Les femmes s'imposent dans l'agriculture
Les femmes ont toujours fait partie du paysage agricole. Pourtant, leur reconnaissance et leur intégration au sein de la profession ont longtemps été plus complexes. Entre santé, charge mentale et contraintes techniques, leur place dans la profession continue d'évoluer.
Les femmes ont toujours fait partie du paysage agricole. Pourtant, leur reconnaissance et leur intégration au sein de la profession ont longtemps été plus complexes. Entre santé, charge mentale et contraintes techniques, leur place dans la profession continue d'évoluer.
Depuis quelques années, la libération de la parole portée par les femmes du milieu agricole a permis d'aborder des sujets longtemps tabous : précarité, isolement, charge mentale. En brisant le silence, les agricultrices ouvrent la voie à davantage de prévention et à un accompagnement mieux adapté.
La MSA multiplie ainsi les initiatives : formation d’assistante sociale spécialisée, dispositifs d'écoute, plateformes d'aide en cas d'épuisement professionnel ou encore le programme "aide au répit".
Les agricultrices sont aujourd'hui mieux informées sur leur santé que d'autres catégories professionnelles et savent plus facilement vers qui se tourner en cas de problème. Cependant, cette meilleure connaissance ne les protège pas toujours. Elles restent davantage exposées à certaines pathologies : insuffisance cardiaque, cancer de la peau, maladies inflammatoires chroniques ou maladie de Parkinson pour les non-salariées. Les salariées, elles, sont plus souvent suivies pour diabète et certains troubles addictifs. Ces femmes, surtout lorsqu'elles sont cheffes d'exploitation, sont plus difficiles à arrêter.
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Des progrès techniques, mais des freins persistants
En parallèle, les évolutions technologiques ont profondément transformé le travail agricole. Les machines et la digitalisation facilitent certaines tâches, mais des obstacles persistent. Les imprévus liés à la vie de famille ou l'inadaptation du matériel à la morphologie féminine freinent encore certaines.
Il est nécessaire de prendre en compte la tâche pour créer un outil adapté, mais il est essentiel de prendre en compte la personne qui va avant tout l’utiliser » explique Fabienne Goutille, enseignante-chercheuse à l’Université Clermont-Auvergne.
La montée en puissance des femmes cheffes d'exploitation a justement permis de remettre ces problématiques au centre du débat. Grâce aux nouvelles technologies, les conditions de travail s'améliorent et permettent une meilleure répartition dans l'exécution des tâches.
Ce n’est plus une question de savoir si je peux le faire, mais si j’aime le faire » appuie Séverine Darsonville, agricultrice installée depuis ses 18 ans.
Une reconnaissance récente, mais bien présente
Au-delà du matériel, c'est aussi la place des femmes qui change :
À l’époque, une femme cheffe ce n’était pas courant, ça sortait du cadre ; aujourd’hui ces situations existent beaucoup moins qu’il y a 15-20 ans » poursuit Séverine Darsonville.
Si les mentalités ont évolué, cette progression reste récente. Les femmes s'imposent désormais plus facilement en tant que cheffe à part entière au sein des exploitations, en individuel ou société.
En 2023, parmi les 116 560 femmes actives non-salariées agricole, 103 236 étaient cheffes d'exploitation et 13 324 collaboratrices. En Auvergne-Rhône-Alpes, 78 % des femmes s’installent sous statut individuel, contre 67 % des hommes. Coté salariat, elles représentent 38,4 % des effectifs du régime.
Zoom sur…
Un violentomètre pour prévenir les violences envers les femmes dans les exploitations
Chaque jour en Europe, une femme sur cinq est victime de violences physiques ou sexuelles. En France, 137 féminicides étaient recensés au 6 novembre 2025 et notamment en milieu rural.
Dans ces territoires, les violences sont souvent plus difficiles à repérer et à signaler, faute de structures de proximité et d'anonymat. Elles touchent pourtant l'ensemble des femmes du milieu agricole, de l'étudiante en stage, à l'agricultrice installée.
À Clermont-Ferrand, des étudiantes VetAgroSup, accompagnées par Manon Caudron-Fournier, membre du comité égalité de VetAgro Sup, ont créé un violentomètre adapté aux stages en exploitation agricole. Construit à partir de situations vécues par des stagiaires, cet outil permet de "mesurer" si un comportement vécu est sain ou dangereux.
Présenté sous forme de règle, il se divise en trois catégories : le « Tout va bien », le cadre de travail est sain, le « Attention », les actes sont anormaux et doivent être signalés, et le « Danger », il faut demander de l'aide.
Notre intention n’est pas de stigmatiser le monde agricole par rapport au reste de la société. C’est justement parce qu'il fait partie de la société qu’il est aussi traversé par le sexisme » insiste Manon Caudron-Fournier.
Ce violentomètre n'est pas une première. En 2018, les Observatoires des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et Paris, l’association En Avant Toute(s) et la Mairie de Paris avaient déjà conçu un outil similaire pour les jeunes femmes, pour les aider à évaluer si leur relation amoureuse était basée sur le consentement et ne comporte pas de violences.