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UE-Mercosur : pourquoi le projet d’accord fait trembler la filière bovine européenne

L’Institut de l’élevage (Idele) a consacré un dossier aux conséquences chiffrées de l’accord potentiel entre Union européenne et Mercosur, une véritable puissance productrice et exportatrice.

L'élevage allaitant extensif du Massif central menacé par cet accord
© Patricia Olivier

Dans une publication du 21 novembre, l’Institut de l’élevage (Idele) apporte un éclairage des plus instructifs sur les conséquences d’un potentiel accord entre l’Union européenne et le Mercosur pour la filière bovine tricolore et européenne, avec des éléments d’analyse chiffrée qui viennent contrecarrer certaines données de la Commission européenne visant à atténuer l’impact de l’entrée de 99000 tonnes de viande bovine sud-américaine à droits de douane réduits sur le marché communautaire. Éclairage que nous relayons sous la forme d’un questions-réponses. 

Mercosur : un géant exportateur 

Quelle est la capacité de production et exportatrice des pays composant le Mercosur ? Les quatre pays membres historiques du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) comptent parmi les principaux producteurs et exportateurs de viande bovine. À eux quatre, ils concentrent un quart de la production mondiale et plus d’un tiers des exportations mondiales. En 2023, le Brésil occupait le deuxième rang mondial de la production de viande bovine devant les États-Unis, avec 9,7 millions de tonnes équivalent carcasse (téc) produites. L’Argentine était au sixième rang, avec 2,8 Mtéc. Plus loin dans le classement, l’Uruguay avait produit 600 000 téc et le Paraguay 570 000 téc.

L’UE est-elle une destination privilégiée de ces exportations ? 
Les destinations des exportations restent variées bien que la Chine soit désormais, et de loin, le premier client des exportateurs du Mercosur en concentrant plus de 57 % de ces volumes. Mais l’UE reste un client important des exportateurs du Mercosur, notamment pour la bonne valorisation des carcasses produites sur le continent sud-américain. En 2023, près de 195000 téc de viande bovine issue des pays du Mercosur y ont été exportées dont 45 % depuis le Brésil, 32 % depuis l’Argentine et 21 % depuis l’Uruguay. Même si le Brexit a un peu changé la donne, le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay restent de loin les principaux fournisseurs à l’import de l’UE à hauteur de 58 % des volumes importés. 

Actuellement, quelles sont les conditions d’accès de ces viandes au marché européen ? Le Mercosur bénéficie déjà d’accès préférentiels au marché communautaire, dont les contingents de type “Hilton” avec un droit de douane de 20 % ou le contingent “viande bovine de haute qualité” ouvert seulement à l’Argentine et à l’Uruguay. D’après les estimations de l’Idele, entre 2018 et 2021, à peine plus d’un quart des viandes étaient entrées à droit de douane plein.

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Nouvelles concessions sur la viande bovine

Que prévoit exactement l’accord en discussion entre l’UE et le Mercosur ? 
L’accord, une fois appliqué, libéralisera de nombreuses lignes tarifaires : le Mercosur supprimera les droits de douane sur 91 % des biens importés depuis l’UE dont les véhicules (droit actuel de 35 %), la machinerie (droit de 20 à 35 %), les produits chimiques (droit de 14 %), les vêtements (droit de 35 %). L’UE exemptera de droits de douane 95 % des produits importés depuis le Mercosur, dont 83 % d’importations de produits agricoles. Pour la viande bovine, il prévoit de nouvelles concessions européennes avec l’ouverture progressive de 99000 téc de nouveau contingent à 7,5 % de droit de douane et la suppression immédiate des 20 % de droit de douane des contingents Hilton. Pour les produits laitiers, l’UE ouvrira progressivement des contingents de 10000 tonnes de poudres de lait, 30000 t de fromages et 5000 t de poudres de lait infantile. Les mêmes contingents seront ouverts par le Mercosur. Les périodes de mise en place des contingents prévus par l’accord sont de cinq ans en viande bovine et de dix ans en produits laitiers.

Contingent ciblé sur l’aloyau

La Commission européenne relativise et minimise dans ses communications l’impact de ces 99 000 téc sur le marché européen. Qu’en est-il ? 
La Commission européenne a en effet tendance à rapprocher les contingents ouverts à la production ou la consommation totale de viande bovine dans l’UE. Pour le Mercosur, le contingent de 99000 téc représentait ainsi en 2019 “1,2 % de la consommation totale européenne de viande bovine (8 Mt par an)”. Aujourd’hui, ce serait plutôt 1,6 %. Mais les contingents ouverts concernent essentiellement les viandes issues de l’aloyau. Il est donc plus logique de ramener les ouvertures de marché à cette production particulière : soit 400000 téc pour celle issue des cheptels allaitants de l’UE et 720000 téc pour les laitiers (moyenne entre 2019 et 2021). Une ouverture à 99000 téc d’aloyaux supplémentaires compétitifs en prix pourrait donc peser. Et ce d’autant que l’UE multiplie les concessions dans le cadre des négociations d’accords de libre-échange qu’elle pilote. Ainsi, les importations actuelles, les concessions en cours et celles à venir représentent environ 1,3 fois la production européenne d’aloyaux du cheptel de race à viande et 0,7 celui du cheptel laitier.


 

Coûts de production inférieurs de 40 à 60 %

Malgré les frais de transport, ces viandes sud-américaines demeurent plus compétitives que celles produites dans l’UE ? 
Les coûts de production en élevages de bovins viande du Mercosur sont inférieurs en moyenne de 40 % à ceux des élevages européens et même de près de 60 % pour les fermes brésiliennes d’après les données du réseau Agribenchmark. La viande bovine du Mercosur est donc compétitive en prix en raison de ces coûts plus faibles et de réglementations plus souples à l’amont comme à l’aval ; de l’ordre de 18 à 32 % moins chère que celle importée d’Europe. Même en intégrant le transport, elle le reste grâce aux droits de douane réduits. Dans une étude menée pour le groupe des écologistes au Parlement européen, l’Idele a estimé que la proportion d’aloyaux issus du Mercosur sur le marché de l’UE devrait augmenter de manière considérable, passant de 13 % en 2019 à 21 % ou 26 % en 2030. Cette augmentation constitue une menace majeure pour les revenus des producteurs de l’UE.

Produits phytos, antibios, déforestation

Quid des arguments environnementaux et sanitaires avancés par les éleveurs français ? Les conditions de production au sein des pays du Mercosur sont très différentes de celles observées au sein de l’UE. De la production de végétaux servant entre autres à la finition des bovins, aux antibiotiques en passant par le bien-être animal ou encore la traçabilité, les règlementations appliquées au sein du Mercosur tout au long de la chaîne de production sont le plus souvent largement moins-disantes que celles de l’UE. De nombreux pesticides, dont l’usage est interdit dans l’UE, sont autorisés par les membres du Mercosur et utilisés par les agriculteurs. Par exemple, 27 % des ingrédients actifs utilisés au Brésil étaient interdits en 2020 au sein de l’UE. Et plusieurs antibiotiques restent utilisés en élevage bovins viande comme activateurs de croissance. C’est le cas de la bacitracine, la flavomycine, le monensin, ou encore la virgyniamicine. La déforestation supplémentaire sur cinq ans induite par l’augmentation des exportations de viande bovine liée à l’accord UE-Mercosur pourrait s’élever de 620000 hectares à 1,35 million d’hectares, dans le scénario le plus pessimiste.

Source : Institut de l’élevage, “Le Mercosur, une puissance productrice et exportatrice”, publication du 21 novembre 2024.

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