Une réorientation des soutiens vers l’écologie et les actifs
Le rapport que vient de publier France Stratégie propose une réorientation de la PAC vers l’écologie et l’emploi en taxant les engrais, les produits phytosanitaires, les antibiotiques et les émissions de gaz à effet de serre, en instaurant ses systèmes de bonus/malus écologiques et en accordant les aides aux actifs plutôt qu’aux surfaces.
Alors que sont discutés actuellement les futurs contours de la prochaine politique agricole commune, la PAC post 2020, France Stratégie, un organisme d’expertise proche du Gouvernement vient de rendre publiques un certain nombre de propositions susceptibles d’alimenter le débat. Le document intitulé « Faire de la politique agricole commune un levier de la transition écologique », met l’accent sur une série de mesures permettant d’orienter l’agriculture vers un modèle plus respectueux de l’environnement et plus équitable, selon les auteurs. L’instrument privilégié repose sur une fiscalité écologique avec l’introduction de subventions et de taxes en fonction des objectifs souhaités. « Le prélèvement de taxes présente l’avantage de décourager les pratiques néfastes à la santé et à l’environnement tout en fournissant les moyens de financer plus généreusement les pratiques vertueuses », note le rapport. « Les taxes prélevées seraient entièrement distribuées aux exploitants agricoles dans un schéma vertueux qui encouragerait les bonnes pratiques et dissuaderait les pratiques nuisibles à l’environnement », peut-on lire également. À ces taxes et subventions, serait associé un système de bonus/malus prévoyant un remboursement des aides en cas de non-respect des objectifs fixés.
8 000 euros par actif à temps plein
Autre innovation d’importance, le remplacement des primes à la surface par des aides aux actifs agricoles. « L’objectif de cette aide est d’assurer à tous les agriculteurs un paiement minimal, déconnecté du niveau de production agricole, afin de mieux résister aux crises et à la volatilité des prix », explique le rapport. Autre avantage pour les auteurs, une meilleure prise en compte du travail lié à la mise en place de pratiques agroécologiques plus gourmandes en main d’œuvre. L’aide permettrait également de soutenir les secteurs nécessitant beaucoup de travail, comme le maraîchage et l’élevage. Le document évalue à 8 000 euros par équivalent temps plein l’aide annuelle qui serait versée, contre 135 euros par hectare actuellement pour les droits à paiement de base en métropole. Le document prévoit aussi la mise en place de contrats pour l’innovation agroécologique signés par des groupes d’agriculteurs. D’une durée de sept ans, ils soutiendraient le financement des actions de formation en faveur d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement, comme la compensation coûts liés à la conversion à l’agriculture biologique ou à d’autres types de cahiers des charges agroécologiques ainsi que la diversification des productions. Quant au financement de la réforme, il serait assuré par le budget de la PAC actuelle et le produit des taxes et malus qui pourraient s’élever de 4 et 9 milliards d’euros, selon les hypothèses envisagées. Concrètement, les taxes et malus perçues couvriraient des primes distribuées et le budget de la PAC celui du paiement de base aux actifs non-salariés et salariés.
Les céréaliers grands perdants
Selon les simulations effectuées, les systèmes bio et herbagers seraient les gagnants de la réforme et pourraient conserver leurs pratiques actuelles. En revanche, la diversification serait nécessaire pour les exploitations de grandes cultures qui, à pratiques inchangées, pourraient perdre jusqu’à 46 % de leurs aides, dans l’hypothèse la plus défavorable (cas type d’une exploitation de 300 hectares).
Des adaptations seraient également nécessaires pour les élevages, ceux disposant de prairies permanentes étant privilégiés par rapport aux exploitations plus intensives, qui pourraient perdre, à pratiques inchangées, jusqu’à 40 % de leurs aides dans le pire des cas (atelier laitier intensif par exemple). Pour les auteurs, la mise en œuvre de cette réforme n’impliquerait pas une remise en cause fondamentale de la réglementation européenne. L’instauration du paiement de base sur les actifs agricoles pourrait, néanmoins, impliquer une révision des règles de répartition des aides entre États membres, reconnaît le rapport.
« Un travail de réflexion théorique »
Pour la FNSEA les propositions de France Stratégie sont complètement inapplicables pour la PAC post 2020. Elles ne tiennent compte ni de la réalité de l’UE, ni du cadre réglementaire, ni du budget qui sera adopté. Réaction Henri Brichart, premier vice-président de la FNSEA.
France Stratégie a publié la semaine dernière un rapport visant à nourrir les débats autour de la nouvelle PAC : quelles sont vos premières réactions ?
Ma première réaction est que ce document, bien qu’intéressant, est un travail de réflexion très théorique, en tous les cas qui ne correspond nullement aux propositions sur la table actuellement, donc complètement inapplicable pour les réflexions sur la PAC post 2020. Les outils proposés ne tiennent compte ni de la réalité de l’Union européenne, ni du cadre réglementaire actuel, ni du budget européen qui ne sera fixé que courant 2020.
Quelles limites voyez-vous à ce travail ?
Dans ces propositions, le budget de la PAC serait constant mais uniquement pour le volet recette issu du budget communautaire car il serait augmenté de 50 % par des taxes diverses qui ne dépendraient pas de l’Union européenne. Il y a donc là encore un vrai risque de distorsion de concurrence des agriculteurs français vis-à-vis des agriculteurs des autres pays européens et des autres régions du monde.
Par exemple, proposer de taxer les vaches allaitantes mais en même temps mettre un bonus sur les prairies pâturées, outre la complexité du système, reviendrait à donner une plus forte compétitivité aux importations de viande bovine.
Le rapport préconise de remplacer les aides à l’hectare par des aides à l’actif, qu’en pensez-vous ?
Les aides à l’hectare n’ont pas toutes les vertus mais les aides à l’actif non plus. Le premier impact serait de transférer une partie importante du budget que reçoit la France vers des pays où le nombre d’agriculteurs est très important, je pense en particulier à certains Peco et pour cette raison, cela pose évidemment un problème. D’autre part, cette notion d’actif serait à définir et on voit toutes les difficultés des discussions européennes sur le sujet de l’agriculteur authentique.