L'avenir de l'agrivoltaïsme se dessine à Laqueuille dans le Puy-de-Dôme, avec le projet de haies solaires Camélia
Les premiers résultats du projet Camélia, haie solaire verticale, conduit à Laqueuille par l'Inrae et Engie Green montrent l'adaptabilité du système aux pratiques d'élevages tout en assurant une production électrique répondant aux enjeux du solaire français.
Les premiers résultats du projet Camélia, haie solaire verticale, conduit à Laqueuille par l'Inrae et Engie Green montrent l'adaptabilité du système aux pratiques d'élevages tout en assurant une production électrique répondant aux enjeux du solaire français.

Depuis fin 2022, Engie Green (filiale d’Engie) a mis en place un démonstrateur agrivoltaïque vertical baptisé Camelia, dans le Puy-de-Dôme. Il est implanté sur une parcelle (1 000 m d'altitude) appartenant à l'Inrae au sein de l'Unité Expérimentale « Herbipôle » sur la commune de Laqueuille, sous la responsabilité scientifique de l'Unité Mixte de Recherche sur l'Ecosystème Prairial (UREP).
Globalement les animaux pâturent partout. Ils prospectent l'ensemble du dispositif. » Catherine Picon-Cochard, directrice de recherche à l'INRAe
Ces haies solaires sont constituées de 252 panneaux photovoltaïques bifaciaux, installés sur pieux battus, et associés à 50 capteurs de suivi. L'ancrage est simple et réversible et l'emprise au sol se veut réduite afin de tester de nouveaux modes de production mais aussi d'usages autour des énergies renouvelables.

Trois ans plus tard, les premiers résultats de cette expérimentation grandeur nature se dévoilent. D'un point de vue agronomique, les panneaux verticaux semblent n'avoir aucun effet majeur sur l'environnement prairial, ni sur le comportement des animaux.
Du côté électrique, Engie Green enregistre une baisse annuelle de 5% de la production, par rapport à des panneaux solaires classiques. La filiale observe toutefois une production journalière à deux cloches contraire à la courbe de l'énergie solaire en France.
Le comportement des bovins dans la haie solaire Camélia, similaire à un troupeau normal
Le suivi agronomique de la haie solaire Camélia a débuté en 2023. L'objectif pour Catherine Picon-Cochard, directrice de recherche à l'INRAe était d'observer les impacts de l’équipement dans la parcelle.
Depuis 2023, des génisses laitières évoluent ainsi au milieu des panneaux photovoltaïques. Rapidement, l’équipe de l’institut de recherche a constaté que le design de l’équipement n’était pas adapté à la présence des bovins.
"On craignait qu’ils se frottent contre les panneaux et qu’ils arrachent les fils. »
Leur comportement a été comparé à celui d’un troupeau voisin, sur un cycle de rotation de pâturage similaire.
À partir de cette année, nous mesurons aussi la température interne des animaux pour savoir s’ils ont plus chaud et plus soif sous les panneaux. »
Les premiers résultats montrent une activité similaire entre les deux troupeaux. Les bovins n’évitent pas les panneaux et au contraire, lors des journées froides, pluvieuses et/ou venteuses, ils les utilisent pour se protéger. En revanche, lors des jours chauds, ils passaient plus de temps sous les arbres.
Globalement les animaux pâturent partout. Ils prospectent l'ensemble du dispositif. »
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Microclimat, pousse de l'herbe, le projet agrivoltaïque Camélia n'a pas d'effets majeurs sur la prairie
Un protocole a également été mis en place pour suivre le microclimat (vent, lumière sur la prairie) de la parcelle Camélia afin de comparer la réponse de la prairie.
La vitesse du vent est divisée par deux mais la température de l'air reste similaire. Là encore, Catherine Picon-Chopard précise qu'il ne s’agit que de premiers résultats. « Il faut approfondir les analyses car le jeu de données est important. »
Sur les végétaux, le suivi de la biodiversité note des évolutions. Elles ne seraient toutefois pas une réponse à la présence des panneaux solaires mais plutôt au changement de pratiques agronomiques et notamment de fertilisation. « Nous testons la possibilité d'épandre de l'engrais et plus largement d'employer du matériel entre les panneaux. » Quant à la production de biomasse, la présence de la haie solaire ne semble pas avoir d'effet.
Les haies solaires Camélia pourraient in fine résoudre les problématiques d'intermittences de production du solaire français
L'électricité solaire s'est largement déployée en France ces dernières années. Le parc photovoltaïque est constitué en quasi-totalité de panneaux horizontaux, orientés plein sud.
Ces équipements produisent de l'énergie en continu sur la journée, avec un pic lorsque le soleil est à son zénith, entre midi et 14 heures. « Des heures où les besoins des ménages ne sont pas les plus importants » détaille Aline Chapulliot de Engie Green. Les haies solaires biface, comme celles de Laqueuille, ont l'avantage d'avoir un pic de production d'électricité le matin au soleil levant, puis l'après-midi au soleil couchant avec un creux lorsque l'astre est à son zénith.
L'expérimentation de Laqueuille confirme cette configuration recherchée par Engie Green à travers ce projet. Le groupe industriel français ambitionne de participer à la mixité énergétique et in fine, de lisser la courbe de production d'énergie solaire à l'échelle nationale. Les intermittences de production souvent reprochées aujourd'hui au photovoltaïque, pourraient disparaître. De plus, cette production électrique en deux temps, répondrait davantage aux habitudes des ménages.
La courbe de consommation est elle aussi à deux cloches : un pic de consommation le matin et le soir après un creux en milieu de journée. »
La commercialisation des haies solaires Camélia a commencé auprès des agriculteurs
Au-delà de la compatibilité avec l'agriculture, c'est avant tout un nouveau profil de production que recherche Engie Green. Comparé à des panneaux solaires classiques, le projet Camélia enregistre sur une année 5% d'électricité produite en moins.
Si nous arrivons à insérer ce dispositif dans une exploitation agricole, sans impact sur ses pratiques et son environnement, et qu'en plus cela crée un profil de production original, avec du sens, le cumul des deux vaut bien 5 % de production en moins sur une année » appuie Aline Chapulliot.
L'expérimentation de Laqueuille est prolongée jusqu'en 2028 afin de pousser les tests agronomiques et électriques. Un second site est en cours de construction dans les Deux-Sèvres.
Camélia est le premier prototype. Il nous a permis d'améliorer le matériel : moins d'acier, poteaux plus petits, plus performants... »
Engie Green a d'ores et déjà débuté la commercialisation de ses haies solaires auprès des agriculteurs notamment en Occitanie, Nouvelle-Aquitaine ou encore en Centre-Val-de-Loire.
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