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Le corps diplomatique de la dégustation

À la viande charolaise, il fallait bien une ambassade. Depuis près de quarante ans, celle-ci défend le fruit du travail des éleveurs de la race, sublimé dans les assiettes du monde entier. Monique Mathieu préside ce « corps diplomatique » bien particulier et dont le rôle se trouve renforcé face aux discours parfois très critiques liés à l’élevage.

© aaDR

Face aux grandes baies vitrées de sa maison de Saint-Vincent Bragny, en Saône-et-Loire, l’ancienne exploitation de Monique Mathieu, aujourd’hui reprise par son fils, trône en haut d’une colline. Les bovins charolais sont partout autour de nous, paissant dans les prés, au cœur d’un paysage de bocage. On est ici chez madame la présidente de l’Ambassade du Charolais. Ce mandat, elle l’assume depuis le décès de Bernard Martin, survenu en mars 2017. Elle même a rejoint l’association en 2004. Son vice président, Daniel Rizet, lui même éleveur dans le village voisin d’Oudry, en est membre depuis 2012. Pour Monique Mathieu, qui avait déjà eu des responsabilités professionnelles (présidente de centre de gestion, membre fondatrice de l’AOC Boeuf de Charolles, notamment), rejoindre l’Ambassade était un peu dans la nature des choses.

Plaisir et convivialité
L’Ambassade du Charolais, c’est une confrérie qui travaille à la promotion d’un produit et qui réclame un investissement personnel important. Elle intervient sur de nombreux évènements en répondant à des sollicitations très diverses. Evidemment, comme pour tout ce qui est lié à l’événementiel, 2020 aura été pour l’Ambassade une « année blanche », tous les évènements prévus ayant été annulés en raison de la Covid. Elle était tout de même présente au Salon de l’Agriculture, où la race charolaise était justement mise à l’honneur, l’hiver dernier. Le « corps diplomatique » du charolais est d’abord vecteur de plaisir et de convivialité et, en année normale, ses membres, vêtus de grandes blouses portées dans les foires aux bestiaux, arborant chapeaux, coiffes, mouchoir à carreaux autour du cou et médailles, sont présents lors de manifestations agricoles ou plus largement, rurales. Chaque années, ils participent à plus d’une trentaine d’évènements. On les croise parfois dans des entreprises désireuses de donner un relief particulier à des moments festifs en interne. Quelles que soient les circonstances, le « passeport diplomatique » que la confrérie utilise dans ces circonstances est toujours le même : une dégustation de viande qui permet d’entamer le dialogue avec les participants, et ainsi de faire mieux connaître ce produit agricole, ses particularités, ses subtilités, ses variantes, la manière dont il est produit... C’est aussi souvent l’occasion de remettre quelques pendules à l’heure face à des discours sur l’élevage non dénués de préjugés, voire d’âneries. « On profite de ces occasions, précise Daniel Rizet, pour communiquer, et c’est particulièrement important aujourd’hui, compte tenu des attaques et des mauvais procès régulièrement menés contre l’agriculture en général et l’élevage en particulier. On doit être un contrepoids à ces discours. On peut accepter les critiques, mais pas lorsqu’elles sont malveillantes vis-à-vis de la profession d’éleveur... »

La dégustation : une porte ouverte sur le dialogue
À l’Ambassade, on ne perd pas de vue que la dimension conviviale qui accompagne ses interventions est aussi un excellent moyen d’aborder ces sujets de manière plus facile, dans un climat moins passionnel. Le dialogue s’en trouve facilité. «  Au début de l’Ambassade, souligne Monique Mathieu, il n’y avait pas les dégustations. C’est à partir de la crise de la vache folle, dans les années 90, qu’elles se sont développées. Plus personne ne voulait manger de viande ! J’ai encore le souvenir de l’effondrement du marché à l’époque, alors que mon fils venait de s’installer. Nous nous sommes mis à faire déguster et, ainsi, nous avons contribuer à faire revenir les gens à plus de raison. » Confrontée à des crises qui n’ont pas manqué depuis une vingtaine d’années, l’Ambassade du Charolais a pu affuter son discours dans le but de défendre un produit et les métiers qui en dépendent. L’obtention de l’AOC Boeuf de Charolles aura aussi servi de moteur à l’association pour multiplier les actions de dégustation et prouver la typicité de cette viande, en développant tout un vocabulaire pour la définir. L’action diplomatique repose aussi en grande partie sur les mots qu’on utilise... « On a beaucoup réfléchi entre nous, poursuit Monique Mathieu, à ce que nous devions dire et nous devons encore approfondir notre réflexion sur ces questions. » De manière globale, remarquent les deux membres de l’Ambassade, il y a une vraie curiosité qui s’exprime à l’occasion des manifestations de l’Ambassade, mais les attitudes hostiles demeurent très rares. « Nous avons un rôle important, souligne Daniel Rizet. Toutes les races à viandes disposent d’outils de promotion. On se doit d’en être un nous aussi, on ne comprendrait pas que le charolais n’en dispose pas et nous sommes à la disposition de tous les signes de qualité qui travaillent avec le charolais. Nous communiquons, nous sommes présents, nous montrons que le charolais, c’est autre chose que la viande... sans viande ! »

Porteurs d’un message
Au sein de  l’Ambassade, on considère que l’on doit être porteur d’un message fondamental à opposer aux détracteurs de l’élevage : ce dernier est le garant du maintien et de l’entretien de paysages entiers. « Les bovins, rappelle Monique Mathieu, transforment l’herbe en protéines nobles. Ils accomplissent au quotidien un petit miracle. Je n’arrive pas à comprendre que certains veuillent les supprimer... On est sur des fondamentaux que certains, dans notre société, ne veulent plus connaître. » « Finalement, ajoute Daniel Rizet, manger de la viande, c’est être végétarien : vous mangez l’herbe que la vache a transformée. » En 2018, l’Ambassade a eu la chance de bénéficier du soutien du chroniqueur gastronomique Périco Légasse, qui a fait jouer son réseau, permettant une présentation de la viande sous signes de qualité à la fédération des bouchers parisiens. Depuis, un flux commercial régulier semble se développer sur ce canal.
« Ces bouchers nous ont dit que c’était la première fois que des charolais venaient leur présenter de la viande, ça prouve qu’on a des progrès à faire en matière de communication, surtout auprès des petits commerçants » conclut Daniel Rizet. Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Sans prétendre révolutionner à eux seuls l’image de la viande charolaise, les membres de l’Ambassade considèrent qu’ils participent à l’entretien d’une flamme. L’action diplomatique est souvent affaire de discrétion, de travail de longue haleine, associé à de la persévérance et de l’humilité, mais, à la fin, c’est pour gagner !


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