Pac
Pour une politique agricole commune efficace et équitable
2008 est un rendez-vous crucial pour l’avenir de l’agriculture européenne en général et du Massif central en particulier. Pour ne pas rater le “coche”, les responsables professionnels de la grande région ont réécrit la Pac sur une feuille blanche : c’est le Livre Blanc.
L'atout de la présidence française
2008 sera-t-elle l'année du renouveau de la politique agricole commune ? C'est le voeu formulé par les responsables professionnels agricoles du Massif central qui, à travers la rédaction d'un Livre blanc, redéfinissent les priorités de la PAC. Ils proposent de la refondre complètement, bien au-delà du bilan de santé prévu cette année, afin que la politique agricole européenne soit en mesure d'assumer les nouveaux défis. Quels sont-ils ?
Il y a d'abord l'enjeu alimentaire visant à assurer l'alimentation de 9 milliards d'habitants d'ici 2050. «Nous sommes dans une croissance de la population sans précédents qui va obliger à multiplier la production alimentaire par deux dans un contexte où il y aura de moins en moins de surfaces à consacrer à la production (25 ares / habitant d'ici 2050) » précise Thierry Boulleau, chargé de mission au SIDAM(2). Vient ensuite le défi énergétique consistant à gérer les concurrences entre l'alimentation et le non alimentaire. « Beaucoup de surfaces agricoles seront demain destinées à la production d'énergie renouvelables de deuxième génération, notamment en Amérique du nord et du sud. Dès cette année au Brésil, des terres vouées à l'élevage de bovins sont consacrées aux cultures énergétiques. Un détournement qui génère aujourd'hui la rareté de la viande bovine! ».
Un enjeu environnemental s'oppose également à l'agriculture européenne dont la mission sera de produire plus et mieux en épargnant les ressources de la planète. Elle devra dans le même temps assurer un développement équilibré de ses territoires; une préoccupation typiquement européenne mais essentielle car où que l'on soit, l'agriculture reste le pivot de l'économie des territoires les plus fragiles.
Face à ces enjeux, la Commission européenne échafaude des solutions. Elle propose par exemple de simplifier le régime de paiement unique en permettant aux Etats membres d'ajuster les DPU pour parvenir à un taux de soutien plus linéaire au cours de la période 2009-2013. Elle propose également de faire évoluer les aides couplées par une approche au cas par cas, de modifier la conditionnalité des aides en simplifiant le système, de supprimer l'intervention en céréales et la jachère, d'augmenter la modulation des aides en renforçant les mesures du second pilier et, pour finir, de supprimer les quotas laitiers en augmentant très vite les quantités individuelles de production et en soutenant la production en zones de montagne.
Retour à l'équilibre des marchés
Une chose est sûre, toutes les discussions politiques sur la PAC auront lieu sous la présidence française qui débutera en juillet prochain. «Une opportunité à saisir ! » selon Thierry Boulleau. «L'année 2008 est sans aucun doute la période propice pour agir; une période où le bilan de santé de la PAC et la préparation de l'après 2013 tiendront une place prépondérante dans les discussions au sein de l'Union ». Les responsables agricoles du Massif central ne veulent pas rester en dehors des débats. Très rapidement, ils demandent la concrétisation des soutiens aux productions fragilisées (ovins), le renforcement des ICHN et un soutien spécifique à la production herbagère. A plus long terme, ils souhaitent que l'Europe, sous la pression française, procède à une refonte en profondeur de sa Politique agricole autour de quatre axes : la sécurisation de la production, l'assurance du revenu, le soutien aux zones à handicaps naturels et aux secteurs fragiles, et le soutien à la recherche et à l'innovation. « L'Europe doit partir du constat que pour privilégier l'alimentation et garantir les approvisionnements elle doit favoriser la production » explique Thierry Boulleau. « Tant qu'il y avait une politique de régulation par les stocks, la question ne se posait pas. Or aujourd'hui les frigos de l'UE sont vides et les dispositifs de régulation des marchés n'existent plus. Et nous l'avons vérifié en 2007 : il suffit d'1 % de variation de la production mondiale pour impacter le marché ! ».
Le retour aux équilibres des marchés prôné par le Livre Blanc du Massif central devrait être un des objectifs prioritaires de la future PAC. « Il faut revenir aux fondamentaux pour que l'agriculture puisse produire suffisamment et bien. Et l'agriculture européenne n'investira pour produire plus et mieux que lorsqu'elle sera sécurisée en matière de revenu et de production» conclut-il.
(1)- Organisation Mondiale du Commerce
(2)- Service Interdépartemental pour l´Animation du Massif Central.
Jacques Chazalet, Président COPAMAC - SIDAM*
« Plus que rénover, il faut construire une nouvelle PAC »
Cela fait 25 ans que l'on fait évoluer la politique agricole commune en bricolant ici ou là des outils pour l'adapter. Résultat : la PAC est devenue illisible, inefficace et surtout inéquitable. Les marchés sont déstabilisés, les territoires sont fragilisés et, comble de l'ironie, l'Europe est dépassée, incapable de répondre à la demande et de faire face aux enjeux qui se présentent. Or, plus que jamais notre agriculture a besoin d'objectifs clairs, d'orientations fortes et de soutiens pour être dans la course. C'est tout le sens du Livre Blanc du Massif central qui, tout en soulignant les errements de la PAC, propose de la refondre autour de quatre axes essentiels : sécuriser la production, sécuriser les revenus, donner de la compétitivité aux territoires et aux productions difficiles, et développer la recherche et l'innovation.
Ces quatre axes sont indissociables :
Le premier a pour objectif de garantir l'approvisionnement des consommateurs par des échanges régulés et une concurrence acceptable entre les territoires. Cet axe est fondamental car il marque la spécificité de l'agriculture et de chacune des productions. La régulation des marchés est aussi la stratégie du MOMA.
Le deuxième a pour but de favoriser des prix rémunérateurs. C'est une option qui suppose des moyens pour les agriculteurs, y compris d'avoir des systèmes de production sécurisés face aux aléas climatiques, sanitaires et conjoncturels.
Le troisième axe vise à soutenir les zones fragiles en recréant un lien fort entre production et économie. Le découplage initié par l'Europe est l'exemple type de la négation d'entreprendre.
Et enfin, le quatrième axe doit permettre d'accompagner l'évolution des systèmes d'exploitation, l'adaptation des produits, la recherche de nouveaux débouchés et de valeur ajoutée. L'objectif global étant d'accompagner les agriculteurs à produire plus et mieux pour répondre aux demandes du marché.
Ce sont là les propositions du Livre Blanc que nous avons présentées au ministre de l'agriculture et aux différents décideurs. Elles servent aujourd'hui de base de réflexion à la reconstruction de la politique agricole commune. Le chantier est ouvert. Les responsables professionnels du Massif central ont bien l'intention de prendre part aux discussions et de faire valoir leurs propositions. Car plus qu'une rénovation, l'enjeu de 2008 est de construire une nouvelle PAC ou plutôt une nouvelle politique alimentaire, plus efficace et surtout plus équitable entre les territoires et les productions. Une politique qui réponde aux enjeux des consommateurs et des agriculteurs.
*Conférence des présidents du Massif central