Loup
Les éleveurs bovins enfin armés grâce à la mobilisation de la FDSEA et des JA
Le 21 juin 2025, les ministres de la Transition écologique et de l’Agriculture ont conjointement signé un arrêté interministériel très attendu. Ce texte fixe enfin les conditions dans lesquelles les préfets peuvent accorder des dérogations aux interdictions de destruction du loup, afin d’encadrer les tirs de défense au bénéfice des troupeaux de bovins et d’équins.
Le 21 juin 2025, les ministres de la Transition écologique et de l’Agriculture ont conjointement signé un arrêté interministériel très attendu. Ce texte fixe enfin les conditions dans lesquelles les préfets peuvent accorder des dérogations aux interdictions de destruction du loup, afin d’encadrer les tirs de défense au bénéfice des troupeaux de bovins et d’équins.

« Nous alertons depuis des années sur ces difficultés. Une reconnaissance partielle ne suffit pas. Il faut une politique claire, ferme, et adaptée à la réalité des élevages. »
Un arrêté très attendu pour encadrer les tirs de défense
Cette publication marque la fin d’une incertitude juridique persistante, qui empêchait, jusqu’alors, de nombreux éleveurs d’accéder au dispositif de défense. En effet, bien que la Loi d’Orientation Agricole (LOA) ait reconnu l’impossibilité de protéger efficacement bovins et équins comme les ovins, elle renvoyait à un arrêté le soin de définir les mesures de réduction de vulnérabilité nécessaires pour autoriser les tirs.
Deux voies pour obtenir une dérogation La version modifiée de l’arrêté du 21 février 2024, mise à jour le 7 février 2025, précisait déjà les deux voies d’accès possibles aux tirs de défense :
- La voie individuelle, en cas de prédation avérée : l’exploitation doit avoir mis en œuvre des mesures de réduction de la vulnérabilité validées par le préfet, et avoir subi une attaque confirmée attribuable (ou non exclue) au loup dans les 12 derniers mois.
- La voie territoriale, sans prédation préalable : elle s’adresse aux exploitations situées en zones de risque avéré (cercles 0 et 1). Elle repose sur une analyse technico-économique territoriale démontrant l’impossibilité de protéger efficacement les troupeaux, complétée par une justification au cas par cas du demandeur auprès du préfet.
Jusqu’à présent, ces deux dispositifs étaient inopérants, faute de publication officielle de la liste des mesures exigées. C’est désormais chose faite.
Troupeaux prédatés : des mesures concrètes pour riposter
Pour les élevages ayant subi une attaque dans les 12 derniers mois, les préfets pourront autoriser des tirs de défense si au moins une mesure de réduction de la vulnérabilité est mise en œuvre pour chaque lot concerné.
Parmi les mesures reconnues par l’arrêté figurent notamment :
- le vêlage en bâtiment, en parc renforcé ou à proximité immédiate ;
- la présence de bovins à cornes dans le lot ;
- l’élevage des jeunes animaux dans des zones sécurisées ou en bâtiment ;
- l’interdiction de maintenir des animaux de moins de 12 mois seuls dans un lot ;
- le regroupement des lots pour former des troupeaux plus importants ;
- l’utilisation de systèmes d’alerte (GPS, pièges photo GSM) ;
- le regroupement nocturne dans un bâtiment ou une enceinte protégée ;
- la mise en défens des zones dangereuses (barres rocheuses…) ;
- des mesures déjà prévues dans l’arrêté du 30 décembre 2022, comme le gardiennage renforcé, l’usage de chiens de protection ou de clôtures électrifiées ;
- une visite quotidienne des animaux, mais uniquement pour les lots non déjà soumis à cette obligation ;
- toute mesure issue d’une analyse technico-économique territoriale validée par le préfet coordonnateur.
Troupeaux non prédatés : une reconnaissance préventive du risque
Pour les éleveurs non encore touchés par une attaque, mais situés en zone à risque, comme c’est le cas pour les communes classées en cercle 1 en Corrèze, l’arrêté ouvre enfin la possibilité de demander une dérogation sans prédation préalable, à condition :
- que le territoire ait fait l’objet d’une analyse technico-économique validée par la préfète coordonnatrice du plan national loup ;
- que l’éleveur justifie de sa situation au regard de cette analyse ;
- et qu’il ait mis en œuvre des mesures concrètes de réduction de la vulnérabilité.
L’expertise de la Chambre d’agriculture de Corrèze au service des élevages
En Corrèze, la Chambre d’agriculture n’a pas attendu la publication de l’arrêté pour agir. Dès la phase de consultation publique, elle s’est engagée dans l’élaboration d’une analyse technico-économique territoriale, visant à formuler des mesures concrètes, adaptées aux réalités des élevages corréziens. L’objectif est de proposer un éventail d’actions permettant aux éleveurs de réduire la vulnérabilité de leurs troupeaux face à la prédation du loup, en tenant compte des différentes composantes des exploitations : gestion des lots, organisation des vêlages, modalités de surveillance,... Cette diversité est essentielle pour répondre à la grande variété de systèmes d’élevage présents sur le territoire. L’étude a été transmise à la préfète coordonnatrice du plan national Loup et est actuellement en cours de validation.
Une avancée… mais encore de nombreuses limites
Pour la FDSEA et les JA de la Corrèze saluent cette avancée, mais regrettent que l’arrêté ne réponde pas complètement aux réalités du terrain. La mise en œuvre des mesures au niveau des "lots", et non du troupeau, est jugée peu réaliste et génératrice de surcharge de travail. Par ailleurs, l’exclusion des élevages en plein air du bénéfice de la visite quotidienne comme mesure de réduction de vulnérabilité est injuste. Selon le texte, ces exploitations seraient déjà tenues de cette obligation en hiver, ce qui nie l’effort réel et constant fourni par ces éleveurs en zone ouverte.
Enfin, la prédation continue de causer des atteintes graves au bien-être animal : mortalité, blessures, avortements, stress,… Aucune mesure spécifique n’est prévue à ce jour pour les prendre en compte.
Nous alertons depuis des années sur ces difficultés. Une reconnaissance partielle ne suffit pas. Il faut une politique claire, ferme, et adaptée à la réalité des élevages », souligne Marie-France Forest, Secrétaire générale de la FDSEA.
Une mobilisation syndicale qui se poursuit
La FDSEA et les JA de la Corrèze restent donc pleinement mobilisés. Si la publication de cet arrêté marque un tournant, elle ne clôt pas le débat. Le nouveau statut de protection du loup, approuvé le 5 juin dernier par le Conseil de l'Union européenne, doit encore être traduit dans le droit français. La FDSEA et les JA de la Corrèze maintiendront une pression constante sur les ministères de l'Agriculture et de l'Écologie pour faire évoluer la réglementation.
Vers une vraie politique de gestion du loup
Notre objectif est clair : passer d'une logique de défense des troupeaux à une véritable logique de gestion de la population de loups. Cela doit se concrétiser par des arrêtés préfectoraux adaptés à l'échelle des territoires et une simplification administrative drastique pour faciliter les tirs de défense », explique Marie-France Forest.
Ce déclassement va permettre aux éleveurs de mieux se défendre face aux attaques. C’est un pas essentiel pour garantir la pérennité des exploitations et la sécurité des animaux. Cette avancée réglementaire témoigne de l’efficacité de l’engagement syndical de terrain, fruit d’un travail de longue haleine mené avec détermination par la FDSEA et les JA de la Corrèze aux côtés des éleveurs.