Prairies : des alliés sous vos pieds pour résister aux assauts du climat
Un sol vivant pour des prairies résilientes aux aléas climatiques.
Un sol vivant pour des prairies résilientes aux aléas climatiques.
Nos meilleurs amis ne sont pas toujours ceux qu'on croit, ni nos plus redoutables ennemis d'ailleurs... y compris quand on cherche à doper la résistance de ses prairies. Longtemps on a cru que le combo gagnant résidait dans le duo météo/fertilisation en occultant des régiments entiers enfouis, prêts à mener bataille pour ce précieux couvert fourrager sans quasi rien demander. C'est ce que rappelle en substance Vincent Vigier, conseiller en agronomie à la Chambre d'agriculture du Cantal, en introduction de la formation «Un sol vivant pour mieux résister aux aléas climatiques » qu'il anime.
Une armée de bâtisseurs
Impossible en effet de préserver ses prairies sans en connaître les bases agronomiques, en commençant par le commencement : le substrat sur lequel elles se développent. Un sol trop souvent perçu comme figé et inerte alors qu'il recèle une vie foisonnante dont les vers de terre constituent la partie visible et en quelque sorte émergée. On en compte pas moins de 200 individus au mètre carré, « premiers bâtisseurs » d'un sol fertile. A leur actif, 2 000 km de galeries creusées à l'hectare, 200 tonnes de terre et de matière organique brassées par hectare et par an pour une production de 150 tonnes de lombricompost. Voilà pour le gros œuvre. Dans cette entreprise, cette faune d'invertébrés est associée à une multitude d'infatigables travailleurs, le tout dans une subtile symbiose : 500 millions de bactéries et dix mètres linéaires de mycélium de champignon cohabitent ainsi dans chaque gramme de terre, créant avec les vers de terre une structure grumeleuse à la base du mucus. A noter que cette biomasse microbienne représente 1,5 t/ha dosant 15 % d'azote, 25 % de phosphore et 12 % de potasse. « J'essaie de sensibiliser les éleveurs à cette richesse qu'ils ont sous les pieds », fait valoir Vincent Vigier, avant d'évoquer, les trois ennemis de cette activité souterraine.
Primo, la compaction des sols, « c'est la mort des sol ! », alerte le conseiller, nourri depuis de longues années des retours d'expériences des agriculteurs. Avec un message : limiter au maximum le labour. «Je ne suis pas un opposant au labour mais il doit intervenir une seule fois dans la rotation, plaide ce convaincu du semis direct. Si on a de belles prairies, on les rénove sans travail du sol, avec des outils de semis direct agressifs tout à fait disponibles dans le département, que ce soit en Cuma, copropriété, via les entreprises... »
Acidité... et toxicité
Deuxième paramètre à intégrer : l'acidité des sols du Cantal(1), synonyme de perte de fertilité. Cette dernière décime en effet les bactéries cellulosiques et nitrificatrices et se traduit par un largage important d'aluminium, source d'intoxication « à bas bruit » des espèces productives de la prairie. Pour confirmer que cette toxicité est bien en cause dans des prairies chétives, Vincent Vigier se penche sur la présence de plantes indicatrices, notamment une graminée, agrostis stolonifère, ou encore le rumex petit oseille. Cette acidité provoque en outre une moins bonne assimilation des éléments minéraux majeurs (azote, potasse, soufre, calcium et magnésium) par les plantes.
La solution ? Faire remonter le pH (un pH eau minimum de 6(2)) via des apports de calcaire broyé ou de carbonate, qui, la nature faisant bien les choses, sont justement disponibles et extraits dans le département, des carrières de Montmurat et Saint-Paul-des-Landes. Des unités de valeur neutralisante les moins chères du marché, efficaces et, cerise sur le gâteau, vertueuses en termes de bilan carbone. « On est en plein dans l'agroécologie en faisant appel à ces ressources locales », souligne l'agronome.
Phosphore : n'en jetez plus !
Autre idée reçue, qu'un essai conduit par la Chambre d'agriculture dans les Monts du Cantal en 2018, est venu renverser : la nécessité d'une fertilisation phosphatée. L'essai, basé sur 48 analyses de sol couplées à des analyses de plantes, a en effet montré une sous-estimation du phosphore par la méthode Olsen et de fait des indices de nutrition phosphatée excédentaires dans la végétation, de l'ordre de 30 % par rapport au seuil toléré par la plante. Conclusion : « Arrêtez d'acheter du phosphore ! » D'autant qu'avec la répétition des épisodes de sécheresse estivale, la biomasse microbienne fournit tous les automnes au retour de pluies 1,5 tonne, dosée à 25 %, soit 370 unités de phosphore à l'hectare, chiffre Vincent Vigier.
Dernier conseil et leitmotiv : stop au surpâturage et aux fauches trop rases. En privant la plante de sa surface foliaire et donc de photosynthèse, cette dernière va consommer la moitié de ses racines sous forme de sucre pour refabriquer des feuilles, explique le conseiller. Si la situation se répète l'année suivante, suivie de longues périodes sèches, la prairie perd des pieds, se troue et se salit. Dès la mi-juin, il convient donc de relever la hauteur des barres de coupe et de sortir les vaches à pas moins de 8 centimètres de hauteur d'herbe afin de préserver les 5 000 km de racines (/ha) et le potentiel des prairies. « Et dès les premiers orages d'été, c'est reparti ! », avance Vincent Vigier qui met en outre en avant le rôle de climatiseur de ce couvert végétal : «On peut gagner 5°C par rapport à une prairie rase, c'est donc important à la fois pour éviter la déshydratation des sols et pour la vitesse de repousse. »Autant de pratiques économes et efficaces d'un point de vue agronomique, écologique et économique.
- Seuls 5 % de la SAU du Cantal (dans les bassins sédimentaires) sont des sols neutres.
- Et saturer la CEC (capacité d'échanges de cations) des sols à 70 %.