Intervention
« L’innovation peut résoudre les problèmes de la planète»
Claude Allègre avait prévu l’échec du sommet de Copenhague. Il explique pourquoi et invite les gouvernements à se tourner vers d’autres combats « plus urgents ».

Claude Allègre, auteur d'un récent ouvrage intitulé « La science est le défi du XXIème siècle» (édition Plon) était l'invité de la réunion générale annuelle d'information de Limagrain, le 22 décembre dernier, à la grande Halle d'Auvergne.
Au lendemain de la clôture du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique, l'ancien ministre de l'Education Nationale a ouvert son propos sur « l'échec prévisible » de cette rencontre ; un échec motivé selon lui par « une mauvaise approche des problèmes écologiques » car basée sur le principe de taxes et d'interdictions. « Il faut être fou pour penser que la Chine et ses 1,2 milliard d'habitants accepteraient d'être contrôlés sur la façon dont ils produisent écologiquement ». De la même manière, Claude Allègre récuse l'idée du ministre du Développement Durable, Jean Louis Borloo, de vouloir proposer aux africains un mode de développement, « j'appelle ça du néo-colonialisme ». « Et c'est pour cela que Copenhague restera certainement le dernier sommet ».
Changer de combat
Convaincu que la planète subit effectivement un changement climatique, l'ex-ministre pense néanmoins que les gouvernements se trompent de combat. «C'est une absurdité scientifique de croire que l'on peut prévoir le climat. Les systèmes complexes tel que le climat ont un comportement chaotique qui nous empêche toute prévision». S'entêter à organiser des sommets n'a donc pas de sens pour lui. En revanche, il cible trois problèmes prioritaires dont il est urgent de s'occuper :
-Le problème de l'eau. Claude Allègre rappelle le triste record de 10 000 personnes qui meurent chaque jour par manque d'eau potable. Il souligne aussi que 20 % de l'eau des fleuves du monde est pompée pour l'irrigation agricole contre moins de 1 % au début du siècle. « La production agricole va être dépendante d'une politique de l'eau ». Or aujourd'hui rien n'est fait en France pour appliquer des solutions qui pourtant existent déjà ailleurs pour nettoyer la ressource et la stocker.
-L'agriculture et l'alimentation. « Deux questions capitales» pour Claude Allègre. « La société veut une agriculture propre. Or propre cela veut dire : utiliser la science et le génie génétique pour cultiver des plantes qui se passent d'insecticides, de traitements chimiques et qui diminuent alors les pollutions. La France s'est tirée une balle dans le pied en refusant la culture des OGM tout en acceptant d'en importer ...» Pour l'ancien ministre, « le combat OGM doit être mené courageusement ». Il regrette d'ailleurs que « les organisations agricoles soient molles dans cette bataille ».
-le développement des pays arabes : une autre priorité d'action pour Claude Allègre. Contrairement à ce que prédisent d'autres scientifiques, il pense que la population mondiale ne va pas exploser mais se stabiliser à environ 8 milliards d'habitants avant de décroître. Pourquoi ? « En raison d'un paramètre essentiel aujourd'hui démontré : l'éducation des femmes et leur employabilité ». En revanche, il apparaît urgent pour lui de s'occuper de la population globale du monde. D'être vigilant sur le fait que le monde musulman va enregistrer une forte augmentation pour atteindre 2,5 milliards d'habitants avec une moyenne d'âge de 35 ans. «Nous allons avoir, face à face, un monde jeune sous développé dans des conditions où l'agriculture ne sera pas suffisante pour nourrir tout le monde, et un monde vieux, vivant confortablement. Cela va créer des tensions migratoires considérables » explique Claude Allègre. « Voilà un vrai problème dont il faut s'occuper en aidant au développement de ces pays ».
Miser sur l'innovation
Les solutions passent par l'innovation et la technologie, selon le scientifique Allègre. « Nous vivons aujourd'hui dans une prolifération d'innovations fantastique. Nous avons devant nous une perspective de développement pour les pays développés et sous développés. Et l'agriculture a un rôle essentiel à jouer dans ce domaine ». Claude Allègre regrette que le gouvernement ne prenne pas la mesure de ces enjeux et laisse « les français surfer sur la peur ».Il conclut : « oui il ya des problèmes qui se posent sur la planète. Oui nous pouvons les résoudre par l'innovation et améliorer ainsi le sort des gens les plus pauvres ».