64ème congrès de la FNSEA
Pour un syndicalisme responsable et de convictions
La FNSEA a tenu son congrès à Auxerre les 30, 31 mars et 1er avril en présence des fédérations départementales. Elles réclament un syndicalisme ayant du sens et à l'écoute de la base.



Secouées, les troupes de la FNSEA le sont à l'issue d'une année 2009 plus que difficile. Lors du 64e congrès du syndicat agricole, qui s’est tenu à Auxerre du 30 mars au 1er avril, les FDSEA l'ont dit, clairement et franchement au travers des multiples interventions des délégués. Même l'intervention de la délégation creusoise, composée de son président Philippe Monteil, de son vice-président Jean-Philippe Viollet et de son secrétaire général Thierry Jamot aura permis de pointer du doigt les dysfonctionnements de la « grande maison » et de rappeler à l'ordre le président de la FNSEA. En effet l'intervention du président Philippe Monteil ne sera pas passé inaperçu, tant les propos tenus ont été virulent et franc (voir l’intervention ci-dessous), allant même jusqu'a voter contre l'augmentation des cotisations et le budget de la FNSEA.
Le Bilan de santé de la PAC a divisé début 2009 le syndicat, les producteurs de grandes cultures estimant la réorientation des aides vers l'élevage trop importante. Les éleveurs naisseurs engraisseurs estimant pour leurs parts être lésés dans cette réforme. Puis, le contexte de crise économique mondiale a aggravé la chute du revenu des agriculteurs (-32 %). Enfin, la crise laitière a occupé le devant de la scène agricole à l'été et l'automne 2009, et les tensions continuent actuellement dans la filière, en dépit de l'accord interprofessionnel conclu le 30 mars sur le prix du 2e trimestre 2010. Résultat, d'accord avec un syndicalisme responsable revendiqué par les FDSEA qui réclament également de la FNSEA une ligne aux convictions claires. Elles ont ainsi abondamment commenté le rapport moral 2010 de la FNSEA intitulé : « Un syndicalisme responsable pour rassembler et agir ». Selon Jean-Michel Lemetayer, son président, à chaque endroit où le réseau se trouve, il « mène le combat pour servir la profession agricole », en particulier contre la dérégulation des marchés agricoles au niveau européen et mondial, source d'une forte volatilité des prix.
Ne pas céder aux discours simplificateurs
« Le syndicalisme doit aider le plus grand nombre à intégrer la complexité du monde dans lequel nous vivons », a rappelé, le secrétaire général adjoint de la FNSEA, Jean-Bernard Bayard. Cette responsabilité dans l'action syndicale, le discours de vérité sont des éléments de son identité que la FNSEA a réaffirmés à Auxerre. « Nous devons parler d'avenir sans mentir et sans céder aux effets de mode », a ainsi résumé le secrétaire général de la FNSEA, Dominique Barrau. La FNSEA juge en effet que le discours de l'APLI par exemple, symbolisé par le prix de 400 euros les 1 000 litres, est démagogique, aux antipodes de la réalité économique et sociale du secteur.
Redonner du sens
Dans les départements, on attend aussi que la FNSEA « rassemble et comprenne les campagnes », a lancé un responsable agricole, d'autant plus que la structure cantonale et communale de la FNSEA est le cœur de son réseau. Alors que d'autres estiment que « l'essentiel dans le syndicalisme, c'est la conviction ; il faut une ligne ». Pour certains départements en effet, la FNSEA doit incarner des convictions précises afin que ses adhérents s'y reconnaissent pleinement.
Le terrain
Pour beaucoup de responsables agricoles départementaux enfin, le Bureau de la FNSEA, les membres de son équipe nationale doivent aller sur le terrain le plus souvent possible afin d'y écouter la base. « Il faut mettre des moyens humains aussi pour accompagner et soutenir les FDSEA », a lancé, amer, un autre adhérent, réclamant « une cellule de veille à la FNSEA ». Un autre adhérent, responsable départemental, a martelé que « la FNSEA ne sera forte que si les FDSEA sont fortes et soutenues par un projet national de la FNSEA ». Souhaitant nuancer ces propos, Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, a appelé aussi aux manifestations et actions locales « spontanées », « sans attendre de mot d'ordre national si elles sont en cohérence avec lui ». A Auxerre, le dialogue n'a pas manqué.
