Aller au contenu principal

Michèle Boudoin, bergère de France

À 53 ans, Michèle Boudoin éleveuse d’ovins dans le Puy-de-Dôme vient d’être élue présidente de la FNO.

© SC

Penché au-dessus de son cahier, il y a fort à parier que n’importe quel quidam sera bien en peine d’y déchiffrer quoique ce soit. Et pour cause, Michèle Boudoin note tout ce qu’elle entend en « sténo ». Dire qu’elle déteste « l’à-peu-près » est un euphémisme. La précision, l’écoute de chacun pour ne pas s’enfermer dans une vision globale qui écarterait une pensée juste, c’est précisément ce chemin qu’elle a choisi d’emprunter. Et pas à pas, l’ex-secrétaire, convertie par la passion des brebis en éleveuse épanouie et porte-parole de ses condisciples a tracé sa route. Jusqu’à ce jeudi de mai 2015, qui l’a conduite à être élue présidente de la Fédération nationale ovine (FNO). Première femme à accéder à la présidence d’une association spécialisée en élevage, Michèle Boudoin n’en est pas peu fière. Elle n’en roule pas les mécaniques pour autant, consciente d’être arrivée là, grâce à la confiance des autres.
Michèle, c’est d’abord l’histoire d’une petite fille, ravie de passer toutes ses vacances auprès de ses grands-parents, agriculteurs dans le petit village d’Allagnat, sur la commune de Ceyssat dans le Puy-de-Dôme. « Ils n’avaient que cinq vaches mais c’était la liberté ! ». À 18 ans, après être passée par la faculté de droit et suivie une formation de secrétariat, elle travaille dans l’immobilier. Cinq ans plus tard, elle intègre la fonction publique en entrant à la DDE. Très vite, elle se sent à l’étroit. Les règles, le carcan administratif ne sont définitivement pas « son truc ». L’esprit d’entreprendre chevillé au corps et l’envie d’autonomie de plus en plus vitale, elle s’inscrit au lycée agricole de Marmilhat en 1986. Tout en continuant à travailler pour un bureau d’études, elle passe son BEP et réalise plusieurs stages chez des éleveurs de moutons. « Depuis mon plus jeune âge, je suis passionnée par les brebis. Vers 5-6 ans, j’allais écouter Lylie, une jeune bergère qui s’occupait d’un troupeau à Allagnat. Ses mots, la façon dont elle s’occupait de ses animaux, l’alchimie qui s’opérait avec le chien, tout ça me fascinait ».

Les moutonniers sont ouverts
Après un stage de quarante heures, elle se pose en 1988 dans le village de son enfance avec pour seul bagage son « trio des cinq » comme elle aime à le décrire : « Je me suis installée sur 5 hectares, avec 5 brebis et 50 000 francs ». Consciente qu’il va être difficile de vivre dans ces conditions, elle trouve à louer à la commune de Ceyssat 17 ha de communaux. Et puis à l’époque, elle trouve le soutien auprès de son ex-mari qui travaille à l’extérieur.
Très vite, elle intègre le groupe ovin du CDJA 63. Avec le recul, elle avoue y avoir « croisé des gens formidables » et éprouve encore aujourd’hui une infinie gratitude envers eux. « Au CDJA, au début, je ne comprenais rien. On m’a réexpliqué. Les moutonniers ne m’ont pas foutu dehors ». Au début des années 1990, elle saisit des opportunités pour élargir son exploitation, participe assidûment à de nombreuses réunions syndicales, « où elle absorbe telle une éponge des données essentielles pour avancer ».
« J’avais tout à créer. Il fallait tout faire en même temps : la génétique, les agneaux et les bâtiments, indispensables à 900 mètres d’altitude ». En 1992, elle rencontre Paul Bony, son voisin et décide de s’entraider d’un point de vue matériel mais aussi pour assurer les gros travaux. Cette collaboration amène un élan significatif sur les exploitations de chacun.
Parallèlement, elle se prend vite au jeu de la défense professionnelle et n’hésite pas une seconde lorsqu’en 1994, Christian Orcières lui cède sa place au conseil de la FNO. En 1996, elle intègre le bureau ; en 2002, elle devient secrétaire générale adjointe puis secrétaire générale en 2008. De 2011 à 2014, elle représente l’association spécialisée au conseil de la FNSEA.

Quand Michèle rencontre Michel
Durant ces années, elle confie avoir vécu des moments historiques, des rencontres déterminantes, comme celle avec l’ex ministre de l’agriculture, Michel Barnier. « Un homme qui a contribué grâce au bilan de santé, à sortir la production ovine du marasme dans lequel elle était plongée depuis plusieurs années ». Son élection à la présidence de la FNO constitue pour elle, « une suite logique », même si elle reconnaît avoir bénéficié de la grande ouverture d’esprit des moutonniers.
« Les éleveurs ovins sont historiquement des migrants. À force d’avoir galéré, ils savent ce que le mot solidarité veut dire. Les conjoints travaillent souvent à l’extérieur. La tolérance et l’ouverture d’esprit sont inscrites dans l’ADN de nombreux éleveurs ovins ».
Aujourd’hui, avec la ferme intention de travailler en équipe, car « tout seul on est rien », et encourager par ses pairs, ses parents et sa « frangine », elle veut « relever le défi de la productivité numérique et permettre aux éleveurs de vivre comme le reste de la société ». Battante et revigorée par la confiance de ses collègues, elle annonce sans détour « vouloir se battre sur le prix, car c’est le prix qui fera l’avenir. C’est très fragile et nous devons veiller à l’accessibilité du consommateur à notre produit ». La contractualisation, l’accompagnement dans la nouvelle PAC, le renouvellement des troupes à travers le programme Inn’Ovin… Les chantiers ne manquent pas, ça tombe bien, Michèle a de l’énergie à revendre et puis elle est entourée, notamment par ses parents et ses deux enfants, Vincent et Flavie.

Les plus lus

Pour les producteurs de lait, l'interprofession doit être une instance de dialogue  sur tous les sujets.
« Les industriels veulent-ils encore faire tourner leur usine avec du lait français ? »

Après la démission du président du Cniel, et alors que les producteurs de la zone Alpes Massif central alertaient depuis…

Nicolas Peny (au centre) a ouvert les portes de son exploitation aux agents de l'OFB en formation.
Les agents de l'OFB ont désormais l'obligation de se former à la découverte de l'agriculture

Une quinzaine d'agents de l'OFB AuRA a suivi une formation de trois jours pour en apprendre davantage sur le monde agricole,…

Deux hommes et une femme devant le panneau de l'hostellerie
La famille Rouchet redonne vie à Curebourse

Bien implantés à Aurillac, Mickaël et Audrey Rouchet ont racheté l’hostellerie Saint-Clément, avec l’ambition d’y accueillir…

Une attaque de loup sur brebis et agneau, le 24 octobre dernier à la Tour d’Auvergne, a été confirmée par l’OFB
Une première attaque de loup dans le Puy-de-Dôme

En octobre, 4 nouveaux signalements de constats de prédation avec suspicion de loup ont fait l'objet d'expertise par le…

L'alimentation animale, la clé de performance productive des animaux

Une alimentation adaptée et une gestion optimisée des fourrages participent à garantir les performances du troupeau laitier et…

Assurance prairies : tous les "indices" de la faillite d’un système

Les éleveurs assurés laissés au bord de la route par un indice satellitaire défaillant qui occulte complètement la sécheresse…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière