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« Les années passent et l’urgence s’accélère »

La FRSEA et Jeunes agriculteurs Auvergne-Rhône-Alpes alertent dans un communiqué le 25 août, sur le manque d’eau dont souffrent les cultures cette année encore. Ils redoutent des mois d’hiver compliqués pour affourager les animaux. Interview croisée de Michel Joux et Pierre Picard, respectivement président FRSEA et JA Aura.

Pour la 3e année consécutive, les départements auvergno-rhonalpins sont impactés par une grande sécheresse et par un manque d’eau crucial.
Pour la 3e année consécutive, les départements auvergno-rhonalpins sont impactés par une grande sécheresse et par un manque d’eau crucial.
© HLP

Pourquoi avoir cosigné ce communiqué de presse alertant sur l’état de sécheresse des départements en région ?
Michel Joux : «Parce que nous connaissons des situations climatiques très délicates dans tous les départements auvergno-rhonalpins. Pour la 3e année consécutive nous sommes touchés par une grande sécheresse et impactés par un manque d’eau crucial. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la récurrence de ces évènements climatiques. Le moral des agriculteurs en prend un coup, on commence à entendre des gens dire qu’ils en ont marre de ce métier, l’ambiance partout est au fatalisme… Mais je veux rester positif, c’est loin d’être tout foutu ! Il faut simplement qu’on bénéficie d’outils d’adaptation rapides pour faire face à ces situations d’urgence car le changement climatique, lui, s’installe durablement et risque même de s’empirer...»
Pierre Picard : «Habituellement, les départements montagneux du Massif central et des Alpes sont relativement épargnés. Cette année, ils subissent la sécheresse de plein fouet. Ce manque de pluie important engendre des petites récoltes et des coûts supplémentaires. L’état de sécheresse des sols sableux, un peu légers, est aussi très inquiétant. Ils produisent moins, parfois même il n’y a plus rien qui pousse. Je ne suis pas de nature pessimiste mais il suffit de regarder la réalité en face… Nous ne pouvons pas rester sans rien faire. Les années passent et l’urgence s’accélère».

Les stocks fourragers pour l’hiver 2020/2021 sont amputés depuis mi-juillet pour nourrir les animaux. Quelles solutions s’offrent aux agriculteurs ?
M.J. : «Il y a des entreprises qui stockent depuis plusieurs années, celles-là passeront le cap en puisant dans leurs stocks. Pour celles qui n’ont pas eu cette capacité-là, il faudra qu’elles achètent de la paille, du foin, des céréales, du maïs, à un coût sans doute plus élevé, qui viendra impacter leur rentabilité économique, de manière plus ou moins importante selon leur résilience. Aujourd’hui, on a du mal à avoir des maïs qui supportent bien la chaleur. Certains agriculteurs ont opté pour la luzerne, plus résistante à la sécheresse, une alternative pas adaptée à tout le monde. Quoi qu’il arrive, le système climatique fait partie intégrante de notre métier. Raison de plus pour défendre des prix rémunérateurs et imaginer des solutions intelligentes dans la construction et la rénovation des bâtiments».
P.P. : «Cette année, heureusement, bon nombre d’entre nous a fait beaucoup de stocks de fourrage au printemps mais si l’hiver se rallonge, les stocks s’épuiseront. Dans ce cas, il n’y aura pas d’autres solutions que de faire de l’achat à l’extérieur. Une autre solution est celle de rationner dans la mesure du possible la nourriture des animaux, tout en les préservant avec de la ventilation et des brumisateurs en bâtiment. Pour moins subir cet aléa climatique, il faudrait aussi qu’on réintroduise plus de haies et d’arbres dans notre environnement. Le bocage permettra de garder un peu plus de fraîcheur et de moins subir ces fortes chaleurs».

La problématique de la récupération de l’eau pluviale revient tous les ans. Comment avancez-vous sur ce sujet avec les acteurs territoriaux et les responsables politiques ?
M.J. : «C’est un sujet contesté sur lequel nous avons du mal à coconstruire des projets concrets… La réglementation sur les retenues d’eau encadrée par les Sdage (ndlr schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux) ne nous permet pas d’aller rapidement au bout de nos propositions. Même si la Région incite à y aller, on voit bien que dans nos départements, c’est toujours un peu poussif. Il n’y a pas une volonté politique commune d’aller dans cette direction. Aujourd’hui, cette réglementation rigide, qui oppose économie et environnement, nous bloque. Résultat : les agriculteurs, au bout de plusieurs années, s’essoufflent et abandonnent. Au final, on a très peu de projets qui arrivent au bout. Ce qui manque à l’encadrement de ces projets, c’est aussi la formation et l’accompagnement des porteurs de projet en demande de compétences techniques et scientifiques».
P.P. : «Chez JA nous aimerions que chaque nouveau bâtiment intègre obligatoirement des aménagements de retenues d’eau de toiture. Dans le passé, il y avait des étangs, des mares de partout et les champs étaient suffisamment arrosés. Aujourd’hui, on a oublié qu’on pouvait manquer d’eau à certains moments de l’année. Les projets de retenue d’eau pluviale doivent être bien construits car selon que l’on souhaite y puiser pour irriguer ou abreuver ses animaux, la gestion de l’eau n’est pas du tout la même. Il faut juste savoir où les responsables politiques placent leurs priorités… Si on veut y aller, il faut se donner plus de moyens et mettre les bouchées doubles sur cette question».

Quel travail faut-il encore effectuer sur les systèmes assurantiels pour que les agriculteurs cotisants puissent voir leurs pertes mieux compensées ?
M.J. : «Le calcul de la moyenne olympique sur 5 ans n’est pas adapté aux aléas climatiques que nous subissons. Le fond de calamités n’est plus tout à fait à la hauteur des enjeux, non plus. En discussion depuis plusieurs mois, la couverture récolte universelle (CRU), telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui ne nous satisfait pas. A mon sens, il faut qu’elle soit financée par les agriculteurs et cautionnée par l’Etat, sans venir impacter le 1er ni le 2e pilier de la Pac.
En somme, une couverture faite par des boîtes privées, réassurée par l’Etat qui pourrait nous permette d’accéder à une indemnisation sans voir notre potentiel à la baisse. Cela ne marchera pas s’il n’y a pas de franchise de déclenchement sur des grosses pertes déclarées à la parcelle et non pas à la culture. En fonction des productions, il faudra sans doute adapter ces seuils de déclenchement».
P.P. :  «Cette idée de créer une couverture universelle adaptable à toutes les filières permettrait d’avoir des prix plus accessibles. Harmoniser toutes les productions, cela risque d’être très compliqué, nous ne pourrons pas mettre tout le monde dans le même panier. Covid-19 oblige, les réunions ont été arrêtées et devraient reprendre à la rentrée pour définir les modalités précises de la CRU».

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