Le prix, toujours le prix, encore le prix
S’ils reconnaissent que le problème de retour de valeur à la production est clairement mis sur la table et sans tabou par les Etats généraux de l’alimentation, les professionnels de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes attendent surtout un déclic législatif pour modifier les règles du jeu.
« Pendant des années, nous les agriculteurs, avons eu droit au discours de compassion, tandis que les autres ont eu la loi pour eux, avec des possibilités démesurées de promotions, des pratiques plus que douteuses…». Eleveur dans le Cantal, président de la FRSEA Massif central et secrétaire général adjoint de la FNSEA, Patrick Bénézit estime qu’il est plus que temps de siffler la fin d’une partie où producteurs se retrouvaient malheureusement toujours perdants. « Pour 100 euros de valeurs alimentaires, seulement 6,20 reviennent à l’agriculture. Nous sommes arrivés au bout de ce dogme du prix toujours plus bas », souligne Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Dans ce contexte de bras de fer entre amont et aval de l’agroalimentaire, la mise en place des Etats généraux de l’alimentation constitue, pour les professionnels, une initiative salutaire. « Enfin la problématique de retour de valeur à la production est posée franchement et sans tabou », se félicite Jérôme Volle, viticulteur, producteur de lavande en Ardèche et vice-président de la FNSEA. Si l’espoir généré par les Etats généraux est réel, il n’en demeure pas moins que les professionnels ne baisseront pas la garde sur le sujet essentiel du prix. « Si demain, nous ne retrouvons pas du prix pour nos produits, nous n’installerons plus », témoigne Nicolas Merle, président des JA Auvergne-Rhône-Alpes.
Revoir le droit de la concurrence
La reconquête du prix passe par trois mesures essentielles, que les représentants de la FRSEA Aura ne manqueront pas de défendre le 6 septembre prochain dans le cadre de la première rencontre régionale des Etats Généraux, organisée à Lyon. « D’abord, il s’agit de faire évoluer la loi de modernisation de l’économie pour garantir des relations commerciales plus équilibrées qu’elles ne le sont actuellement ; ensuite la référence aux coûts de production dans l’ensemble des contrats doit devenir la règle ; enfin l’assouplissement du droit de la concurrence doit absolument être mis en œuvre ». Ce dernier objectif nécessite évidemment des adaptations à l’échelle française et européenne, mais c’est un aspect déterminant, comme le rappelle Patrick Bénézit : « A l’origine, le Traité de Rome, prévoyait une exception agricole. Elle nous a été retirée au moment où les prix étaient protégés. Dans la mesure où le politique a lâché toutes les protections de marché, il nous apparaîtrait logique que cette exception nous soit rendue ».
Fin octobre : un discours présidentiel attendu
Alors que le premier chantier des Etats généraux portant sur la création et la répartition de la valeur a démarré fin août, et que le second dédié à l’alimentation saine, sûre et durable devrait démarrer en octobre, les professionnels auvergnats rhônalpins préviennent : « Nous sommes prêt à écrire la seconde partie du chapitre, à condition que le premier chapitre soit satisfaisant dans l’intérêt des agriculteurs ». Un discours du Président de la République est attendu pour la fin octobre. Autant dire « que nous serons très attentifs à ces annonces », souligne Michel Joux.
Sophie Chatenet
Ceux qui gagnent sur le dos de ceux qui perdent
Les chiffres rendus par l’observatoire des prix et des marges sont sans appel : entre 2015 et 2016, 500.000 millions d’euros supplémentaires ont été prélevés aux consommateurs au rayon alimentation. Dans le même temps, les agriculteurs ont enregistré une perte globale d’1 milliard d’euros. Cet écart abyssal n’est plus tenable à l’heure où « les défaillances d’exploitation se multiplient, y compris chez les bons ».