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Orientation et formation : Comment aider nos ados à trouver leur voie ?

Période de transition complexe entre l’enfance et l’âge adulte, l’adolescence marque aussi l’heure des choix des orientations. Mathieu Cassotti, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Cité nous prodigue ses conseils éclairés.

Mathieu Cassotti, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Cité
Mathieu Cassotti : « C’est normal à 14 ou 15 ans de ne pas savoir ce que l’on a envie de faire dans sa vie ».
© Lapsyde Sorbonne Paris

Que se passe-t-il dans la tête de nos ados ?

Mathieu Cassotti : Toutes les régions du cerveau ne sont pas matures au même moment. Elles se développent en parallèle mais pas forcément avec la même temporalité. Chez les adolescents, les régions qui sont impliquées dans la réactivité émotionnelle sont matures plus tôt que les régions qui leur permettent de se contrôler et de réguler leurs émotions. Chez les êtres humains, nous avons deux processus distincts. D’une part, notre capacité à ressentir des émotions en réponse directe à une stimulation ou en réactivation à une émotion antérieure. Et d’autre part, la capacité à se réguler. À l’adolescence, il y a une fenêtre développementale particulière où ils peuvent ressentir des émotions, et parfois très fortement, et rencontrer des difficultés à se contrôler. Cela ne veut pas dire, qu’ils vont systématiquement se laisser emporter, ou que c’est tout le temps compliqué, mais il faut avoir en tête, ce phénomène. Lorsqu’il n’y a pas d’émotion, quand ils sont tous seuls, quand le contexte socio-économique est plutôt faible, ils sont parfaitement capables de se contrôler.
 

Pourquoi est-ce si difficile pour eux de se projeter dans un avenir professionnel ?

M.C. : C’est toujours difficile pour qui que ce soit de se projeter dans le futur, encore plus pour un adolescent plutôt centré sur des récompenses instantanées. Nous avons tendance à être beaucoup plus sensibles à ce qui se passe immédiatement. C’est d’autant plus compliqué pour les enfants en France car on leur demande très tôt de choisir une orientation et que derrière, cette orientation est très peu flexible. J’ajoute qu’il y a un défaut de connaissance des métiers alors même que nous n’arrêtons pas d’entendre que nos jeunes vont faire plein de métiers différents, nous restons toujours centré sur cette idée qu’un cursus mène à un métier spécifique qu’ils vont faire quasiment toute leur carrière. Dans la vie de tous les jours, cela ne se passe pas du tout comme ça, mais l’orientation en France est conçue avec cette idée-là : une formation égale un métier. C’est en train de changer. Aux États-Unis, la flexibilité de transfert d’un cursus à l’autre est beaucoup plus courante.
 

Comment peut-on accompagner nos ados sur le chemin de leur épanouissement ?

M.C. : Déjà, en leur expliquant qu’en réalité, les choix qu’ils vont faire aujourd’hui ne vont pas graver dans le marbre absolument ce qui va leur arriver dans le futur. Même si c’est compliqué, il existe des flexibilités. Leur dire aussi qu’ils ont le droit de se tromper, qu’ils pourront changer. En clair, il est important de dédramatiser un peu la situation. Ceci étant dit, on leur demande tout de même de faire des choix, donc pour le faire de la manière la plus éclairée qui soit, ils ont le devoir de s’informer sur ce qui les anime, sur les métiers qui les intéressent. Il faut absolument se rendre aux journées portes ouvertes, aux journées d’immersion proposées par certains établissements. Il est impératif de poser des questions aux enseignants, aux professionnels, même si elles paraissent bêtes pour bien comprendre la réalité des métiers et in fine se dire je m’y projette bien. À l’Université, on se rend compte, que la plupart du temps, ce que connaissent les étudiants de la discipline et des métiers, correspond à ce qu’ils en ont vu dans les séries télé. Et les séries télé, ce n’est pas la réalité de ce qui se passe sur le terrain.
 

Justement cette vision idéalisée voir décalée du métier est parfois mis en scène sur les réseaux sociaux avec un risque de déconnexion de la réalité…

M.C. : C’est toute la difficulté des réseaux sociaux. Il y a des sources d’information sur les réseaux sociaux qui sont crédibles, qui sont officielles. Après, il existe des partages d’expérience de vie, qui restent très personnels. Elles sont à relativiser car on partage plus facilement ses succès que ses échecs. Cela donne une vision tronquée des choses. Il faut se méfier des biais des réseaux sociaux, car il y a beaucoup de fausses informations qui y circulent. Les réseaux sociaux peuvent donner envie mais ça ne suffit pas. L’orientation reste une démarche personnelle, se dire ok j’ai repéré tel métier intéressant alors je vais me renseigner véritablement sur comment je fais pour l’atteindre, comment et à quel endroit, je peux trouver des professionnels pour discuter avec eux.
 
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En tant que parents, y a-t-il des comportements à proscrire ? Quels sont ceux à encourager ?

M.C. : Tous ceux qui imposent à leurs enfants de choisir telles ou telles filières doivent se poser la question de pourquoi ils le font. À la fin, ce type de comportement suscite toujours du regret, du ressentiment, des difficultés donc cela n’a pas de sens… L’orientation doit être un choix personnel, car ce que l’on recherche c’est l’affirmation de soi. Un choix personnel et éclairé. C’est leur vie et pas celle des parents. Le rôle des parents est plutôt de les guider, les soutenir dans leur démarche, les aider à se renseigner, proposer un point de vue…
 
Pour aller plus loin : Mathieu Cassotti est co-auteur avec Grégoire Borst du livre « C'est (pas) moi, c'est mon cerveau ! Pour enfin comprendre ce qui se passe dans la tête d'un ado ! ». Un ouvrage qui décrypte une période charnière pour l’enfant et ses parents. Éditions Nathan, 2022, 12,90 euros.

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