Pisciculture en Corrèze : Quand le réchauffement climatique, les cormorans et l’abandon des pouvoirs publics menacent 60 ans de savoir-faire
Depuis 1960, la pisciculture Donnadieu incarne la résilience et la passion de l’élevage de truites en Corrèze.
Depuis 1960, la pisciculture Donnadieu incarne la résilience et la passion de l’élevage de truites en Corrèze.

Pourtant, aujourd’hui, Denis et Josiane Donnadieu, âgés de 79 et 77 ans, font face à des défis sans précédent : le réchauffement climatique, la pénurie d’eau, les attaques de cormorans et l’absence criante de soutiens publics.
Sans repreneur en vue, c’est tout un patrimoine artisanal et économique qui risque de disparaître.
On a tenu 60 ans, mais aujourd’hui, on se demande jusqu’à quand on pourra continuer», confie Denis,
les yeux tournés vers ses bassins, où les truites, pourtant résistantes, commencent à souffrir des étés de plus en plus chauds.
Le réchauffement climatique : une menace existentielle
La truite est un poisson d’eau froide, avec une température optimale entre 10 et 18 °C. Or, depuis cinq ans, les étés en Corrèze dépassent régulièrement les 25 °C, parfois même les 30 °C.
« L’année dernière, on a perdu 20 % de notre production à cause de la chaleur » raconte le couple.
L’eau de la rivière dépasse parfois 22 °C. Les truites suffoquent, leur métabolisme s’emballe, et elles meurent asphyxiées. On évite de les nourrir par forte chaleur car en mangeant elles consomment plus d’oxygène.»
« Mais à 79 ans, on ne peut pas se permettre de dépenser trop d’argent dans un système de refroidissement » explique Denis. « Et puis, à quoi bon ? Si l’eau vient à manquer complètement ? »
La pénurie d’eau : un cauchemar devenu réalité
En Corrèze, comme dans une grande partie de la France, les sécheresses à répétition réduisent drastiquement les débits des rivières le Dognon et le Chavanon.
En 2022, on a dû arrêter la production pendant deux mois », se souvient Denis. « Les bassins dépendent de l’eau de la rivière. Sans pluie, pas de débit. Sans débit, pas de truites. »
Les restrictions d’eau imposées par la préfecture aggravent la situation.
On nous dit de réduire notre consommation, mais comment élever des truites sans eau ? On n’est pas des industriels, on est des artisans ! », s’indigne Denis.
Le couple a bien tenté de recycler l’eau avec un système de filtration, mais l’investissement était trop lourd pour une petite structure. « Les aides ? On n’en a jamais vu la couleur », lance Josiane.
On nous parle de transition écologique, mais quand on demande de l’aide pour s’adapter, on nous répond qu’il n’y a pas de budget. »
Les cormorans : des prédateurs impitoyables
Depuis une dizaine d’années, les cormorans ont élu domicile en Corrèze.
Ils arrivent en bande, et en une heure, ils peuvent vider un bassin de 500 kg de truites », raconte Denis. « On a tout essayé, rien n’y fait. »
Les dégâts sont estimés à plusieurs milliers d’euros par an. « On a porté plainte, on a écrit à la préfecture, à la fédération de pêche, … Personne ne bouge ! » déplore Josiane. « On nous dit que c’est une espèce protégée. Mais nous, qui va nous protéger ? » En 2023, une dérogation pour l’abattage des cormorans a été accordée dans certains départements, mais pas en Corrèze. « Ici, on nous laisse seuls face à ces oiseaux», conclut Denis.
C’est comme si on nous disait : débrouillez-vous, ou fermez boutique. »
L’abandon des pouvoirs publics : ni aides, ni indemnités
Malgré les pertes répétées et les investissements forcés pour s’adapter, les Donnadieu n’ont jamais touché la moindre indemnité.
« On a demandé des aides pour moderniser nos bassins, pour installer un système de recirculation, … On nous a répondu que nos dossiers n’étaient pas prioritaires ! » s’indigne Josiane. « Pourtant, on paie nos impôts, on respecte les règles, … À croire qu’on ne compte pas. »
Les démarches sont si complexes qu’ils ont abandonné. « À notre âge, on n’a plus la force de se battre contre l’administration » soupire Denis. « On préfère passer nos journées à sauver nos truites. »
Le manque de repreneurs : une filière en danger
Denis et Josiane n’ont pas d’enfants qui désirent reprendre l’exploitation. « On a formé des stagiaires, on a embauché des saisonniers, … Mais personne ne veut s’installer. » explique Josiane. « Les jeunes préfèrent partir en ville ou travailler dans des élevages plus gros, moins risqués. »
Pourtant, la pisciculture Donnadieu est rentable, avec une production annuelle de 15 tonnes de truites.
« Mais qui voudrait reprendre une activité aussi précaire ? Entre les sécheresses, les cormorans et le manque de soutiens et la présence quotidienne obligatoire, c’est un pari trop risqué », constate Denis.
« On a tout donné pour cette pisciculture » reprend Josiane. « Si on ferme, ce sera 60 ans de savoir-faire qui disparaîtront. Et après? Qui produira les truites locales ? Qui approvisionnera les restaurants et les marchés, repeuplera les lacs, les rivières et les étangs ? »
Un appel à l’aide et à la solidarité
Face à cette situation, les Donnadieu lancent un appel désespéré :
- « Il faut que les pouvoirs publics nous écoutent enfin ! On a besoin d’aides pour s’adapter au réchauffement climatique, pour protéger nos bassins des cormorans, et pour transmettre notre exploitation. »
- « Aux jeunes qui hésitent à se lancer : venez voir, on vous montrera ! La pisciculture, c’est un métier passionnant, mais il faut des bras et du soutien. »
- « Aux consommateurs : achetez local ! Chaque truite vendue ici, c’est un peu d’espoir en plus pour nous. »
« On ne demande pas la charité, on demande juste qu’on nous laisse une chance de continuer » conclut Denis.
« On a encore envie de se battre, mais on ne peut pas le faire seuls. »
Il faut que les pouvoirs publics nous écoutent enfin ! On a besoin d’aides pour s’adapter au réchauffement climatique, pour protéger nos bassins des cormorans, et pour transmettre notre exploitation. »