Mieux comprendre la gestion des plastiques agricoles
Mercredi 7 février, ce n’était pas le troupeau de laitières du Gaec Teissandier, les stars de la journée. Mais bien la gestion et la collecte des plastiques agricoles sur l’exploitation.
Mercredi 7 février, ce n’était pas le troupeau de laitières du Gaec Teissandier, les stars de la journée. Mais bien la gestion et la collecte des plastiques agricoles sur l’exploitation.
Moteur, caméra… Ça tourne ! Ce mercredi matin, c’est à un drôle d’exercice que s’est livré Clément Teissandier sur sa ferme. Expliquer, face caméra, sa gestion des plastiques agricoles. Et s’il a été choisi pour ce petit film de promotion lancé par le Copage en collaboration avec Adivalor, c’est parce qu’il utilise des stratégies futées et pratiques pour sa logistique, en attendant les jours de collectes (Ndlr deux collectes ont lieu en Lozère : en hiver et au printemps), organisées par le Copage.
Gérer efficacement les plastiques agricoles
Installé depuis 2009 sur l’exploitation laitière familiale, Clément Teissandier gère une cinquantaine de mères, en Gaec avec sa femme, Darony, depuis 2013. La création du Gaec a aussi permis de moderniser et améliorer les conditions de travail et le confort des animaux. Ils font partie de la route du lait créée par Sodiaal et de l’association Mont lait. Et Clément Teissandier a toujours adhéré à la démarche de collecte des plastiques agricoles. « Le recyclage aujourd’hui, on en fait dans tous les domaines, et les plastiques agricoles, il faut les recycler aussi », souligne l’éleveur. Mais ce qui a poussé le Copage à filmer cette ferme, c’est la façon dont il a amené ses films d’enrubannage : empaquetés serrés avec des ficelles pour que tout tienne bien, et transportable aisément avec une pince. « Pendant la collecte l’an dernier, il est arrivé avec ses carrés, j’avais jamais vu ça », s’amuse Claire Cabirou, conseillère agri-environnement au Copage.
C’est de cette rencontre fortuite qu’a germé l’idée. Enthousiasmée par ce qu’elle voit, la conseillère agri-environnement envoie la photo à Julie Cloupet, conseillère collecte chez Adivalor, qui cherchait depuis longtemps la bonne façon de promouvoir cette collecte, « avec des méthodes simples et efficaces, applicables par les agriculteurs ». Et c’est bien ce à quoi s’attache Clément Teissandier : pour ces fameux films d’enrubannage, il a reconverti une ancienne citerne de récupération d’eau comme support, et a découpé le haut. Puis il insère des ficelles en damier dans sa citerne, et la remplit tranquillement au fur et à mesure de la saison. Au moment de la collecte, il compacte, referme le paquet avec les ficelles et prend le tout avec sa pince à enrubanner pour le poser sur sa remorque, avec ses autres sacs de plastiques agricoles avant de se rendre au point de collecte. Ce qui évite, par ailleurs, de se faire mal au dos. Et un gain de temps appréciable pour l’agriculteur.
Effort minimal, effet maximal garanti
« Je compacte 150 films d’enrubannage (contre 20 en moyenne dans un sac) dans un paquet, c’est plutôt rentable. La citerne, je l’ai achetée d’occasion, elle est manipulable facilement par une personne, et elle reste près de mes bottes tout l’hiver, donc au sec ». L’idée lui était venue après avoir vu le modèle sur Youtube. Après quelques mineures adaptations pour son exploitation, il a adopté le système.
« La collecte du déchet agricole, rappelle Julie Cloubet, c’est de l’organisation sur l’exploitation, en amont. Si on le fait au fur et à mesure, ça prend peu de temps parce qu’on le fait tout de suite, donc cela fait une exploitation qui est propre ». Quant aux déchets collectés dans ce cadre, ils sont propres donc facilement recyclables. Et quand on parle de propreté des déchets, la barre n’a pas besoin d’être mise trop haute. « Il y a une appréhension par rapport à la propreté, souligne Julie Cloupet. Souvent, les agriculteurs se mettent la pression pour ramener des déchets trop propres, limite dans l’état où ils l’ont acheté », ce qui peut les décourager. Julie Cloupet se veut rassurante sur le sujet : « nous, on sait qu’on récupère un déchet, et qu’il ne sera donc pas dans l’état où l’on a acheté ».
