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Les stigmates de la MHE et de la FCO sur la trajectoire du cheptel allaitant

Mortalité des vaches, des veaux à la naissance, fertilité : trois critères étudiés par l’Idele qui a mis en évidence une corrélation spatio-temporelle avec les épisodes MHE et FCO en France et en Auvergne-Rhône-Alpes.

L’impact des épisodes MHE et FCO-8 est bien visible sur la mortalité des vaches allaitantes, à compter de fin 2023 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
© Idele

Y’a pas photo : en langage courant, c’est la réaction qui s’impose en superposant la carte de France des foyers de FCO-3 (au dernier trimestre 2024) à celle de l’évolution du taux de mortalité à la naissance dans les cheptels bovins. Superposition parfaite, où s’illustre dans les deux documents une frange Nord-Est très fortement touchée. C’est l’une des illustrations marquantes de l’étude nationale réalisée par l’Institut de l’élevage (Idele) sur l’impact des épisodes sanitaires sur les cheptels bovins lait et viande tricolores. Cette analyse, axée sur les données de la BDNI (identification animale), a été déclinée à l’échelle d’Auvergne-Rhône-Alpes dans le cadre d’un partenariat entre l’Idele et le comité de filière bovins viande (Cofil BV), partenariat qui se traduit par l’alimentation d’un observatoire annuel de la filière, financé par la Région Aura.

Décapitalisation moindre en Auvergne-Rhône-Alpes 

En introduction à sa présentation le 14 novembre au Cofil BV, Eva Groshens, chef de projet au département économie de l’Institut, est revenue sur l’évolution du cheptel allaitant depuis 2016, avec une décapitalisation moindre dans la région qu’en moyenne nationale : - 9 % de vaches allaitantes en Aura entre août 2016 et août 2025, contre - 17 % en France. “On perd des exploitations depuis toujours, c’est lié à la hausse de la productivité du travail, rappelle Eva Groshens. Ce qui change la donne c’est que les vaches “libérées” par les cessations d’activité ne servent plus à l’agrandissement des exploitations. Ce dernier se ralentit, sans doute en lien avec la problématique de changement climatique et donc d’autonomie fourragère.” L’évolution différenciée en Auvergne-Rhône-Alpes s’explique d’une part par une démographie plus jeune mais aussi par une proportion plus grande de territoires inconvertibles. 

Lire aussi Interbev Auvergne Rhône-Alpes : enjeux de la décapitalisation du cheptel et impacts sur la filière bovine 

Un bémol cependant dans cette trajectoire plus favorable : après un pallier en 2023 (hormis dans l’Allier), les effectifs régionaux sont repartis à la baisse mi-2024, avec une forte dégradation sur le dernier trimestre qui s’est poursuivie au moins jusqu’à l’été 2025. La stabilisation entre-aperçue en 2023 a-t-elle été mise à mal par les problèmes sanitaires ? C’est ce qu’a cherché à investiguer l’Idele au travers de trois critères : la mortalité des vaches allaitantes, la dégradation potentielle de la fertilité, et la mortalité des veaux à la naissance (la BDNI ne permet pas d’appréhender les baisses de production et de performances).

Mortalité : toujours pas de retour à la normale 

Premier paramètre donc, la surmortalité des vaches(1) : cette dernière est très nette à l’échelle nationale à compter du dernier trimestre 2023, avec une courbe ascendante suivie d’un plateau depuis mi-2024 (+ 25 %/moyenne 2016/2023) qui persiste encore.  La surmortalité constatée depuis 2023 a par ailleurs une forte composante géographique : en rouge (forte hausse de la mortalité) sur les cartes de fin 2023-début 2024, le Sud-Ouest (où la MHE est alors apparue), mais aussi le Cantal et plus modérément les autres départements du Massif central touchés eux par la FCO-8. Rebelote à l’automne 2024, surmortalité marquée en Auvergne-Rhône-Alpes (FCO + MHE) tandis qu’à la fin 2024, c’est le Grand-Est qui vire au rouge avec l’arrivée du sérotype 3 de la FCO. “Même en dehors de ces trois zones “épicentres” (zone MHE du Sud-Ouest, zone FCO-8 Massif central, zone FCO-3 du Nord-Ouest), on a une hausse la mortalité, certes atténuée mais diffuse”, relève la chargée de projet. C’est le cas en Aura où l’on n’observe pas encore de retour à la normale.

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Sous-fertilité : - 28 800 naissances en Aura

Second critère : la fertilité des femelles allaitantes, avec les mêmes phénomènes spatio-temporels. La fertilité chute dès la fin 2023 dans la zone MHE, même chose un an plus tard dans la zone FCO-8 mais aussi dans la France entière ; la dégradation de la fertilité est plus récente (mais plus violente) en zone FCO-3. En Aura, ce sont ainsi 28 800 naissances en moins entre juillet 2024 et juin 2025, soit - 5 % (- 6, 4 % en France), à mettre en regard d’une baisse de cheptel de 1,5 % sur la même période. Quant à la surmortalité à la naissance, elle n’est véritablement visible sur les courbes qu’en zone FCO-3, confirmant les remontées terrain de veaux morts-nés, anormaux et non viables. “En région Aura, on a été plutôt épargné, on observe certes une petite hausse mais rien à voir avec la zone FCO-3”, précise Eva Groshens.

FCO-MHE : 14 % de la décapitalisation 

À l’échelle nationale, les impacts de ces anomalies ont été chiffrés par l’Institut. La surmortalité des vaches correspond à 11 000 vaches allaitantes mortes en plus en 2024 par rapport à la normale, soit environ 14 % de la décapitalisation sur l’année. En valeur, elle est moindre pour le cheptel laitier (+ 11 500 vaches mortes) mais pèse autant dans la décapitalisation (14 %). Sous-fertilité et surmortalité des veaux (avant 2 mois) conduisent à une perte de 179 100 têtes (- 5,9 %) de veaux allaitants sur la campagne 2024-2025, c’est - 79 900 veaux laitiers (- 2,9 %). Avec un impact économique tout sauf négligeable compte tenu de la valorisation actuel des broutards. “Économiquement, ça devient vite vertigineux...”, glisse la spécialiste. En Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont principalement les problèmes de fertilité qui impactent la trajectoire du cheptel, même si l’anomalie (- 4,2 % induits sur les naissances) est bien moindre que celle observée en Nouvelle-Aquitaine (- 7,9 %) ou dans le Grand-Est (- 9, 5 %).

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Ça repart ? 

“En France comme dans la région, il y a donc bien eu un impact des épisodes sanitaires sur la dynamique du cheptel, toute la question est de savoir si les génisses ont bien été conservées ou pas, sachant qu’il y a eu autant de réformes, soumet Eva Groshens. Nos projections semblent le confirmer : les femelles ont été conservées soit pour renforcer le cheptel soit pour limiter l’impact de la baisse de production, c’est une bonne nouvelle.” Autre indicateur favorable, régional celle-ci : alors qu’on était encore cet été 2025 sur une érosion mensuelle de - 0,8 % du nombre de vaches allaitantes, au 1er octobre, la baisse est réduite de moitié (- 0,4 %). Les prochains mois diront si l’inversion de tendance se confirme. 

(1) Moyenne mobile sur douze mois du ratio des vaches mortes du mois sur les vaches présentes en début de mois pour lisser la saisonnalité de la mortalité.

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