Intervention de Philippe Monteil, président de la FDSEA de Creuse
Redonner confiance aux agriculteurs
Monsieur le président,
Je ne vous apprendrai rien sur le contexte actuel, tel que nous le vivons en ce moment dans nos campagnes, mais permettez-moi de vous faire quelques remarques sur le ressenti qu’ont les éleveurs creusois à l'égard de la FNSEA. Tout d'abord une simple question : la FNSEA fait-elle encore du syndicalisme ou bien du spectacle ? Sincèrement, on peut réellement se poser des questions et se demander si la FNSEA a réellement pris conscience de l'ampleur du désarroi qui gagne nos campagnes. Personnellement je ne le pense pas, car aujourd'hui bon nombre d'agriculteurs nous disent que la FNSEA ne se bat plus sur les dossiers importants d'actualité et que nous sommes davantage à la solde des politiques, plutôt que de défendre les intérêts des agriculteurs.
Exemple : nous avions demandé à l'automne dernier une « année blanche » pour nous permettre de passer ce cap difficile dans les meilleures conditions. Or aujourd'hui nous avons eu des prêts de trésorerie pour seule compensation de nos pertes qui s'accumulent depuis des années, mais sans pour autant répondre le fond du problème.
Comment voulez-vous, monsieur le président, être crédible lorsque la base nous fait tant de reproches. Aujourd'hui les agriculteurs creusois ne se reconnaissent dans la FNSEA. On parle souvent de l'après PAC de 2013, mais la question immédiate est de savoir déjà comment va-t-on passer l'année 2010 ? Les difficultés que rencontre le monde de l'élevage ne cessent de croître, avec des prix à la production toujours plus bas, des charges de plus en plus importantes et un revenu toujours à la traîne des autres productions.
A cela s'ajoute, les réglementations et les contraintes de toutes natures qui nous harcèle quotidiennement et qui nous empêche d'aller de l'avant. Il faut savoir dire « stop » quand trop de réglementations et trop de contrôle nuisent à notre compétitivité.
Monsieur le président, vous devez agir, nous devons agir, pour redonner confiance à nos agriculteurs, à nos adhérents, mais pour cela, il faudrait que vous soyez plus présents dans les médias, car vous êtes trop souvent muets sur les sujets d'actualités. Nos adhérents souhaitent vous entendre, non pas pour parler de politique ou vous voir dans les salons feutrés de l'Elysée, mais pour donner des orientations syndicales, claires, nettes et précises, parce que notre seul objectif est défendre notre revenu avec des prix rémunérateurs.
Dans ce contexte difficile, nos fédérations ont du mal à faire face à tous ces chocs. Certains de nos adhérents nous abandonnent, les cotisations se ramassent de plus en plus difficilement et notre crédibilité est ébranlée. à ce rythme-là, il nous faut peu de temps pour aller droit dans le mur. Notre seul salut passe par une défense syndicale mieux organisée, plus cohérente, et surtout plus en phase avec le terrain. Surtout restez à l'écoute de nos adhérents.
Revendications. Sur les principaux dossiers, le président de la FNSEA a exigé du ministre Bruno Le Maire des objectifs ambitieux pour répondre aux demandes des agriculteurs.
La FNSEA sans concession devant le ministre de l’agriculture
« Notre rôle est de dénoncer et de construire, de proposer et de manifester », a déclaré Jean-Michel Lemetayer. C'est avec des propos musclés à la hauteur du désarroi que traverse actuellement le monde agricole que le président de la FNSEA a accueilli le ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire, venu clore les travaux, le 1er avril. D'emblée, le président a lancé un véritable SOS au ministre en invoquant la situation des paysans qui subissent simultanément « un désastre économique », « une faillite financière », un défaut de reconnaissance sur le plan social et qui se vivent « en accusés permanents sur le plan environnemental ».
Des semelles de plomb
En dénonçant les réglementations et les contraintes de toutes nature qui pèsent sur la compétitivité des exploitations agricoles et aggravent les distorsions de concurrence par rapport à nos partenaires européens, et notamment l'Allemagne « nous avons l'impression de courir un 100 mètres avec des semelles de plomb » a lancé le président de la FNSEA. Sans parler de l'application des BCAE ou de la révision cartographique qui diminue artificiellement les surfaces… « Si le développement durable rime avec décroissance et désertification des campagnes, je vous le dit tout net, Grenelle ou pas Grenelle, le débat se fera sans la FNSEA », a averti le président.
