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Les marchés des AOP fromagères d’Auvergne restent fébriles

Alors que le virus de la Covid-19 s’éloigne, les producteurs appellent à maintenir l’union sacrée apparue au plus fort de la crise.

Les producteurs fermiers ont réduit leur transformation afin de préserver leur filière d’un engorgement affectant la valeur de leur production.
Les producteurs fermiers ont réduit leur transformation afin de préserver leur filière d’un engorgement affectant la valeur de leur production.
© MC

Un mois après le déconfinement et deux semaines après la réouverture des restaurants, les marchés des AOP fromagères restent incertains. Bleu d’Auvergne, Fourme d’Ambert et Saint-nectaire subissent encore les effets de cette crise même si chacune des appellations a déployé une défense basée sur la solidarité. Alors que le commerce reprend doucement son chemin, chacun à son échelle reconsidère ses orientations passées. Tous en revanche n’attendent qu’une chose : le tourisme national.

Une tempête sans précédent

Au plus fort de la crise, au tout début du confinement, les AOP fromagères ont perdu la majorité de leurs ventes. Certains producteurs fermiers n’ont même vendu aucun fromage pendant 15 jours. « Les producteurs étaient face à une crise sans précédent. Nous devions tout faire pour préserver un maximum de ce que nous avons mis tant d’années à construire. Il nous faillait protéger notre chaîne de valeur » témoigne Nicolas Cussac, président du Syndicat Interprofessionnel régional du Bleu d’Auvergne. Le fromage et sa cousine la Fourme d’Ambert ont perdu environ 30% de leurs ventes durant le confinement. Sans possibilité de congélation, les producteurs n’ont eu d’autres choix que de désengager une partie du lait vers le marché spot, avec de lourdes conséquences économiques. Ils ont également essayé de réduire la productivité de leurs animaux alors en plein pic de lactation. Enfin, la température des caves d’affinage a été réduite pour ralentir le vieillissement des fromages. « Cette stratégie a été payante et à permis de sauver les stocks » raconte Aurélien Vorger, directeur du SIFAm(*). Ces différents leviers actionnés collectivement ont permis de passer le cap. Selon Nicolas Cussac : « cette prise de conscience collective a été essentielle dans la gestion de la crise ».

Frêle reprise et conséquences au long terme

Désormais, les ventes repartent même si elles restent encore fébriles. «Nous sommes mieux maintenant qu’au mois de mars. La production retrouve sa normale. Mais nous restons sur une crise dont la durée est encore incertaine» souligne Aurélien Vorger. Le directeur du SIFAm peine à distinguer quels seront les jours à venir. Les incertitudes et les irrégularités sur la filière restent trop nombreuses pour offrir un cap serein. Les baisses de production pour éviter l’engorgement du marché pourraient avoir de lourdes conséquences sur le fonctionnement de l’interprofession. «Les subventions allouées, sont calculées en fonction des volumes produits l’année N-1. Elles risquent donc de diminuer en 2021 remettant en cause certaines de nos actions de promotion.» Moins de promotion équivaut à moins d’achats et entraîne indéniablement une baisse de production. Pour Aurélien Vorger c’est toute une stratégie de plusieurs années qu’il faut revoir. «Notre lien avec le consommateur est entretenu par des événements importants. Les Fourmo’Folies, par exemple, pourraient changer de format avec des animations plus restreintes mais sur une période plus étalée.»

« Les gens n’ont jamais arrêté de manger du fromage »

Dans les massifs du Sancy, le retour des vacanciers et des curistes est espéré. La filière Saint-nectaire n’a pas échappé à la crise du Covid-19. Les ventes de fromages ont repris par palier.

La réouverture des marchés, la levée des 100 kms, le déconfinement ont, petit à petit, permis de retrouver les consommateurs. Sébastien Ramade, co-président de l’Union des Producteurs Fermiers prédit un retour à la normale « au mois de septembre ». La récente réouverture des restaurants n’a pas fait flamber les ventes. Ici aussi la prise de conscience collective et la solidarité ont permis de limiter les dégâts mais les conséquences sont plus ou moins lourdes. « Il y a de la casse parmi les producteurs fermiers. On estime qu’environ 15 ton-nes de fromages laitiers et fermiers ont été détruites. La congélation d’environ 550 tonnes de fromages a permis de diminuer les stocks en cave. Les producteurs fermiers, ne pouvant être collectés, ont fait le choix de jeter du lait pour privilégier les laitiers. » Jeter du lait AOP Saint-nectaire, du jamais vu pour la filière qui, il y a quelques mois, en recherchait.

Plus que tout, les producteurs fermiers ont pu compter sur la solidarité de leur entourage. « La famille et les amis ont fait jouer leurs réseaux de connaissances. Beaucoup d’entre nous avons pu reprendre les ventes grâce à cette entraide. Les gens n’ont jamais arrêté de manger du fromage. Ils ne pouvaient tout simplement pas venir l’acheter à la ferme. » Points de retraits, drives, Chronofresh, livraison à domicile… toutes les solutions ont été activées.

Le jour d’après

Les marchés retrouvent leur rythme mais restent particulièrement instables et incertains. Chaque filière avance avec prudence prise en tenaille entre l’urgence et la pérennité économique. La Covid-19 quitte lentement notre horizon mais les producteurs appellent à ne pas oublier pour autant cette union sacrée apparue au plus fort de la crise. « Nous souhaitions la mise en place d’un plan de régulation pour ne pas engorger de nouveau le marché en cas de deuxième crise. Mais, à la surprise des producteurs de Saint-nectaire fermiers, il a été refusé » témoigne Sébastien Ramade.

« Tous les maillons de la filière ont joué leur rôle dans cette crise. Les producteurs ne doivent pas être les seuls à encaisser les conséquences. Tout doit être partagé au risque d’affaiblir nos filières. Nous devons les maintenir pour pouvoir repartir » ajoute Nicolas Cussac.

 

*Syndicat interprofessionnel de la Fourme d’Ambert

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