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Patricia Ribier, dernière productrice de gaperon fermier en Limagne

Installée à Montgacon (Luzillat, Puy-de-Dôme), en Gaec avec son conjoint et son fils, Patricia Ribier est la dernière productrice de gaperon fermier égoutté "au torchon" en Limagne. Une tradition perpétuée de grand-mère en petite-fille.

Une famille tenant un panneau devant un troupeau de vache dans la campagne
De gauche à droite : Thierry, Élodie, Myriam, Patricia et Sylvain, se tenant devant leur troupeau de Brune des Alpes.
© Léa Durif

« Nous sommes la dernière ferme à transformer le gaperon de cette façon dans la plaine de Limagne »

Ce matin, au Gaec du Champ de Rome, tout le monde s'affaire. Tandis que Sylvain, le fils de Patricia Ribier, renouvelle le paillage des vaches, la sexagénaire épluche l'ail de Billom qui servira à l'assaisonnement des prochains gaperons de la ferme. « J'en épluche entre 300 et 400 kg chaque année » détaille-t-elle entre deux gousses. Pendant ce temps, dans la fromagerie attenante au local, sa fille Élodie et Kévin, tous deux salariés de la ferme, mettent le caillé en torchon en vue du premier égouttage. Une technique traditionnelle héritée de la grand-mère de Patricia, Francine, qui donne au fromage sa forme de goutte au fini "drapé", si caractéristique. « Nous sommes la dernière ferme à transformer le gaperon de cette façon dans la plaine de Limagne » rapporte l'agricultrice. À raison d'environ 175 000 litres de lait transformés chaque année, le Gaec vend entre 30 000 et 40 000 gaperons fermiers. Le credo de la ferme : faire bien, bon et le plus naturel possible. En 40 ans de métier, « la seule chose qui a évolué, ce sont nos outils ».

 

De grand-mère en petite-fille

Gaperons fermiers
À raison d'environ 175 000 litres de lait transformés chaque année, le Gaec vend entre 30 000 et 40 000 gaperons fermiers.

« Nous avons servi de "garçons" à ma grand-mère sur sa ferme »

D'aussi loin qu'elles se rappellent, Patricia et sa sœur Myriam ont toujours eu les mains dans le caillé. En l'absence de frère, « nous avons servi de "garçons" à ma grand-mère sur sa ferme » s'amuse Patricia. « C'était une femme de caractère, avec elle ça filait droit ! ».

Entre les cochons, les maïs, les marchés, les livraisons, les vaches ou encore le fromage, le travail à la ferme rythmait la vie de l'ensemble de la famille, à quoi s'ajoutent rapidement l'école et les jobs pour Patricia. « J'ai attaqué de bonne heure ! ». À l'époque, Francine - la grand-mère de Patricia, décédée en 2008 - était installée à son compte sur ses propres terres, un statut alors rare chez les femmes agricultrices, qui souvent n'en ont pas du tout. « Elles étaient pourtant nombreuses à charbonner dans les fermes pendant et après la guerre » souligne la fromagère, qui garde un souvenir nostalgique du modèle agricole familial de son enfance.

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Être femme agricultrice

Une femme souriante caresse son chien sur le pas d'une porte
Patricia Ribier s'installe en 1986. Aujourd'hui, elle est en Gaec avec son conjoint et son fils.

Dans les années 1980, alors qu'elle est encore jeune fille, l'agricultrice se rappelle avoir accompagné plusieurs fois sa grand-mère lors de réunions entre femmes agricultrices, organisées par une conseillère de la MSA. Lors de ces rendez-vous, les femmes parlaient de leur quotidien, de leurs enfants, échangeaient des idées de recettes, mais surtout, s'instruisaient sur leurs droits et partageaient sur leurs vies professionnelles, familiales et conjugales, souvent compliquées. « C'était le seul moment où elles pouvaient s'évader de leur quotidien à la ferme. On appelait cela les "groupes de vulgarisation" » se rappelle Patricia. Baignée depuis toujours dans cet univers de femmes agricultrices, engagées et volontaires, Patricia s'installe à son compte en 1986, alors qu'elle est âgée de 22 ans. Et si ses confrères masculins doutent de sa capacité à mener sa barque, leur misogynie ne suffira pas à déstabiliser la bourreau de travail, absorbée par sa passion. Dix ans plus tard, elle crée sa SCEA. Son conjoint, Thierry, la rejoint pour s'occuper du volet administratif et des cultures. En 2022, la ferme devient un Gaec, le couple s'associe alors à son fils Sylvain, passionné depuis toujours par le métier de vacher. Jusqu'à l'année dernière, la sœur de Patricia, Myriam, était salariée à la ferme, mais s'est arrêtée à la suite d'une maladie professionnelle, après 25 années de collaboration.

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Passer le flambeau

Une jeune femme et un jeune homme souriant devant un troupeau de aches brunes des alpes
Sylvain, le fils de Patricia, se destine à reprendre la ferme familiale. Sa fille Élodie, quant à elle, est satisfaite de son statut de salariée au sein du Gaec.

Pour pérenniser l'activité de la ferme et la mettre aux normes, les associés ont récemment investi dans de nouveaux bâtiments d'élevage, de traite, et de stockage. Sylvain s'occupe aujourd'hui d'un troupeau d'une centaine de vaches Brune des Alpes, choisies pour leur rusticité et leurs qualités fromagères. « Environ 50 % du lait est transformé sur place, tandis que le reste est vendu en laiterie » détaille-t-il. Les gaperons sont ensuite commercialisés par divers biais : marché, maîtres fromagers et - majoritairement - GMS. Doté du même tempérament que sa mère, le jeune homme de 24 ans se prépare doucement à reprendre un jour les rennes de la ferme. Sa sœur Élodie est quant à elle satisfaite de son statut de salariée, et n'envisage pas de s'installer.

Bien que la relève soit assurée, Patricia, qui s'est mobilisée lors des manifestations début 2024, s'inquiète toutefois pour l'avenir. Entre changement climatique, multiplication des normes, épizooties en tout genre, problématiques foncières, développement effréné des technologies et inaction politique, difficile pour l'exploitante de se figurer à quoi ressemblera l'agriculture de demain. En attendant, Patricia peut encore compter sur la relation privilégiée qu'elle entretient avec sa clientèle pour se remonter le moral, « c'est la partie de mon métier que je préfère ! ».

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