Photographie animalière : Nathalie Verlaet et l'Éden cantalien
Le Cantal est un territoire inépuisable de découverte pour Nathalie Verlaet. Depuis 15 ans, cette dernière immortalise la faune et la flore des montagnes.
nature. Les marmottes, le sujet du jour.
Rendez-vous est pris pour la fin de matinée. Pour Nathalie Verlaet, c'est l'heure de débuter une autre journée après son travail d'éducatrice du côté de Pierrefort. Celle de parcourir le Cantal, parfois à seulement quelques kilomètres de son domicile à la recontre des mouflons, marmottes et autres cerfs si ce n'est les fleurs colorées des estives et des sous-bois. Le choix s'effectue en fonction de son expérience du terrain, des indices.
Ce matin-là, la brume enserre les reliefs de Prat-de-Bouc. Une pluie abondante s'invite sur la route du rendez-vous. Ces conditions ne vont pas stopper la photographe habituée à sortir par tous les temps. Parce que la météo ajoute une touche supplémentaire aux ambiances, apporte mille lumières, donne le cadre de vie des animaux au fil des saisons.
Arrivé sur place, depuis la voiture aveugle dans le brouillard, le sifflement des marmottes se laisse entendre. Encore un instant et le vent chasse en délicatesse les nuages pour laisser admirer la montagne. Les marmottes sont là ! À quelques mètres seulement. Les premières à mettre le nez hors des terriers sont les jeunes de l'année. Posée sur un rocher dans sa tenue de camouflage, Nathalie n'a plus qu'à saisir les scènes faites de bagarres, de câlins, de pause au soleil ou de surveillance, dressée sur les pattes arrières. Elle peut prendre des centaines de photos par jour, qu'ensuite elle a "énormément de mal à trier". Un peu plus loin, une femelle veille sur son rocher. "Celle-ci est inapprochable", prévient Nathalie.
Le déclic
Depuis 15 ans, cette Périgourdine installée dans le Cantal avec sa famille s'est prise de passion pour la photo animalière. Et la Haute Auvergne est devenue son Éden, son terrain de jeu privilégié, où la faune et la flore sont d'une telle variété qu'il est impossible de
s'en lasser. "Enfant, je rêvais de travailler dans une réserve en Afrique, alors j'ai toujours aimé être au plus proche des animaux. Je me suis mise à la photo, avec les conseils techniques de mon mari Xavier. Le vrai déclic a été un cliché de mouflons en file indienne et qui donnait une tête à quatre cornes." Alors, inlassablement, Nathalie part à l'affût, parfois à attendre des heures avant d'obtenir le bon résultat. Un jour, les mouflons sont tellement proches qu'un jeune vient embrasser l'objectif. Une autre fois, un chamois tête en l'air la bouscule. Un cerf la regarde droit dans les yeux, elle déclenche son appareil et l'animal poursuit son chemin, nonchalant. "J'ai un faible pour les cervidés, les mouflons, les marmottes et le vautour avec son vol majestueux." La huppe fasciée "passe souvent devant la voiture mais elle est difficile à prendre". Il y a aussi l'aigle royal, le faucon, l'hermine en robe blanche ou fauve, ou tout simplement une fourmi et puis toutes les fleurs. "Je ne reviens jamais bredouille et s'il n'y a pas de photo, il reste des instants magiques d'observation de la nature."
À force de les fréquenter et de se renseigner sur chaque espèce, Nathalie connaît les habitats, les habitudes. Pour la petite colonie de marmottes, elle s'inquiète de voir l'effectif diminuer de moitié malgré des naissances ces deux dernières années. Il y a les prédateurs, l'hypothèse du loup et plus probablement l'aigle qui niche non loin d'ici, sans oublier les chiens errants.
Changements
Le changement climatique est aussi en cause. "Avec des hivers moins rudes, les marmottes sortent plus tôt et sans nourriture suffisante, elles meurent de faim", indique Nathalie, selon les observations provenant des Alpes.
Autre exemple, la fréquentation de l'espace pousse une bonne partie de la faune sauvage à se réfugier en forêt. C'est le cas pour le chamois, beaucoup moins présent en zone de crête depuis quelque temps. La population de mouflons croit à nouveau après une forte chute liée en partie à la pression du loup sur le massif. Les chasseurs d'images toujours plus nombreux ne sont pas exempts de reproches. "Il y a de la place pour tout le monde mais en respectant chacun et en particulier les propriétaires qui nous acceptent chez eux. C'est important d'échanger avec eux comme avec les chasseurs."
Toute évolution dans les comportements, nouveauté dans les colonies ou habitats, Nathalie Verlaet les compile en même temps que ses photos. Maxime Paran, autre photographe animalier, et elle ont fondé l'Association Naturaliste Est-Cantal. Ils ont ainsi pu créer une banque de données photographiques pour renseigner sur certains spécimens. "À la période du brame, je photographie toujours le même cerf depuis onze ans, confie Nathalie. Cela permet de suivre son évolution physique, ses déplacements... Tout en restant amateur, je travaille aussi sur la chouette des montagnes en collaboration avec l'Office français de la biodiversité. Cela donne du sens à nos photos au-delà du plaisir de parcourir la nature et dans le Cantal nous sommes gâtés." Et le loup ? "Si j'ai la chance d'être là au bon moment, je prendrais mais je n'irais pas le chercher."
Le soleil est déjà haut. Les marmottes continuent leur vie ayant totalement oublié la présence de la photographe. Dans quelques jours, Nathalie Verlaet prendra la direction du Maroc pour d'autres rencontres avec la faune sauvage.