi-trains », avec deux remorques, et à ceux munis d’un châssis supplémentaire qui leur permet d’élever leur charge à 37 tonnes. Enfin, une start-up locale, Humber, inspirée de l’appli Uber, prétend accroître la compétitivité de ce mode de transport.

Le pôle de Rosario, fort de ses 27 terminaux portuaires, s’est constitué sur les berges de cette immense hydrovoie qu’est le fleuve Paraná au fil du siècle dernier avec un développement spectaculaire dans les années 90. Voilà le formidable atout naturel de la filière en matière de logistique : cette voie fluviale traverse l’Argentine du centre au nord, et va jusqu’au Paraguay. Le lit de ce fleuve fait l’objet de constants travaux de drainage. Le belge De Nul est aux manettes depuis le milieu des années 90. Cette concession sera d’ailleurs renouvelée pour vingt ans en septembre prochain.

 

Le silo-sac, outil de désengorgement

En dépit des inquiétudes liées à la forte baisse circonstancielle du niveau des eaux du fleuve Paraná qui, depuis deux ou trois campagnes déjà, limite la cargaison des vraquiers jusqu’à la moitié de leur capacité, la situation devait s’améliorer au vu des précipitations enregistrées récemment en amont du fleuve, au Brésil. De toute façon, les calaisons (ensablements) de vraquiers sont rarissimes : aucune l’an dernier, une seule en 2020…

Par ailleurs, l’adoption massive du silo-sac par les producteurs de grains argentins a optimisé l’usage du réseau de transport. En effet, cette option de stockage à la forme rudimentaire – mais pratique – leur permet de distribuer dans le temps la vente des récoltes. Le succès du silo-sac a contribué au désengorgement des routes et des ports.

 

 

Vers un système de fret ferroviaire open access

Le ferroviaire émerge et se développe en complément du camion tout puissant et du fleuve Paraná structurant. Pour Ignacio Mantaras, céréalier et expert logistique du syndicat des Confédérations rurales argentines (CRA), l’usage du camion pour transporter en interne de 85 % à 90 % des récoltes constitue « une irrationalité économique au vu des longues distances à parcourir et de l’impact environnemental du camion par rapport au train ou au bateau ». 
En ce qui concerne le train, le gouvernement d’Alberto Fernández poursuit l’évolution réglementaire engagée avant lui, qui doit ouvrir l’accès des opérateurs privés au réseau ferroviaire redevenu public. 
« On va vers un système à l’européenne, confirme l’expert Julián Echizarreta, du syndicat Coninagro. La loi votée il y a cinq ans, qui a établi le libre accès au réseau, n’est toujours pas réglementée. » 
Au port de Bahía Blanca, d’où ont été exportées 3,1 millions de tonnes de blé lors du cycle 2020-2021, soit 25 % des exportations totales de blé du pays, le tiers (33 %) des lots de blé ont été acheminés par le train, informe Juan Linares, directeur Développement du port de Bahía Blanca.

 

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