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Comment évaluer les risques du nourrissement sur la qualité de mon miel

Lors de saisons difficiles, certains apiculteurs sont contraints de nourrir leurs colonies peu avant la miellée, soulevant des enjeux importants autour de la qualité du miel récolté. Attardons-nous sur les méthodes d’analyse des sucres exogènes.

La présence de sucres exogènes dans le miel, qu’elle soit volontaire ou accidentelle, est interdite par la réglementation. L’analyse de l’authenticité des miels est complexe, du fait de la diversité des miels et de la variété des sirops. Il n’existe pas une seule méthode, mais plusieurs, qui sont complémentaires. Certaines sont ciblées sur la mesure d’un composant précis, par exemple un sucre du miel ou un marqueur de la composition des sirops. D’autres, non ciblées, analysent l’échantillon dans son ensemble en s’appuyant sur une base de données de référence.

L’observation microscopique

L’analyse microscopique sert principalement à déterminer l’origine botanique du miel via l’étude des grains de pollen. Elle peut aussi révéler certains indices d’adultération, comme des grains d’amidon, des fragments de canne à sucre ou encore une densité pollinique atypique. C’est un premier filtre utile en contrôle qualité, mais qui ne permet pas d’identifier les sirops les plus couramment utilisés et ne remplace pas des analyses plus avancées.

Le profil des sucres

La quantification des taux de sucre du miel permet de vérifier l’absence d’anomalie et la conformité aux seuils réglementaires du saccharose, fructose et glucose. Une teneur anormalement élevée en saccharose peut indiquer une adultération, mais cette méthode est davantage employée pour confirmer l’origine botanique. La HPLC ou la GC permettent de séparer les fractions de sucres, de les identifier et de les quantifier. Généralement peu coûteuse et accessible, cette analyse reste insuffisante pour détecter les résidus de sirops commerciaux. Les taux de sucres peuvent aussi être mesurés par RMN-1H.

L'analyse des ratios isotopiques

Lors de la photosynthèse, les plantes fixent le carbone atmosphérique pour produire des sucres. Elles se divisent en deux grands groupes selon leur type de photosynthèse : les plantes en C3 qui regroupent la majorité des plantes mellifères, mais aussi le blé, le riz, le soja, le manioc, la betterave sucrière..., et celles en C4, telles que le maïs, la canne à sucre ou le sorgho.

Le carbone existe sous plusieurs formes, appelées isotopes, dont deux sont présents dans la nature dans un état stable : le 12C et le 13C. Chaque plante ou chaque sirop a un ratio 13C/12C qui lui est propre, avec des valeurs significativement différentes entre sucres en C3 et C4. L’analyse isotopique repose sur cette différence pour identifier la présence de sucres étrangers.

L’analyse des ratios isotopiques par spectrométrie de masse se décline pour le miel en deux méthodes : la EA-IRMS et la LC-IRMS, qui sont souvent proposées conjointement par les laboratoires. La EA-IRMS mesure le ratio isotopique des sucres du miel et le compare à celui des protéines du miel. Si la différence est trop élevée, on estime qu’il y a plus de 7 % de sucres en C4 dans le miel et qu’il y a adultération.

Cette méthode est harmonisée internationalement, et c’est la seule méthode officielle reconnue, bien qu’elle soit aujourd’hui insuffisante. Elle ne permet de détecter que l’ajout de sucres issus de plantes en C4 comme le maïs ou la canne à sucre.

La LC-IRMS est une amélioration combinant chromatographie liquide et analyse isotopique pour distinguer les fractions de sucre du miel. Le ratio de chacun est mesuré et deux paramètres sont calculés : la différence de ratio isotopique entre le fructose et le glucose, et l’écart maximal observé entre les ratios des différentes fractions. Plus sensible, elle peut détecter environ 1 % de sucres en C4 et 10 % en C3. Ces taux ne sont que des estimations.

Bien que la méthode de mesure soit normée, l’interprétation des résultats varie entre laboratoires, notamment dans la prise en compte de l’incertitude de mesure. Couramment utilisée dans le contrôle du miel, elle présente des limites pour certains miels riches en saccharose, comme le miel de lavande.