Tout en avertissant sur les problématiques de non-conformité de certains déchets : « à l’inverse, on récupère certains paquets qui sont vraiment dégueulasses ». Un sujet sur lequel tous les acteurs de la filière de recyclage travaillent régulièrement pour améliorer continuellement l’état des gisements, et rappeler les règles de bonnes pratiques. « Si, comme Clément Teissandier, les déchets sont traités tout de suite, dès qu’ils sont enlevés de la boule, ils sont mis en sac, etc., tout est conforme aux consignes ».
Un travail de longue haleine, déjà bien engagé en Lozère avec plus de 1 000 agriculteurs participant aux collectes. En France, Adivalor collecte plus de 90 000 tonnes de plastiques agricoles, une belle réussite pour la filière, qui peut compter sur 300 000 agriculteurs trieurs, qui amènent leurs déchets sur près de 8 500 points de collecte. Au final, près de 90 % des emballages et plastiques collectés sont recyclés pour fabriquer de nouveaux produits plastiques.
Les multiples vies d’un plastique agricole
Le recyclage des plastiques agricoles est un sujet de préoccupation majeure au sein de la filière depuis de nombreuses années. Filière qui peut s’enorgueillir d’être en avance sur le sujet : la France est en effet le seul pays d’Europe à disposer d’une organisation performante dédiée à la gestion de la fin de l’ensemble des déchets agricoles. Et cela fait plus de vingt ans que ça dure : Adivalor, l’organisme qui est en charge de la collecte et du recyclage des plastiques agricoles sur l’ensemble du territoire national a soufflé ses vingt bougies en 2021. À sa naissance en 2001, l’organisme s’est d’abord lancé sur le programme emballages vides de produits phytopharmaceutiques. Puis tout s’enchaîne rapidement : 2003, mise en place du programme d’élimination des PPNU (produits phytosanitaires non utilisables). C’est au tournant des années 2010 que l’appétit pour le recyclage se confirme, lorsque sont lancés les programmes de collecte de big-bags et sacs plastiques d’engrais et amendements, ainsi que les collectes de films plastiques d’élevage et de maraîchage, les emballages vides de semences, et les emballages vides de produits d’hygiène de l’élevage laitier. Entre 2013 et 2015 s’ajoutent les programmes de collecte des ficelles et filets balles rondes et de filets paragrêles. En 2016, l’initiative Eco épi permet de collecter les équipements de protection individuelle chimique usagés, et en 2019, le programme gaines souples d’irrigation et emballages vides des produits œnologiques et d’hygiène de cave. En 2021, sont lancés les programmes de collecte emballages de plants de pommes de terre et emballages de produits d’hygiène de l’élevage, et enfin, en 2023 ont été lancés les programmes d’emballages vides de nutrition animale, les boîtes de graines de betteraves et les pots horticoles professionnels. Et ce n’est pas terminé, car de nouvelles réglementations s’ajoutent régulièrement au mix. L’objectif « 100 % collecté, 100 % recyclé » d’ici à 2030 semble aujourd’hui à portée de main si l’on étudie les chiffres : 300 000 agriculteurs trieurs, cela représente la quasi-totalité des actifs agricoles. Et pour que tous ces efforts ne soient pas vains, puisque partagés par tous les acteurs de la filière, de l’amont à l’aval (le coût du recyclage est intégré dans les produits via une écocontribution), tous ces plastiques collectés sont dirigés vers des usines de recyclage qui vont les utiliser pour créer de nouveaux produits : cordages marins, gaines souples d’irrigation, sacs-poubelles ou couches de protections, les applications sont légion. Adivalor a engagé des partenariats avec 110 entreprises de l’environnement qui contribuent actuellement à l’émergence de cinq nouvelles usines de recyclage en France, chacune étant en mesure de transformer plus de 10 000 tonnes de déchets plastiques en granules de plastiques réutilisables. Un travail discret qui permet de renforcer les capacités de recyclage en France. Et pour continuer sur sa lancée dans l’innovation, la première usine mondiale de recyclage de filets agricoles a ouvert à Argentan (Orne) en 2022.