S'associer pour gagner en confort et sérénité
Voisins dans la vallée de la Cère, Yannick Navarro et David Garcelon ont choisi de conjuguer leurs savoir-faire et leur vision d'un métier dont ils ne soient pas esclaves.
Après 20 ans à travailler seul sur son exploitation bovine, David Garcelon n'hésite pas à le confier, il commençait à se poser la question d'une double activité. Vingt ans sans trop pouvoir souffler, 20 ans au terme desquels il avait aussi l'impression d'avoir fait un peu le tour de son métier et de son exploitation. "Il me fallait trouver une solution pour avoir un peu de temps pour moi et ma famille", expose l'éleveur de Meymac à la tête d'un cheptel de 80 salers croisées dont les veaux étaient jusqu'à mars dernier commercialisés en colis bio.
"J'avais fait le tour du métier"
À quelques encablures de là, sur l'autre versant de la vallée de la Cère à Maruéjouls, c'est un autre challenge que Yannick Navarro devait relever : pallier au départ en retraite annoncé de son père Henri avant celui de sa maman, Nadine, salariée du Gaec. Avec la même préoccupation : ne pas devenir esclave de son exploitation. "J'avais deux choix, opposés, soit je trouvais quelqu'un de confiance avec qui m'associer, soit je me retrouvais tout seul avec deux salariés à devoir gérer les vaches, la traite, la transformation, l'affinage et la commercialisation ! Je n'en étais pas capable !", avance le trentenaire installé en 2007 en Gaec avec son père et qui a enchaîné les projets et réalisations depuis 15 ans : début de la transformation fromagère (cantal et salers AOP) en 2010, atelier d'affinage en 2015, séchage en grange en 2021... et désormais association avec David. Une solution préférée à celle du salariat : "De bons salariés, de confiance, qui acceptent de travailler le week-end et les jours fériés, il y en a sûrement mais... pas beaucoup", glisse Yannick Navarro qui a cependant trouvé en Margaux, 21 ans, tout à la fois une apprentie douée et une... future seconde associée.
Une même vision et ambition
Habitués à ne pas mettre la charrue à avant les boeufs, Yannick comme David ont décidé de prendre le temps avant de sceller leur association. "On travaillait déjà ensemble pour tout ce qui était fenaison... mais on s'est donné une grosse année à travailler ensemble selon un planning prédéfini avec des permanences le week-end ; une année à décider ensemble, sans être officiellement associés, pour voir si vraiment on était compatible..." relatent les deux associés de la désormais Ferme des Deux versants. Une étape nécessaire et concluante qui a confirmé une même approche du métier et des objectifs partagés : rentabilité et vivabilité. "On a le même objectif d'aller toujours chercher de la valeur ajoutée, des économies de charges, tout en se libérant du temps", complètent David et Yannick.
Depuis le 1er avril, leurs deux exploitations n'en font plus qu'une avec deux évolutions : une réduction du cheptel salers (20 mères en moins) désormais tourné vers la production de broutards, concomitante au confortement de l'atelier laitier via l'arrivée d'une dizaine de montbéliardes supplémentaires. L'objectif était aussi de gagner en autonomie fourragère avec 130 ha d'herbe, une ressource valorisée via le séchage en grange. Le nouveau Gaec conserve par ailleurs 22 ha d'herbe achetée sur pied et destinée à sécuriser les stocks.
Bientôt une troisième associée
Depuis un an, David s'est fait la main à la traite, une formation "en accéléré" qui n'est pas pour lui déplaire. "Ce projet a permis de remettre de la nouveauté, de m'apporter une nouvelle motivation, on ne regrette pas du tout !" affiche dans un sourire l'éleveur de Meymac. Formation aussi pour Margaux, qui, à l'issue de son BTS PA par alternance sur la ferme de Maruéjouls, y a été embauchée en CDI. Elle aguerrit aujourd'hui son expérience à la transformation fromagère entre autres aux côtés d'Henri Navarro, dont elle devrait reprendre les parts au 1er janvier prochain.
Un futur ex-associé qui restera cependant présent, à raison de quelques heures par semaine en tant que salarié, histoire de mettre à profit son dynamisme de jeune retraité. Margaux continue aussi de se perfectionner aux contingences administratives de l'exploitation et à la vente sur les marchés auprès de Nadine Navarro qui fera elle aussi valoir ses droits à la retraite d'ici un an. Une échéance que Yannick Navarro n'appréhende plus, assuré dorénavant de pouvoir compter sur deux associés avec lesquels il nourrit déjà de nouveaux projets, dont celui de développer de nouveaux débouchés aux fromages et charcuteries de la Ferme des Deux versants sur Clermont-Ferrand et Toulouse.