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Prairies : une ressource capable de résistance et résilience

Oui le climat va continuer de changer dans les décennies à venir impactant l’élevage du Massif central. Mais des pistes d’adaptation existent.

Plusieurs intervenants ont partagé leurs constat et projection sur la hausse des températures et son impact sur la pousse de l’herbe.
Plusieurs intervenants ont partagé leurs constat et projection sur la hausse des températures et son impact sur la pousse de l’herbe.
© P.O.

25°C et un soleil plomb ce 27 septembre 2018 à 1 100 m d’altitude sur le site de l’Inra de Marcenat. De quoi faire taire les climatosceptiques et poser le cadre de la dixième Journée de l’herbe organisée par l’Inra et les chambres d’agriculture du Cantal et du Puy-de-Dôme, justement consacrée cette année à l’adaptation de le gestion de l’herbe aux aléas climatiques notamment. 2018 année exceptionnelle certes, mais les constats et projections des équipes du programme AP3C(1) le confirment : la température moyenne va continuer d’augmenter à l’horizon 2050 (+ 2°C) dans le Massif central, sans que soit écarté le risque de gelées printanières tardives, a indiqué Marie Tissot, du Sidam, en charge de la coordination de ce programme qui devrait livrer de nouveaux indicateurs cet automne. Le cumul pluviométrique annuel ne sera pas forcément altéré mais il faut s’attendre à des printemps plus secs et des étés et automnes plus arrosés, à l’opposé du scénario de 2018. Et à une demande en eau de la végétation (ETP) en très nette augmentation (+ 25 % sur Marcenat en 2050).

Variabilité inter et intra-annuelle

Au-delà du Cézallier, c’est sur l’ensemble du Massif central que ces évolutions vont impacter les dates de fauche, accroître l’échaudage des céréales mais en avancer les moissons... Avec, de fait, une série de questions à venir pour l’élevage : “Faudra-t-il avancer les dates de vêlages, introduire des dérobés, prévoir des bâtiments de stockage plus gros... ?”, liste Marie Tissot, qui voit un double enjeu : s’adapter à cette tendance de fond et “en plus, à une variabilité inter-annuelle beaucoup plus importante”. Double voire triple enjeu, puisqu’au sein même d’une année, les conditions peuvent changer du tout au tout comme l’a expérimenté Nicolas Chaumeil, éleveur de jersiaises dans le Nord-Cantal : “Ce printemps, il a plu des millimètres et des millimètres et puis plus rien. C’est beaucoup plus compliqué à gérer pour la pousse de l’herbe.” Lui en est en revanche convaincu : les coupes précoces sont encore plus valables dans ce contexte. “Avant, elles permettaient d’avoir des volumes pour l’hivernage, aujourd’hui elles permettent d’avoir du regain au moins pour pâturer.”

Casser les habitudes

Marie Tissot se veut optimiste malgré ces défis posés : “Il y a beaucoup de pistes à explorer et le monde agricole a la chance d’être entouré d’une grande diversité d’acteurs : recherche, instituts techniques, chambres d’agriculture...” Sans compter la capacité des éleveurs à remettre en question leurs pratiques. Associé avec son père, Nicolas a fait évoluer son exploitation en mettant l’herbe au cœur du système : jusqu’en 2008, les 55 holstein à 9 000 l imposaient 70 tonnes d’achat de concentrés annuels alors que dans le même temps, le Gaec vendait du fourrage. “On produisait de plus en plus de lait avec des stocks de fourrages de plus en plus importants, sans gagner plus d’argent...” Face à la flambée du coût des intrants et à l’arrivée du nouveau cahier des charges de l’AOP cantal, les Chaumeil ont troqué les holstein pour des jersiaises à 6 000 l, réduit de moitié la facture de concentrés en atteignant une parfaite autonomie fourragère jusqu’à l’an dernier. Ils expérimentent tout juste le pâturage tournant et envisagent d’implanter de la luzerne pour ses capacités de résistance au stress hydrique et ses apports protéiques. Installé en 1996 en salers à Mauriac, Bruno Dufayet a lui connu beaucoup plus d’évènements climatiques extrêmes que son père “durant toute sa carrière”. Avec cinq autres éleveurs des GVA du Nord-Cantal, il a accepté de revoir ses habitudes malgré “sa peur de manquer d’herbe en juillet” en repérant les parcelles plus précoces, les plus productives... une diversité qu’il ne soupçonnait pas. “Ça a conditionné des choses sur la mise à l’herbe, la rotation du troupeau, a-t-il indiqué. La mise à l’herbe se faisant d’abord sur les parcelles plus précoces, les plus productives étant destinées à la fauche pour faire des stocks.” Un travail efficace, conduit avec des repères : les sommes de températures. Même si cette approche n’est pas un rempart face à la sécheresse, “ça tamponne toujours. Je n’ai pas eu d’herbe plus longtemps que les voisins mais vu qu’on récolte un peu plus tôt, que les vaches ont mangé de l’herbe plus tôt, la reprise corporelle se fait mieux au printemps, autant de réserves et donc de lait pour les broutards... Ça nous fait réfléchir aussi sur l’adaptation : comment anticiper des fauches encore plus précoces... Il faut qu’on arrive à casser certaines habitudes”.

(1) “Adaptation des pratiques culturales au changement climatique” conduit par les chambres d’agriculture du Massif central.

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