Sur la PAC, le président de la FNSEA s'est insurgé sur le bilan de santé qui ampute de 20 % les aides céréalières, à un moment où le marché est déprimé. « La marche est trop haute pour les exploitations céréalières », a-t-il insisté. Précisément, sur la future PAC, la FNSEA attend beaucoup et non pas « des belles paroles » - quand le Président de la République indique qu'il est prêt à aller à une crise - mais « des actes ». Et que le ministre lui-même ne se contente pas seulement « de propos de diplomate » ou « de responsable politique » quand il invoque le terme régulation ou la préférence communautaire rénovée pour rassurer les agriculteurs. La FNSEA veut savoir exactement quelle est la portée des engagements de Bruno Le Maire en la matière.
L'allègement des charges oublié
Sur la loi de modernisation agricole (LMA) qui sera soumise au Sénat à la mi-mai, le président de la FNSEA n'a pas mâché ses mots en estimant qu'il y manque quelque chose, un volet allègement des charges alors qu'il devrait être « au cœur de la loi ». Même si la FNSEA est favorable, comme le ministre, au renforcement des interprofessions et de la politique contractuelle, la LMA ne doit pas se contenter d'élaborer des indicateurs de tendance, « ces indicateurs doivent servir de référence au prix négocié dans le cadre d'une contractualisation entre les producteurs et la filière », martèle le président. De même, elle devrait aller plus loin en matière de relations avec la distribution pour ce qui est du partage des marges et de la valeur ajoutée. La FNSEA exige la création d'un véritable observatoire destiné à améliorer la transparence des relations commerciales et d'un cadre réglementaire susceptible de renforcer le poids des agriculteurs face aux GMS.
Sur ces dossiers et tous les autres, la FNSEA n'entend pas transiger. A tel point que certaines régions n'hésitent pas à évoquer la perspective d'une mobilisation massive sur le thème : « Du concret pour les producteurs ou des tracteurs à Paris ». Le ministre est averti.
Bruno Le Maire : « Je ne vous laisserai pas tomber »
Le ministre de l'Agriculture n'a rien amené dans sa corbeille en venant au congrès de la FNSEA, mais il a tenu à rassurer les agriculteurs sur l'engagement des pouvoirs publics lors des prochaines échéances nationale et européenne. Il a surtout délivré un message de soutien aux délégués. « Je ne suis pas venu ici à Auxerre pour vous annoncer de nouvelles mesures ou de nouvelles subventions… Je suis venu pour vous dire que nous ne vous laisserons pas tomber » en associant le Président de la République et le Gouvernement a-t-il assuré à un auditoire attentif.
Ainsi a-t-il renouvelé les engagements du Président de la République au dernier salon de l'agriculture de Paris. A savoir qu'aucun agriculteur ne sera laissé sur le bord de la route, par rapport au plan de soutien du moins d'octobre dernier, complété par Nicolas Sarkozy au Salon de l'Agriculture. Et que les mesures qui pourraient être décidées en matière environnementale devront être compatibles avec la réalité économique des exploitations. A condition également que les autres pays européens les adoptent et les appliquent réellement. « Marché unique, règles uniques. Marché unique, normes uniques », a martelé le ministre.
Refondation de la PAC
Très attendu sur la régulation du marché et la future PAC, Bruno Le Maire ne s'est pas dérobé. Interpellé par Jean-Michel Lemetayer sur le sujet, le ministre s'est prononcé en faveur de maintien de l'intervention dans toutes les filières agricoles : « La remettre quand elle a disparu, la rendre plus flexible et plus réactive quand elle existe » comme dans les céréales et les produits laitiers. Ces mécanismes d'intervention doivent être complétés par « des outils de transparence des filières » à savoir un observatoire des prix, des marges et des volumes, à l'échelle européenne. En attendant une régulation des marchés mondiaux des matières premières pour lutter contre la volatilité que Nicolas Sarkozy essaiera de promouvoir dans le cadre du G20 que la France présidera en 2011.
Quant aux aides directes, la France les défendra leur maintien dans la prochaine PAC. Leur justification ? « C'est tout simplement la compensation du surcoût entrainé par les normes environnementales, sanitaires et sociales », par rapport à nos concurrents des pays tiers.
Et sur le plan intérieur, le ministre compte beaucoup sur la loi de modernisation agricole pour régler un certain nombre de difficultés comme le renforcement du poids des agriculteurs dans les filières, l'extension des dispositifs assuranciels et de couverture des risques face aux aléas économiques ou la protection des terres agricoles pour lesquelles un observatoire des terres agricoles sera créé. Avec des commissions départementales « qui rendront un avis sur le déclassement des terres » comme le demande la FNSEA.
Mais rien, en revanche, sur les coûts qui plombent les comptes d'exploitation qui, comme l'a rappelé Jean-Michel Lemetayer sont le grand absent de la loi.