Conférence
« L’élargissement a changé la physionomie de l’Europe »
A quoi ressemble l’Europe aujourd’hui, d’où vient-elle et où se dirige-t-elle ? Voilà en substance les questions sur lesquelles les agriculteurs ont débattu au cours d’une conférence- débat .
«On s’éloigne de plus en plus de l’Europe et on va vers une vaste zone de libre échange » Voilà résumée en une phrase le coeur de l’intervention de Michel Deyra, Maître de conférence à l’Université de Clermont-Ferrand(1), spécialiste des questions européennes. Il intervenait, le 3 novembre dernier, dans une des trois conférences-débat organisées conjointement par l’Udsea, les Jeunes Agriculteurs et les organisations professionnelles départementales. A ses côtés, Thierry Boulleau, ingénieur du Sidam(2) s’attachait à remémorer la genèse et les principes de la PAC et à en esquisser les perspectives.
De par leurs interventions respectives, l’Europe prenait ce jour-là un tout autre visage, celui d’une Europe qui a une histoire mais pas de géographie ; « une histoire constituée de 20 siècles de guerre entre une cinquantaine de petits états et de 5 milliards de morts… Politiquement, on comprend alors que l’Europe soit si difficile à faire ! » lançait Michel Deyra. Et cette construction est d’autant plus complexe que l’UE n’a pas de personnalité juridique et qu’elle repose sur trois piliers, dont deux relèvent de décisions à l’unanimité (politique étrangère et coopération judiciaire et policière). Une situation qui complexifie la gestion et le fonctionnement de l’Union, élargie aujourd’hui à 25 et à 27 dès 2007.
Pour le professeur Deyra, « cet élargissement a transformé la physionomie de l’Europe qui, pour autant, continue de fonctionner comme si rien ne s’était passé ! » Mettant à l’index le Traité de Nice « le pire des traités !», il souligne que la France est la grande perdante en terme de poids politique, au détriment de pays comme l’Espagne et la Pologne qui, pourtant, étaient hostiles au Traité. « Aujourd’hui, l’Europe est à plusieurs vitesses avec différents niveaux d’intégration. Faut-il aller vers une Europe à géométrie variable ? Faut-il refaire l’Europe des six, voire des 15 ? puisqu’au delà cela devient ingérable !… ». Sans langue de bois et non sans ironie, l’universitaire ajoute « au point où nous en sommes, élargissons au maximum ! ».
Si l’Europe est en panne, Michel Deyra reconnaît toutefois qu’elle a été « une réussite pour l’agriculture française qui aujourd’hui doit se donner les moyens d’être présente à Bruxelles et d’influencer les décisions. Il faut faire du lobbying !» Une position partagée par Thierry Boulleau : « les agriculteurs pèsent encore énormément en terme de poids de lobbying même s’ils ne pèsent plus en nombre ». L’ingénieur du Sidam explique par ailleurs que depuis son entrée dans l’OMC, la PAC a changé fondamentalement : baisse des prix, découplage des soutiens, émergence du 2ème pilier, baisse du potentiel de production de l’Europe, vision anglo saxonne et très comptable de la PAC… de quoi inquiéter l’agriculture européenne qui, parallèlement, subit les conséquences budgétaires des élargissements successifs. Une situation qui, à plus petite échelle, doit inciter le Massif central à initier des stratégies réelles de développement au risque, sinon, de devenir une région pauvre dans un pays riche.
(1)- Michel Deyra est aussi directeur de l’Institut politique et l’administration (IPAG) de l’Université d’Auvergne
(2)- Service interdépartemental pour l’animation du Massif central.
Rendez-vous
3ème conférence-débat “AGIR” ensemble
Jeudi 14 décembre de 9 h 30 à 14 h
Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme (amphi Michel Debatisse)
“Quel avenir voulons-nous nous construire ?”
avec la participation d’un sociologue, de Pierre Pagesse et Bruno Chaput.