Mercosur, Pac, prix, loi Duplomb, DNC : « L'État doit être au rendez-vous pour garantir à un avenir à l'élevage », selon Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine
L'éleveur cantalien et président de la Fédération nationale bovine (FNB) livre son analyse sur les sujets du moment avec en toile de fond un seul mot d'ordre : une mobilisation pleine et entière sur tous les dossiers.
L'éleveur cantalien et président de la Fédération nationale bovine (FNB) livre son analyse sur les sujets du moment avec en toile de fond un seul mot d'ordre : une mobilisation pleine et entière sur tous les dossiers.

La procédure de ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur est désormais lancée. En quoi est-ce une trahison pour les éleveurs Français ?
Patrick Bénézit : Depuis des mois les éleveurs français dénoncent la portée d'un tel accord. Leur mobilisation a permis de reculer l'échéance que voulait imposer la Commission européenne. En effet, elle envisageait de débuter le début du processus de ratification en juillet. Ce report aura finalement été de courte durée puisque la présentation de l’accord auprès du collège des Commissaires européens s’est finalement tenue ce matin (mercredi 3 septembre). Au-delà du contenu, l’annonce concerne surtout la procédure de ratification de l’accord, qui est désormais officiellement scindé. La Commission européenne s’affranchit ainsi, pour la partie commerciale de l’accord, d’un vote à l’unanimité du Conseil, privant la France de sa possibilité de veto.
Pourtant, peut-on vraiment imaginer que cette décision ait été prise sans l’aval des principaux pays européens, et notamment celui de la France, qui symbolise, sur le papier, l’opposition à cet accord ? Le doute est plus que légitime ! La France a-t-elle déjà trahi ses éleveurs, en acceptant ce processus, lui permettant de dissimuler sa validation derrière les décisions des instances européennes ?
Si ce n’est pas le cas, le Chef de l’Etat se doit d’intervenir rapidement et s’opposer publiquement à ce déni de démocratie européenne. De plus, la Cour de Justice européenne doit désormais être rapidement saisie : cette procédure de ratification est-elle vraiment conforme ? Ce n’est pas ce que prévoyait le mandat donné à l’Union, par les Etats, en 1999 ! « En pleine crise démocratique, on ne peut imaginer une telle trahison des éleveurs par les autorités françaises ! C’est désormais l’heure de vérité : la France décidera-t-elle de s’opposer enfin publiquement à la scission ou acceptera-t-elle de sacrifier son agriculture sur l’autel du libre-échange ? »
Il est inconcevable de faire entrer sur le territoire français des denrées qui sont produites avec des actifs interdits chez nous (activateur de croissance, hormones…). Même les autorités européennes constatent régulièrement que les Brésiliens utilisent des produits non conformes comme par exemple l'œstradiol). Il n'est pas possible que nous éleveurs français nous subissions cette concurrence déloyale alors même que l'Union européenne entend rouvrir le sujet des normes de bien-être animal. Les Brésiliens, eux, n'en ont aucune.
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Toujours au chapitre européen, la Commission a dévoilé le 16 juillet dernier, sa feuille de route pour la PAC post 2027, avec un budget amputé de 20 %…
Patrick Bénézit : Le problème majeur est effectivement celui du budget. Proposer un budget en baisse de 20 % est inacceptable. Dans le détail, certaines mesures de la Commission européenne vont toutefois dans le bon sens pour l'élevage, notamment sur le couplage des aides, qui peut favoriser le maintien de la production. Rappelons que la dernière PAC a été très défavorable à l'élevage et a contribué de manière très conséquente à la décapitalisation d'un million de vaches depuis 2016 et à la disparition de milliers d'éleveurs. Mais au-delà de la PAC, si nous voulons relever le défi du renouvellement des générations d'éleveurs et enrayer la décapitalisation, des politiques publiques ambitieuses pour l'élevage doivent être mises en place. Nous militons quotidiennement en ce sens.
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En viande bovine, les cours sont globalement au vert. Est-ce suffisant pour envisager l'avenir plus sereinement et justement installer des jeunes ?
Patrick Bénézit: Les cours sont meilleurs sur le maigre. Sur les animaux à engraisser, ils ont largement dépassé les indicateurs de coûts de production. Mais attention, ces indicateurs méritent aujourd'hui d'être revalorisés. En effet dans le cadre d'investissement et de reprise d'exploitation agricole, les cours actuels permettent tout juste de se projeter dans l'avenir.
L'augmentation des prix payés aux éleveurs en viande bovine est très récente, les retards de trésorerie et d'investissement sont très importants. Avec des coûts de reprise d'exploitation en forte augmentation, il faut des prix à un bon niveau et dans la durée.
Qu'en est-il de la valorisation des animaux gras ?
