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L'élevage du Cantal met les gaz sur la réduction de ses émissions

Près de 800 élevages cantaliens ont réalisé un diagnostic carbone avec la Chambre d'agriculture. Un outil permettant de faire un état de lieux, de se positionner et d'identifier des leviers d'actions synonymes aussi de performances accrues.

Vaches au pâturage montagne.
L'élevage bovin cantalien compense 30 % de ses émissions carbone.
© P.OLIVIERI

La chambre d’agriculture du Cantal n’a pas attendu l’emballement du changement climatique de ces dernières années, ni les déclarations lénifiantes et souvent stériles des récentes COP pour engager dès 2016 la ferme Cantal dans une politique volontariste et effective de réduction de ses émissions carbone. Pionnière en la matière et dotée d’une expertise reconnue, elle a ainsi accompagné depuis près de 800 exploitations (plus d’une sur cinq) désireuses de se pencher sur leur bilan carbone. 

Cap2ER : un diagnostic global de l’exploitation 

Quelle que soit l’ambition de l’agriculteur, la démarche, toujours basée sur le volontariat, repose sur un diagnostic initial global, une photo à l’instant T, balayant tous les compartiments et pratiques de l’exploitation (alimentation, gestion de la reproduction, fertilisation, intrants, consommation d’énergie, etc.) pour aboutir à un bilan net, entre émissions et stockage de carbone, le tout ramené à une unité de production : kilo de viande produit ou litre de lait. Pour ce faire, Sarah Lamsaif et son collègue Vladimir Segard, tous deux conseillers spécialisés sur la thématique bas carbone, s’appuient sur un outil de référence élaboré par l’Institut de l’élevage : le Cap’2ER. “Ce diagnostic initial nous permet de sensibiliser les agriculteurs mais il leur sert aussi à situer leur élevage par rapport à la moyenne des systèmes équivalents en bénéficiant également de préconisations pour des marges techniques et économiques”, expose Sarah Lamsaif. Sachant, ajoute son collègue, que quasi systématiquement, chaque kilo ou tonne d’équivalent CO2 en moins sur un bilan carbone s’accompagne d’un gain en matière de performances technico-économiques. Autrement dit, ce qui est bon pour la planète, l’est aussi pour le revenu de ceux qui la nourrissent. 

Pas moins d’UGB mais plus productives

Au terme de ce diagnostic, il y a souvent des surprises : “Beaucoup d’agriculteurs sont convaincus que c’est aux manettes du tracteur, en consommant du GNR, et par les aliments achetés, qu’ils sont les plus gros contributeurs en GES (gaz à effet de serre)...” À tort : 50 à 74 % des émissions d’un élevage bovin cantalien résultent de la fermentation entérique de ces ruminants, ce qui complique d’ailleurs la donne stratégique. 
La solution simpliste, prônée d’ailleurs par la Cour des comptes, serait purement arithmétique : moins d’animaux, moins d’émissions. Les conseillers en zootechnie privilégient eux une réduction des UGB (unité gros bovin) non productives en cherchant par exemple à faire vêler plus tôt les génisses, en améliorant la gestion sanitaire du troupeau, en agissant sur le taux de mortalité... “L’idée, c’est d’avoir des animaux productifs, en bonne santé, sans tomber dans un système productiviste à tout crin mais davantage dans l’optimisation”, affiche Vladimir Segard. 
Deuxième poste le plus pourvoyeur de gaz à effet de serre, la fermentation des effluents d’élevage (à hauteur de 10 à 20 % du total de l’exploitation). Outre le méthane, le stockage et l’épandage des lisiers et fumiers sont sources d’émissions de protoxyde d’azote, un gaz certes hilarant mais 300 fois plus délétère que le CO2 pour l’ozone stratosphérique que pour le réchauffement climatique. La parade ? “Le premier levier, c’est d’optimiser le pâturage sachant qu’on est déjà sur des systèmes très pâturants dans le Cantal”, répondent les experts, avant d’avancer d’autres pistes nécessitant des investissements plus coûteux : couvrir sa fosse, s’équiper de matériel d’épandage plus performant (rampe à pendillards...), etc. Finalement, les postes fertilisation minérale, alimentation achetée et énergie consommée ne représentent cumulés que 10 à 30 % des GES émis.

30 % de CO2 émis recapté

Voilà pour les émissions, quid du stockage ? En la matière, l’agriculture cantalienne pourrait pousser un franc cocorico : “En termes de compensation, on a de très bons résultats liés à la nature herbagère de nos élevages, affiche Sarah Lamsaif. Même si on ne compense pas 100 % des émissions mais un tiers, l’élevage est le seul secteur qui stocke du carbone grâce aux prairies(1), aux haies...” Un message que la Chambre d’agriculture entend promouvoir tant auprès de la profession avec l’élaboration en cours de fiches références qu’auprès du grand public. 
Au terme de ce diagnostic initial et du plan d’actions proposées dont l’impact environnemental est simulé, les agriculteurs accompagnés ont le choix : décliner, ou pas, les mesures préconisées, et aller plus loin en bénéficiant d’un suivi et en valorisant les efforts réalisés. Soit en souscrivant la MAEC(2) forfaitaire régionale “Transition bas carbone”, soit en décidant de vendre des crédits carbone.

Des tonnes en moins, des euros en plus

La MAEC fixe un objectif de résultats dans les cinq ans pour prétendre à une aide plafonnée à 18 000 € : réduire de 15 % ses émissions de GES sur l’ensemble de l’exploitation en enregistrant ses pratiques. La vente de crédit carbone est une démarche plus souple qui consiste à faire rémunérer chaque tonne de CO2 “économisée” au terme d’une période de cinq ans, sur la base d’un diagnostic final et à hauteur de 32 € (cours actuel du crédit carbone). Un organisme tiers se charge de vendre ce carbone économisé à des entreprises souhaitant compenser une partie de leurs émissions. Une cinquantaine d’exploitations, accompagnées par la Chambre d’agriculture, se sont engagées dans ce label bas carbone, dont les premières en 2020. “Selon l’exploitation, les projets engagés... le gain peut être très faible comme très élevé, indique Vladimir Segard. Les gains prévisionnels que nous avons simulés sur les 52 exploitations engagées s’élèvent en moyenne à 314 t CO2 par ferme, soit environ 10 000 €/exploitation.” Sans qu’il y ait d’investissements coûteux nécessaires : “Dans 95 % des cas, on est sur de l’optimisation”, souligne le conseiller.
À noter enfin, une nouvelle mesure “bon carbone” devrait être lancée prochainement par le ministère de l’Agriculture en lien avec l’Ademe afin de prendre en charge des accompagnements complets d’exploitation sur le changement climatique. Comme pour les aides régionales, l’enveloppe étant limitée, c’est le principe “premiers arrivés premiers servis” qui prévaudra.

(1) Un hectare de prairies capte 570 kg de carbone chaque année.
(2) Mesure agroenvironnementale et climatique.

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