« Un tiers des Français vit en zone rurale et se sent abandonné ! »
Sébastien Gouttebel, président des Maires Ruraux du Puy-de-Dôme revient sur le salon des Maires qui s'est déroulé la semaine dernière à Paris, et détaille le sentiment général des premiers édiles à 4 mois des municipales.
Sébastien Gouttebel, président des Maires Ruraux du Puy-de-Dôme revient sur le salon des Maires qui s'est déroulé la semaine dernière à Paris, et détaille le sentiment général des premiers édiles à 4 mois des municipales.
Les prochaines municipales auront lieu le 15 mars 2026, soit dans 4 mois, et le budget de la France se fait toujours attendre. Comment les maires se préparent-ils à ces élections ?
Sébastien Gouttebel : Nous sommes dans l'inconnu et il est difficile pour les élus de se projeter et d'écrire leur programme. Le but d'un élu local est de faire avancer sa commune. Si nous ne devons être maire que pour en porter l'étiquette, ça ne fait pas rêver.
Le projet budgétaire est actuellement entre les mains du Sénat, tant que rien ne sort, nous sommes dans l'attente.
Tel qu'il est prévu, ce sont entre 4,5 et 7 milliards d’euros en moins pour les collectivités.
C'est l'effort qui est demandé aux communes. Ça commence à piquer ! Qui dit moins de subventions, dit aussi des projets plus long encore à aboutir. Encore une fois, quand un maire se présente, il le fait dans l'objectif d'améliorer la vie de ses habitants et non pas de se contenter à gérer la salle des fêtes.
Justement avant chaque élection, la fatigue et le désengagement des maires font souvent la Une des médias. Qu'en est-il dans le Puy-de-Dôme ?
S.G : Les statistiques restent les mêmes que celles des années précédentes, à savoir qu'entre 25 et 30 % des maires ne se représentent pas. Il n'y a pas de grandes vagues de départs. C'est un renouvellement naturel. Alors oui, certains arrêtent parce qu'ils en ont ras le bol mais pour d'autres c'est simplement parce qu'ils veulent passer le flambeau, ou en raison de l'âge…
Il y a quand même une hausse des agressions des maires…
S.G : Complètement ! Insultes, harcèlement, atteintes physiques… Il y a une agressivité latente en progression. C'est l'ambiance du moment. Le contexte est anxiogène, les gens sont inquiets, et les maires sont les premiers services de l'État auxquels ils ont accès. Dans certains territoires, nous sommes mêmes les seuls. Sur ma commune de Murol, il ne se passe pas une semaine sans que mes secrétaires de mairie se fassent engueuler. Pourquoi ? Parce que le déploiement de la fibre est en train de s'opérer et l'opérateur en charge n'est pas joignable. La mairie est alors le seul interlocuteur. Ça fait des années que ça dure, et je ne crois pas que cela ira en s'améliorant. Depuis le lendemain du COVID, nous assistons partout en France à un repli des gens sur eux-mêmes, sur leur cellule familiale. Ils ont oublié l'intérêt général. On le voit dans l'associatif, il est très difficile d'organiser des fêtes de village, comme il est difficile aussi de recruter des pompiers volontaires.
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Vous étiez présent au Salon des Maires à Paris la semaine dernière. Les propos du chef d’état-major des Armées, Fabien Mandon, qui invite les maires de France à se préparer à un « choc dans trois ou quatre ans » avec la Russie, avant d'en appeler à votre« rôle majeur (...) il faut en parler dans vos communes (...) être prêt à accepter de perdre des enfants (...) souffrir économiquement », ont beaucoup fait réagir au plus haut sommet de l'État. Quelle a été votre réaction face à ce discours ?
S.G : La guerre est aux portes de l'Europe, c'est une réalité. Il faut en prendre conscience.
Ma première réaction est surtout une interrogation : avons-nous oui ou non une force de défense européenne ? Pendant plusieurs décennies, les États membres ont construit une Europe économique en oubliant que cette union avait aussi vocation dans ses origines à protéger les populations. Ma seconde réaction à ce discours est surtout de dire que ce n'était ni le lieu, ni le bon public. Les maires sont complètement déconnectés de tout ça. Que pouvons-nous faire ? On ne va pas créer des milices locales ou « des réserves citoyennes » comme ils disent ! Ce n'est pas le rôle des maires de préparer les gens à la guerre. C'est le rôle de l'État.
Ce discours est aussi à mon sens une manœuvre politique. Tant qu'on parle de ça, on ne parle pas du fond, à savoir quelle stratégie d'aménagement du territoire on met en place.
Nous avons des enjeux pressant sur la qualité des logements et la rénovation des habitations notamment en zone rurale ; mais comment fait-on quand le modèle économique n'est pas à l'équilibre ?
D'autant plus avec l'objectif de diviser par deux la constructibilité des sols d'ici 2030 ? On parle de réindustrialisation, de réimplanter de grandes usines mais où va-t-on loger les gens ?
Faut-il craindre une désertification dans les communes rurales face à l'absence de stratégie d'aménagement du territoire ?
S.G : Les maires ruraux ont trois priorités pour leur commune : pouvoir loger de manière décente les administrés, avoir des écoles et un accès à la santé.
Le projet de budget prévoit la suppression de 4 000 postes d'enseignants. À cela, on nous oppose la baisse démographique.
Je réponds qu'au contraire, ce devrait être une opportunité unique d'avoir moins d'élèves par enseignant et ainsi améliorer la qualité des enseignements.
En haut-lieu, on préfère la réalité comptable ! Encore une fois, nous sommes suspendus au vote du budget. La seule chose qui nous a été annoncée, c'est le report de la publication de la carte scolaire, après les municipales pour que ce ne soit pas un enjeu local. Si ces suppressions sont maintenues, il faudra s'attendre à de nombreuses fermetures de classes. Toucher l'école, c'est toucher à l'essentiel de la vie d'une commune. La ruralité représente 88 % du territoire et un tiers de la population française.
Force est de constater qu'aujourd'hui, et dans ce qui semble se dessiner, ces 23 millions de personnes n'ont pas fini de se sentir délaissées.