Patrick Bénézit : Pour les animaux gras, le prix n'est pas à la hauteur en France contrairement aux pays européens. Les filières françaises freinent encore trop à augmenter les prix de ces catégories alors que rien ne justifie le statu quo. La preuve chez nos collègues européens.
La loi Duplomb a largement alimenté le débat politique cet été. Emmanuel Macron a promulgué la loi, en écartant la réintroduction de l’acétamipride, censurée par le Conseil constitutionnel. Mais cette loi comprend bien d'autres mesures qui constituent des avancées pour les agriculteurs. Lesquelles ?
Patrick Bénézit : On a beaucoup parlé de l'acétaprimide et il est normal que les producteurs qui l'utilisent ne soient pas satisfaits car ce produit est autorisé dans d'autres pays européens. Mais la loi Duplomb, c'est aussi beaucoup d'autres mesures.
Pour l'élevage, l'article 4 de la loi Duplomb est essentiel. Il prévoit qu'en cas de défaillance de l'indice satellitaire pour évaluer des aléas climatiques tels que sécheresse, grêle, inondations sur prairies, les éleveurs puissent exiger un recours à des expertises terrain.
Nous réclamions cette possibilité depuis plusieurs années, puisque le dispositif satellitaire ne voyait ni sécheresse, ni inondation, ni grêle dans bien des cas. Il faut donc que la loi s'applique sans délai. D'autant que dans beaucoup de zones, les éleveurs font face à une sécheresse carabinée depuis le mois de juin, sans compter les épisodes de grêles violents par endroits. Les assureurs doivent jouer la transparence avec les éleveurs et leur dire exactement si le satellite déclenche ou non. Le cas échéant, s'il y a des défaillances, les préfets doivent actionner les comités départementaux pour les recours comme le prévoit la loi. Rappelons que les éleveurs contribuent largement à ce dispositif de gestion des risques à travers la PAC et sur leur forfait d'assurance, qu'ils soient assurés ou non.
Sécheresse : 45 départements placés en crise, deux fois plus que l'an dernier
Quarante-cinq départements de France métropolitaine, en tout ou partie, se trouvent en crise sécheresse, entraînant d’importantes restrictions d’accès à l’eau, a annoncé le ministère de la Transition écologique après la réunion du comité d'anticipation et de suivi hydrologique (CASH) le 22 août. C’est plus du double par rapport à 2024 (où 21 départements étaient au niveau crise à la même période), mais proche de 2023 (année de sécheresse extrême, où 48 départements étaient en crise à la même date). Les départements concernés se situent principalement dans les régions Limousin et Centre, ainsi que Languedoc-Roussillon, selon le site gouvernemental VigieEau. Pour rappel, seuls les usages prioritaires (alimentation en eau potable, santé, sécurité civile) sont autorisés au niveau crise. Les prélèvements sont interdits pour l'agriculture (totalement ou partiellement), pour certains usages domestiques et pour les espaces publics. En plus de ces 45 départements au niveau crise, 22 sont pour tout ou partie en alerte renforcée (contre 9 en 2024 à la même date et 22 en 2023), 16 sont en alerte (contre 14 en 2024 et 2023) et 11 sont en vigilance (contre 11 en 2024 et 9 en 2023). Cette sécheresse marquée intervient après un été particulièrement chaud et un printemps déficitaire en pluie dans un grand nombre de régions, illustrations du changement climatique.
La dermatose nodulaire contagieuse est apparue en juin en Savoie avec une stratégie d'éradication de la maladie particulièrement éprouvante pour les éleveurs...
Patrick Bénézit : La dermatose nodulaire contagieuse est une maladie grave qu'il ne faut pas prendre à la légère. Avec des taux de mortalité très importants et des taux de morbidité encore plus importants, ce n'est pas pour rien qu'elle a été classée dans les maladies à éradiquer comme la fièvre aphteuse. Nous espérons que la stratégie mise en place par l'État (vaccination, dépeuplement des lots concernés et encadrement des mouvements d'animaux) permettre l'éradication rapide de cette maladie.
Nous devons avoir un immense respect pour les éleveurs et les professionnels qui luttent depuis fin juin contre ce fléau. Le travail de vaccination de la zone a été colossal et rapide. Et surtout n'oublions pas à quel point, nous sommes redevables de ces éleveurs. Ils ont eu la maladie en face. Ils ont fait le sacrifice de l'abattage. Certains éleveurs l'ont fait pour sauver une partie de leur troupeau, d'autres pour sauver le troupeau de leur voisin, et tous pour protéger le cheptel français et nos débouchés.
C'est pour cela que la profession se bat à leurs côtés pour obtenir des indemnisations, y compris pour les pertes indirectes. Nous nous préoccupons aussi du sort des animaux bloqués dans la zone qui ne peuvent être vendus. Autant de sujets auxquels l'État doit apporter des réponses.