Elevage
"L'élevage de ruminants peut et doit trouver sa place"
Dans le cadre du week-end autour des finales du Championnat de France de Rugby des lycées agricoles, des ateliers de
réflexions et une conférence se sont intéressés à l'avenir de l'élevage.
Dans le cadre du week-end autour des finales du Championnat de France de Rugby des lycées agricoles, des ateliers de
réflexions et une conférence se sont intéressés à l'avenir de l'élevage.
Ce week-end à Brioude, deux mondes se sont rencontrés, deux mondes avec des valeurs affirmées autour du collectif, de la solidarité, de l'engagement et de la performance, le monde de l'élevage et celui du ballon oval ; un rapprochement que l'on retrouve au sein du projet "Génération Terre de XV"(1). À l'occasion des finales du Championnat de France de rugby des lycées agricoles qui se sont déroulées sur le terrain du SCB club de Brioude, et des nombreuses animations qui ont ponctué ces 3 journées au Lycée agricole de Bonnefont, sport et agriculture se sont partagés la vedette.
Jeudi, l'élevage était au centre de la journée avec des ateliers de réflexion qui ont réuni plus de 60 participants, jeunes étudiants et professionnels agricoles, suivis d'une conférence-débat sur le thème "L'élevage a de l'avenir" co-organisée par le Lycée de Bonnefont, Interbev et la CNE (Conférence nationale de l'élevage).
Réflexions en ateliers de travail
Jean-François Besson directeur du Lycée se félicitait de ce "travail collectif" et du "plaisir partagé" dans l'organisation de ces journées, entre les équipes du Lycée, d'interbev et de la CNE, avec le soutien d'une centaine de partenaires et de plus de 100 bénévoles.
Animé par Thierry Rapin directeur du CNE, la conférence a débuté par l'intervention de Bruno Dufayet président de la CNE pendant 6 ans ; il a dressé un portrait plutôt positif de l'élevage tel que pratiqué sur nos secteurs de moyenne montagne avec des systèmes basés sur l'herbe. Pour lui, "oui, l'élevage a de l'avenir" et ce malgré une baisse du nombre d'éleveurs à échéance de 10 ans et les nombreux enjeux sociétaux. "L'élevage de ruminants peut et doit trouver sa place" lance-t-il, s'appuyant sur plusieurs éléments : "On a su préserver notre système herbager à taille humaine, on continue à manger de la viande, on bénéficie d'organisations professionnelles qui nous permettent d'évoluer…". Néanmoins, il insiste sur la nécessité pour les éleveurs et en particulier les jeunes et futurs éleveurs, d'une "définition très claire du modèle d'élevage que l'on veut". Et de souligner l'importance pour l'agriculture de communiquer autour de ses métiers, et de ses pratiques et de s'engager dans "une vraie réflexion territoriale autour de l'agriculture et de l'élevage qui ont un rôle de façonneurs de territoires".
"… bien plus que simplement la production d’aliment"
Jean-Louis Peyraud, Scientifique à l'INRAe a confirmé les propos de Bruno Dufayet en affirmant que "l'élevage de ruminants est un acteur majeur pour la durabilité du système alimentaire", thème de son exposé(2). D'entrée il replace l'élevage dans les systèmes alimentaires en énumérant ses rôles : il "recycle les biomasses non consommables, produit des engrais organiques naturels, facilite la diversification des rotations et produit des services écosystémiques" et ceci avec pour base le sol. Et de rappeler que "50 à 95% des protéines utilisées en élevage ne sont pas consommables par l’homme", que la prairie (indissociable de l'élevage) est "un hot spot de biodiversité", qu'il est possible de "réduire l’intensité des émissions de GES (gaz à effet de serre)" un des principaux reproches fait à l'élevage par ses détracteurs, affirmant même qu'"Il serait dangereux de baisser les émissions de GES par la seule réduction des troupeaux"… Pour ce scientifique, il est clair que l'élevage a de l'avenir car "l’élevage c’est bien plus que simplement la production d’aliment'.
