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Lait, viande : des marchés à la loupe

A-t-on touché le creux de la vague en lait ? Faut-il redouter une campagne chaotique pour les broutards ? Comment évolue le coût des intrants ? L’analyse de la Chambre d’agriculture.

Évolution du prix du lait (livré) dans le Cantal entre janvier 2006 et avril 2016. Source Agreste.
Évolution du prix du lait (livré) dans le Cantal entre janvier 2006 et avril 2016. Source Agreste.
© L'Union du Cantal

C’est un éclairage particulièrement instructif qu’apporte à chaque session de la Chambre d’agriculture Patrick Chazal, responsable du service Développement, sur l’évolution des marchés des intrants et produits agricoles avec des touches de perspectives, malgré la difficulté de cet exercice prospectif.  Côté intrants et donc charges pour les élevages, les cours sont plutôt favorables à cette heure aux agriculteurs avec un prix de l’énergie et des lubrifiants parfaitement calqué sur celui du pétrole, tendanciellement à la baisse depuis 2014. Néanmoins, le redressement du prix du baril constaté ces derniers mois va-t-il se poursuivre et impacter ce marché ? La question reste en suspens. Les cours des engrais et amendements, indexés sur cette même matière première pétrolière, sont en repli sensible depuis janvier. En revanche, l’aliment bovin ne profite pas pour l’heure de la chute drastique de ces composants, à savoir - 35 % en trois ans pour le blé (tendance qui ne devrait pas s’inverser au vu du pic de production historique de 2016 dans le monde, hormis en France), et une baisse brutale du prix du tourteau de soja amorcée en juin après l’annonce d’une production importante aux États-Unis.

Vers un redressement des marchés laitiers ?

Si ces sources de charges sont contenues, cela ne suffit pas à faire face à des prix des produits qui, eux, ont dégringolé pour les deux principales productions de l’élevage cantalien : lait et jeunes bovins. La crise laitière, largement médiatisée ces dernières semaines, dure maintenant depuis deux ans avec un prix du lait payé dans le Cantal qui a perdu un tiers de sa valeur entre août 2014 et avril 2016. Si la baisse en valeur absolue et relative est moins prononcée qu’en 2009, cette précédente crise ne s’était pas installée dans le temps, probablement grâce à l’effet de réajustement rapide d’une offre européenne contingentée par les quotas. L’examen du prix du lait dans l’UE depuis 2013 a permis à Patrick Chazal de constater que les producteurs français sont moins soumis à la volatilité des cours que leurs homologues européens : concrètement, les variations - à la baisse comme à la hausse - de prix sont ici atténuées. Autre remarque - et sans doute surprise pour les producteurs - issue de l’analyse sur un pas de temps plus long (2006-2016) du prix du lait dans le Cantal : tendanciellement, malgré les fluctuations et accidents, ce dernier progresse, tout comme d’ailleurs le niveau des cours mondiaux des produits industriels laitiers (beurre, poudre). D’ailleurs, une corrélation forte entre ces deux données (prix du lait dans le Cantal et cours mondiaux des PI) est flagrante en superposant les deux graphiques. Une connexion dont souhaiterait se départir le maillon production des filières AOP d’Auvergne via un prix du lait différencié. Quid de l’avenir sur le prix du lait ? A-t-on touché le creux de la vague qui lamine les producteurs ? Sans jouer les prophètes, l’intervenant relève plusieurs signaux intéressants : des enchères néo-zélandaises indexées à la hausse (+ 13 % mi-août, + 7,7 % début septembre), une consommation mondiale en croissance, le retour - provisoire ? - de la Chine sur le marché, et, côté production mondiale, un ralentissement sur la campagne en cours dans l’Hémisphère sud : - 4 % en Nouvelle-Zélande, Australie, - 4,1 % en avril 2016 (/avril 2015), mais aussi en Europe dont la production est en repli dans la moitié des États membres producteurs (Irlande, France...). Une tendance qui reste à confirmer d’autant que dans le même temps, d’autres ont laissé le frein sur l’accélérateur : Pays-Bas, Pologne, Allemagne. Néanmoins, selon Benoît Rouyer, économiste au Cniel, un changement de cycle semble bel et bien se dessiner et l’aide à la réduction volontaire de la production devrait permettre de réguler le marché. Ce dernier évoque clairement un raffermissement à venir du prix des produits laitiers dans les prochains mois.

Inquiétudes sur le broutard

Dans le secteur des bovins viande, la profession redoute d’être à la veille d’un marasme aussi sévère que celui de 2014. Les perspectives sur le prix des JB - en recul régulier - sont défavorables avec la menace d’un engorgement du marché de la viande par les sorties de laitières. Sur le maigre, si la campagne avait plutôt bien démarré, depuis l’été, les cours se sont dégradés et sont passés sous la moyenne des quatre dernières campagnes à pareille époque. L’absence d’ouverture de marchés pays tiers à l’export laisse craindre une pression des acheteurs transalpins. L’évolution du prix des mâles croisés (+ 350 kg, U+R) depuis 2012 montre néanmoins une stabilité des cours du maigre autour de 2,51 €/kg, avec des variations inter-campagnes bien moindres qu’au sein d’une même campagne.  Après une période chaotique, le secteur porcin perçoit en revanche une réelle embellie avec un cadran breton qui tangente enfin le 1,5 €. La réduction des capacités de production en Allemagne notamment, les effets de la peste porcine dans certains pays et un été favorable aux barbecues se conjuguent pour donner cette conjoncture positive. Si les prix se redressent également en agneaux, portés eux aussi par un été beau et chaud, les inquiétudes persistent avec des importations conséquentes, que pourrait venir encore booster la dévaluation de la livre sterling dans le sillage du Brexit.

 

 

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