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Une loi de modernisation pour passer le cap de l'après 2013

Le Conseil d’État a commencé à travailler sur la Loi de modernisation de l’Agriculture et de la pêche (LMAP), en section spécialisée le 23 décembre. Selon le Ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, cette LMAP doit permettre à l’agriculture d’avancer dans 4 directions : une politique de l’alimentation, la stabilisation du revenu des agriculteurs, le renforcement de la compétitivité du secteur, et la réduction du rythme de consommation des terres agricoles.

La LMAP devrait être adoptée par le conseil des ministres avant d’être transmise au Parlement. (Notre photo : le Sénat)
La LMAP devrait être adoptée par le conseil des ministres avant d’être transmise au Parlement. (Notre photo : le Sénat)
© Réussir/Bruno Compagnon

Rendre les agriculteurs plus autonomes pour la préservation de leur revenu, voilà comment pourraient être caractérisés les principaux dispositifs du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP), tel qu’il a été transmis au Conseil d’État. Un projet que devrait adopter le conseil des ministres mi- janvier avant de le transmettre au Parlement. D’ici là, il peut aussi évoluer à la demande du Conseil d’État. Pourquoi un tel objectif d’autonomie? En raison de la future réforme de la Pac qui pourrait bien, à l’horizon 2013, la vider d’une partie de son contenu, du fait des restrictions budgétaires. La France, le ministre Bruno Le Maire en tête, s’efforce de faire préserver une Pac forte par l’Europe, mais la partie sera rude.

«Stabilisation du revenu»

Évoquant la loi devant l’assemblée des chambres d’agriculture (APCA) le 17 décembre, Bruno Le Maire insistait sur la nécessité de «mesures structurelles» jugées «indispensables» pour «défendre la vitalité du secteur agricole». La LMAP doit permettre à l’agriculture «d’avancer dans quatre directions» a-t-il dit, à savoir «une politique de l’alimentation, la stabilisation du revenu des agriculteurs, le renforcement de la compétitivité du secteur et la réduction de moitié du rythme de consommation des terres agricoles d’ici 2020». Quatre directions qui visent, bel et bien, à renforcer la capacité des agriculteurs à protéger leurs revenus dans un contexte de marché plus fluctuant.

Relancer l’assurance

C’est d’abord le cas de l’assurance: à l’instar de ce qui se passe dans pas mal d’autres pays, le gouvernement veut inciter les agriculteurs à s’assurer contre les fluctuations de chiffre d’affaires, qu’elles soient dues au climat ou aux aléas économiques. L’encouragement à l’assurance, via une aide pour payer les primes, sera étendu. Des produits comme l’assurance fourrage sont même envisagés. Cette extension implique aussi que l’État s’engagera à mettre en place une «réassurance» c’est-à-dire à garantir le risque de déséquilibre des assureurs, si les indemnités dépassent les primes perçues.
Deuxième moyen pour aider les producteurs à régulariser leur revenu, le regroupement de l’offre agricole: les groupements de producteurs seront encouragés à se fédérer, dès l’instant que l’État juge qu’ils sont efficaces et ne constituent pas seulement des outils pour toucher des primes. Une série de dispositifs vise à renforcer et encadrer le rôle des interprofessions de filière.
À condition qu’elles ne contredisent pas la libre concurrence, elles pourront avoir une responsabilité plus grande dans l’orientation des prix. Le mode de fonctionnement des interprofessions est également abordé. Ainsi, «les statuts ou le règlement intérieur de l’interprofession peuvent prévoir une liste d’activités pour laquelle la règle de l’unanimité ne s’applique qu’aux seules professions concernées. » C’est, indirectement, ouvrir la possibilité d’une entorse à la règle de l’unanimité des collèges, inhérente au statut actuel des interprofessions. Une entorse qui permettrait une ouverture, selon certains, de ces interprofessions à des syndicats représentatifs mais minoritaires.

Contractualisation

La contractualisation est le troisième moyen envisagé pour renforcer la solidité des agriculteurs : il s’agit de rééquilibrer les relations entre exploitants et fournisseurs. Cela passe aussi par des contrats écrits. Pour les producteurs de fruits et légumes frais, on évoque plus simplement des bons de commande. La loi devrait rendre les contrats obligatoires, pour un à cinq ans, avec indication des prix et volumes vendus. Les industriels et distributeurs devront donc s’engager sur le long terme. Avec ce contrat, Bruno Le Maire tire les conclusions de la crise du lait, qui révéla que bon nombre d’éleveurs produisent et vendent sans connaître leur futur prix de vente.
Le projet vise aussi à réglementer les pratiques des grandes surfaces à l’égard des paysans, notamment concernant les produits frais : pas de prix bradés ou ristournes abusives durant les crises, encadrement des tarifs sur catalogues, etc. Un observatoire des prix et des marges devra faire un rapport annuel au Parlement. Dans le chapitre consacré à la politique de l’alimentation, le projet de loi spécifie aussi que les opérateurs auront obligation de transmettre toutes données réclamées par l’administration.

Allègement des charges

Tirant également les conséquences des crises des fruits et légumes, le projet de loi entérine l’allégement des charges salariales pour l’emploi des saisonniers. Un des articles prévoit non seulement l’allégement des charges patronales mais aussi celles des saisonniers. Il s’agit d’atténuer les distorsions de concurrence avec les concurrents européens sur les produits dont le poids de la main d’œuvre est important.
Dans le contexte actuel de revenu très bas des agriculteurs, le pari de les rendre plus autonomes est loin d’être gagné. Et puis, le gouvernement pourrait se voir reprocher la volonté de se désengager d’une politique agricole pour privatiser la régulation des marchés. Bruno Le Maire le sait bien et donc se bat tout autant pour «sauver les meubles» de la Pac à Bruxelles. Mais il sait aussi que tout ce qui peut renforcer la solidité économique des paysans est bon à prendre.

Intervention de l’État

L’intervention de l’État pourrait, sur certains aspects, être renforcée par la LMAP. C’est le cas en ce qui concerne les relations commerciales, qu’on veut rééquilibrer en faveur de l’amont. C’est aussi le cas en matière foncière, avec la volonté affichée de réduire la consommation de terres agricoles au profit de l’urbanisation. Un observatoire est créé pour surveiller le phénomène tandis que des commissions locales seront chargées de donner leur avis sur ces déclassements. L’avis n’est pas contraignant mais il devrait pousser les promoteurs à mieux justifier l’artificialisation des terres agricoles. Autre frein aux phénomènes modernes, le contrôle plus étroit sur l’implantation de capteurs photovoltaïques qui devient en principe impossible sur des terres à potentiel agricole.

Amendements

Toutes ces réformes doivent, au-delà du projet de loi, être précisées par des décrets et arrêtés à venir. Le projet compte peu d’articles (23 seulement, dont 17 concernant l’agriculture ou la forêt, 5 sur le pêche et 1 concernant les départements d’outre-mer) mais chacun d’entre eux est très riche, renvoyant à des modifications des codes du commerce, forestier et rural. D’ores et déjà, le jeu des amendements en commissions parlementaires ou directement en débat va préciser la myriade de mesures contenues dans le projet. La période de concertation en amont du projet a été volontairement très courte… celle des amendements ne sera pas tellement plus longue.
Les syndicats agricoles devront être d’autant plus réactifs tout en étudiant à fond les dossiers. C’est dans ces moments, surtout, que l’on voit si les organisations ont les équipes à même d’influer sur une législation qui devrait marquer les années à venir.

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