Les propos de Jean-Louis Peyraud en tête, il revenait aux 4 rapporteurs des ateliers de réflexions (Christine Vazeille éleveuse de bovins lait à St-Just-près-Brioude, Gérard Chantel éleveur en bovins lait bio à Vielle-Brioude, Emmanuel Coste ancien éleveur d'ovins aux Vilettes, et Cécile Ducoulombier-Salson éleveuse de bovins viande sur le Plateau de l'Aubrac) de résumer les travaux de l'après-midi. L'élevage pour tous, l'élevage acteur essentiel de l'environnement, l'élevage français un modèle à valoriser, l'éleveur bien dans son temps, étaient les thèmes débattus lors de ces ateliers.
Une vraie feuille de route
Ces temps de réflexion dans lesquels les jeunes se sont particulièrement impliqués ont fait ressortir les points forts de l'élevage et les points de vigilance pour chacune des thématiques et quelques pistes d'améliorations. Ce travail n'était pas un simple exercice, "c'est une vraie feuille de route pour les professionnels et les politiques" comme l'a souligné Patrick Bénézit président de la FNB (Fédération nationale bovine). En effet, ces ateliers ont permis de mettre en avant "énormément d'atouts" de notre élevage, c'est à dire un élevage type Massif Central dont l'alimentation est basée sur l'herbe. Mais il pointe aussi de nombreux leviers à actionner pour pérenniser ce modèle : mieux et plus utiliser les technologies dont on dispose déjà sur nos exploitations, s'appuyer sur les organisations professionnelles au service de l'élevage, communiquer et positiver sur ce métier passion et sur les produits issus de nos fermes.
"Il faut continuer à se battre"
Pour Jérémy Decerle, député européen, présent par visio à cette conférence, "l'élevage français, et en particulier le modèle herbager, n'a pas une mauvaise image à Bruxelles. Mais il faudrait que ceux qui tiennent le crayon pour écrire les textes, viennent faire un tour dans le Massif-central pour éviter d'avoir des réglementations à côté de la plaque". Son message est clair, "il faut continuer à se battre", et pour cela, il s'est adressé aux jeunes qui réfléchissent à entrer dans ce métier : "c'est à nous responsables de vous donner le goût et de redonner de l'attractivité dans nos territoires…". Et d'ajouter : "aidez-nous à pousser les choses en étant exigeants dans les demandes".
Le mot de la fin revenait au Grand témoin, Jean-Luc Chauvel ancien élève de Bonnefont, enseignant, éleveur et responsable professionnel aux multiples casquettes, joueur de rugby. Après avoir repris les conclusions des travaux, il faisait un parallèle avec le monde de l'ovalie à travers quelques citations qui s'appliquent aussi au monde agricole. Au hasard, reprenons les mots de Fabien Galthié : "le rugby c'est un combat, si tu lâches, tu ramasses". Pour Jean-Luc Chauvel, l'agriculture est aussi un combat, et les adversaires sont nom-
breux : aléas climatiques, problèmes sanitaires, contraintes administratives… et il ne faut rien lâcher. Et enfin pour insister sur le collectif et la solidarité, citons Jean-Pierre Rives (Joueur de Rugby à XV) qui disait :" le rugby, c'est l'histoire d'un ballon avec des copains autour. Quand il n'y a plus de ballon, il reste les copains".
(1) Le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, la Fédération Française de Rugby, l’Amicale du Tournoi des VI Nations et INTERBEV ont décidé de porter ensemble le projet « GENERATION TERRE DE XV, le trophée des lycées agricoles » qui a pour ambition de réunir les valeurs communes du sport et du monde agricole, comme la coopération, le respect d’autrui et le goût de l’effort.
(2) Nous reviendrons dans un prochain numéro de la Haute-Loire Paysanne sur l'exposé de Jean Louis Peyraud.