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« Le collectif agricole français est un atout »

Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, revient sur l’actualité qui bouscule le milieu agricole.

© G. Perrin/La Marne Agricole

Suite aux actions syndicales de ces derniers mois, quel est aujourd’hui le contexte agricole ?
Plus de prix, moins de charges et moins de normes sont nos revendications et elles sont encore d’actualité.
Sur le prix d’abord : aucune production (hormis la viticulture) n’a été épargnée par l’effondrement des prix, y compris les céréaliculteurs. Aujourd’hui le prix se construit à la force du poignet avec la grande distribution qui joue sur le fait que le pays est en crise et qu’il faut donc offrir des prix bas à la consommation… Par ailleurs, nous sommes confrontés à une baisse de la consommation de viande en France notamment chez les jeunes à qui les détracteurs de la viande font peur en proposant de multiples caméras cachées et vidéos trash sur les réseaux sociaux. La consommation de viande devient même un sujet politique porté par diverses personnalités.
Sur les charges : c’est évident, elles sont trop importantes en France et grèvent la compétitivité des exploitations. La baisse annoncée de 7 % des cotisations sociales pour tous les agriculteurs, de 650 à 700 millions d’euros par an est une bonne chose ; nous l’avons obtenue sous la pression de la mobilisation. Cette mesure n’a pas d’impact sur les retraites des agriculteurs, mais à terme la question de la pérennité de son financement va bien sûr se poser.
Sur les normes enfin : leur sur transposition est insupportable. Il n’y a aucune cohésion entre les ministères qui imposent chacun leurs propres normes sans concertation avec le ministère voisin. Nous avons fait valoir cette incohérence le 25 juin 2015. Le 3 septembre 2015, Manuel Valls a acté la constitution d’un comité de simplification des normes avec des représentants agricoles et sans les ONG ! Car eux sont dans le dire et nous, nous sommes dans le faire ! Le comité doit se réunir prochainement ; nous pointerons alors les incohérences pour mieux les détricoter.

Quelles sont les relations avec la grande distribution ?
Nous sommes dans une partie de poker-menteur ! Je me méfie de la grande distribution. Les représentants des enseignes font de beaux discours devant les médias, au Salon de l’agriculture, alors que dans les box de négociations, les actes ne suivent pas, sous prétexte de crise. Entre octobre et aujourd’hui, l’ANIA a identifié pas moins de 337 pratiques abusives de la Grande distribution, c’est inadmissible.

« Obtenir l’étiquetage obligatoire de l’origine des viandes »

Que proposez-vous comme solution ?
Nous devons nous mettre autour de la table et travailler avec la grande distribution sur des contrats tripartites (producteur-transformateur-distributeur) reposant sur des indicateurs de prix de production. Nous devons également renforcer nos actions sur l’étiquetage obligatoire de l’origine des viandes des produits transformés. Sur ce point, nous avons échoué en 2015 auprès de la Commission européenne. Mais nous sommes repartis à la charge cette fois-ci avec les associations de consommateurs UFC que choisir et l’Association des familles Rurales à travers le lancement d’une pétition en ligne ouverte à tous pour un étiquetage obligatoire de l’origine des viandes.

Sur le marché de Rungis des viandes continuent d’entrer en masse à des niveaux de prix très bas… ne faudrait-il pas fermer nos frontières ?
C’est vrai, aujourd’hui une épaule de porc désossée espagnole arrive à 15 %-20 % moins cher qu’une épaule avec os française. C’est la réalité ! Mais on ne peut pas raisonner à frontières fermées car on exporte aussi nos produits. Le « y’a qu’à fermer nos frontières » n’est pas une solution sérieuse ! Je le redis, la réponse se trouve dans l’étiquetage des produits transformés pour que le citoyen puisse choisir des produits français en connaissance de cause !

La Commission européenne mesure-t-elle l’ampleur de la crise agricole ?
Non, du moins pas jusqu’à maintenant. Il faut dire que notre ministre de tutelle, Stéphane le Foll n’a pas été très présent au niveau de l’UE en ne participant qu’à 6 conseils sur 10… Résultat : la France est isolée dans ses revendications alors que l’ensemble de l’Europe est confronté à la crise à des niveaux, certes, différents. La commission laisse penser qu’un autre modèle d’agriculture est possible, mais lequel ? Au pays des 400 fromages il n’y a pas 1 modèle mais 1 000 ; et ce, dans toutes les productions. Par rapport à nos voisins européens, la production porcine est restée trop sage en France. Nous avons régressé alors que l’Allemagne et l’Espagne ont augmenté leurs productions mais avec des organisations différentes et un modèle qui tient sur des coûts très bas. C’est la même chose en lait : d’autres pays comme l’Irlande ou la Belgique ont fait le choix de foncer pendant qu’en France la production est restée limitée par les contrats après les quotas.

Faire du lobbying intelligent

Comment les agriculteurs peuvent être compétitifs si on leur supprime les artifices pour produire, notamment les pesticides ?
C’est un sujet compliqué en France. Et les pesticides sont sur la sellette pour un bon moment. Les pétitions courent dans tous les sens ; tout est fait et dit pour empêcher les agriculteurs d’utiliser les produits de traitement et de gestion des plantes. Prenez l’exemple de la loi en préparation sur l’interdiction d’épandre dans les 200 m autour d’une maison d’habitation, si cette loi passe en l’état, c’est 33 % de la SAU qui disparaît dans le Maine-et-Loire !
Pour éviter cela, nous devons faire du lobbying intelligent pour expliquer que nos techniques et nos conduites ont changé ; que les produits utilisés aujourd’hui sont différents de ceux il y a 10 ou 15 ans. Nous devons également mener un vrai travail sur les bonnes pratiques phytos.
Les médias sont très souvent à charge contre l’agriculture, comment changer les choses ?
On n’est pas bon en communication alors que nos détracteurs, eux, savent utiliser tous les moyens, y compris les réseaux sociaux, pour massacrer l’agriculture et les agriculteurs. Pour y remédier, la FNSEA et 22 organisations ont créé la plate-forme « #agridemain » pour définir ensemble les cibles et les messages à véhiculer auprès de nos concitoyens. Les meilleurs ambassadeurs de l’agriculture sont les agriculteurs eux-mêmes. Nous allons donc recenser les exploitants volontaires qui voudront parler du métier aux différents médias.

Êtes-vous optimiste pour l’agriculture de demain ?
Nous avons un cap difficile à passer dans un contexte d’économie mondiale qui bouge. Mais je crois en l’avenir car en agriculture on sait tenir plus longtemps. Des dispositifs nous accompagnent, nous avons le syndicalisme, des coopératives et des organisations professionnelles avec nous. Nous avons un collectif agricole français qui est un atout par rapport à d’autres pays. En revanche, nous souffrons de normes et de charges inacceptables par rapport à d’autres. Aujourd’hui nous bénéficions de taux bas qui doivent nous inciter à investir, c’est le moment d’y croire. Le métier est loin d’être foutu mais attention à ne pas entretenir un message négatif vis-à-vis de la jeune génération !

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