L’analyse RMN-1H

La résonance magnétique nucléaire du proton analyse l’interaction des noyaux d’hydrogène avec un champ magnétique puissant. Chaque molécule réagit au contact de ce champ magnétique et émet un signal, générant une empreinte chimique visible sur un graphique. La RMN-1H peut être ciblée pour mesurer un composant précis, ou non ciblée en comparant l’échantillon à une base de données. On parle alors de « profiling du miel ».

Efficace pour détecter une large gamme de fraudes, sa fiabilité dépend de la qualité et de l’étendue des bases de données. Bien que la préparation des échantillons et l’équipement soient similaires entre laboratoires, deux bases de données privées dominent aujourd’hui le marché européen.

L'analyse des oligosaccharides

On distingue les sucres simples, comme le glucose ou le fructose, et les sucres complexes, ou oligosaccharides, qui sont des chaînes de sucres simples. Chaque élément de la chaîne représente un degré de polymérisation (DP) supplémentaire : les disaccharides comme le saccharose ou le maltose sont composés de deux molécules (DP2), les trisaccharides de trois molécules (DP3), etc.

Le miel est principalement constitué de sucres simples, le glucose et le fructose, avec du saccharose, et d’autres sucres complexes en faible proportion. Les sirops fabriqués à partir d’amidon (riz, maïs, blé, etc.) contiennent des oligosaccharides, appelés « malto-oligosaccharides ».

Les laboratoires utilisent diverses méthodes non harmonisées, telles que la LC-ELSD ou la HPAEC-PAD. Ces analyses supposent que le miel ne contient pas d’oligosaccharides avec un DP>4 en proportions importantes. Cependant, les miellats et certains miels de nectar peuvent en contenir naturellement, il y a peu d’études sur le sujet. Généralement, ces méthodes se basent sur le chromatogramme d’une solution témoin de malto-oligosaccharides (DP≥5), permettant d’identifier des pics correspondant à chaque sucre.

La présence de ce schéma de pics dans un miel indique des oligosaccharides étrangers, mais l’interprétation peut différer selon les laboratoires, avec des niveaux de sensibilité variables.

La méthode LC-HRMS

Récente et prometteuse, elle permet d’identifier et quantifier précisément des composés en fonction de leur masse moléculaire. La chromatographie liquide sépare les constituants, puis la spectrométrie mesure leur masse. Chaque pic du spectre obtenu correspond à une molécule dont l’identification requiert des références de comparaison. Plusieurs molécules pouvant avoir la même masse, l’identification reste complexe.

Cette méthode repose sur des bases de données de sirops pour identifier d’éventuels marqueurs d’adultération. Très sensible, elle peut détecter des sucres à faible concentration si le sirop est référencé. Toutefois, des divergences de résultats persistent entre laboratoires, en raison de différences dans les méthodes, instruments, bases de données et marqueurs. Elle est utile pour les miels importés de pays à risque, en complément de la RMN et de l’EA/LC-IRMS.

D’autres méthodes ciblées

D’autres analyses ciblées existent, mais sont moins utilisées. Elles mesurent des marqueurs spécifiques de l’adultération tels que les enzymes étrangères (β- et γ-amylases, β- fructofuranosidase, α-amylase thermostable), les marqueurs du riz (SM-R, TM-R), de la betterave (SM-B), le mannose, le psicose ou certains colorants comme l’E150D. Ces analyses sont employées en complément d’autres méthodes pour les miels d’origine à risque.

Cet article a été réalisé grâce au soutien financier d’Interapi, dans le cadre des actions sur la qualité des miels.

Quelles recommandations ?

Il est difficile de s’y retrouver parmi les nombreuses analyses proposées, qui sont complémentaires et doivent idéalement être combinées. Le choix des méthodes dépend du type de miel et des produits de nourrissement utilisés. Au minimum, l’analyse des ratios isotopiques, couplée à la RMN-1H, est recommandée. Il est essentiel d’indiquer au laboratoire le type de miel analysé, même s’il est polyfloral, en précisant les ressources butinées. Ces méthodes ne sont pas infaillibles ; en cas de résultat surprenant, il est important de le signaler au laboratoire.

Ce domaine évolue constamment, en témoigne l’apparition des méthodes de séquençage ADN. Par ailleurs, le Joint Research Center mène un projet de trois ans pour harmoniser l’analyse des sucres exogènes du miel.

Rédaction Réussir

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