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L’agriculture française brûle et l’État regarde ailleurs...

Ambiance lourde et moral en berne vendredi lors de la session de rentrée. Les responsables agricoles reprochant au gouvernement de lâcher son agriculture et son élevage.

Patrick Escure : un président qui n’accpete pas que le gouvernement “casse les outils collectifs de la profession”.
Patrick Escure : un président qui n’accpete pas que le gouvernement “casse les outils collectifs de la profession”.
© P. O.

Les images satellites d’une forêt amazonienne, poumon vert de la Planète en proie aux flammes, ont légitimement provoqué un émoi international allant jusqu’à s’inviter au G7 et à justifier la suspension par le président Macron de son engagement sur l’accord UE-Mercosur quitte à provoquer l’ire de Bolsonaro. Bien plus près de nous, en plein cœur du château d’eau supposé de la France, ce sont d’autres surfaces précieuses pour la lutte contre le changement climatique qui grillent dans une quasi indifférence générale. Les prairies du Massif central réduites en paillassons ? Pas de quoi en tout cas interrompre les vacances d’un ministre de l’Agriculture plus préoccupé à gérer sa communication post corrida qu’à venir témoigner son soutien à des éleveurs au bord du gouffre avec ce deuxième été de sécheresse et canicule.

Course contre la montre


Alors que l’an dernier, Berlin avait déjà débloqué les fonds nécessaires pour permettre aux agriculteurs allemands d’acheter paille et fourrage, à ce jour, - hormis l’annonce d’une avance sur le paiement des aides Pac - aucune mesure concrète n’est venue apporter le moindre espoir dans les campagnes, a fustigé vendredi le patron de la FDSEA Joël Piganiol, lors de la session de rentrée de la Chambre d’agriculture qui s’est tenue dans une ambiance plombée. Et si la fédération et les JA ont alerté dès fin juin préfet et DDT en vue de l’ouverture d’une procédure calamités, aucune réunion de la CNGRA (commission nationale statuant sur les demandes de reconnaissance) n’est programmée avant janvier. Une échéance bien trop tardive alors que “la situation est catastrophique, qu’on donne aux animaux depuis des semaines et que les trésoreries sont plus vides que nos granges. Il faut agir vite, très vite, comme en 2018”, a témoigné Delphine Freyssinet (Trizac). “Même les plus solides ne tiendront pas longtemps. Certains éleveurs n’ont du fourrage que jusqu’à Noël”, a abondé son collègue Pierre Baladuc (Le Vigean). Accélérer la procédure calamités en retirant ou au moins abaissant le seuil des 13 % de pertes sur produit brut source d’exclusion(1), accorder au plus tôt une exonération de la TFNB, activer un fonds d’allègement des charges : telles sont les revendications   portées par les deux syndicats dans une motion validée à l’unanimité des élus Chambre. Le préfet Isabelle Sima a pour sa part assuré que d’ores et déjà, les équipes de la DDT étaient mobilisées pour conduire les expertises nécessaires à un bilan exhaustif, en octobre, une fois les dernières récoltes réalisées. En affichant par ailleurs son optimisme quant à un feu vert ministériel pour hâter la procédure.
Une préfète à qui il a aussi été demandé que les agents en charge des contrôles Pac lâchent un peu la pression sur des exploitants déjà suffisamment stressés et angoissés, courant entre les parcelles dans un va-et-vient de citernes.

Série de signaux négatifs


Au-delà d’un État aux abonnés absents sur ce nouvel aléa climatique, c’est un gouvernement coupable qui a été visé : coupable d’avoir sciemment lâché son agriculture - en particulier son élevage - sacrifiée sur l’autel des accords de libre-échange (objets d’une seconde motion également votée à l’unanimité). Le président Escure en veut pour preuve cet accord du Ceta signé à peine les Européennes passées, avec des députés sommés de respecter la discipline de la Majorité, quitte à relayer des affirmations mensongères, a tancé Patrick Bénézit. Allusion à des protéines animales transformées autorisées dans l’alimentation des bovins au Canada. “On est en train d’ouvrir toutes nos portes à des importations de viandes dont les conditions de production ne sont pas les nôtres en trompant le consommateur, alors même que l’article 44 de la loi Alimentation donne un outil législatif pour s’y opposer” : insupportable pour Joël Piganiol, qui a traduit le sentiment des paysans d’être abandonnés sur le front de la sécheresse, des prix, de la concurrence internationale mais aussi face aux attaques sociétales incessantes.
“Plutôt que d’avoir une ambition au travers de  l’action, on (l’État, NDLR) alimente tous les jours les débats sur les questions écologiques - glyphosate, zones de non traitement... - en mettant en permanence le secteur agricole en porte-à-faux vis-à-vis de la société. On n’a pas besoin de ça et l’impact de cet agribashing, les responsables à la tête de notre pays ne l’ont pas mesuré !”
Et s’il fallait un dernier mauvais signal adressé à l’agriculture tricolore et plus globalement à la ruralité, c’est pour, Patrick Escure, la volonté du gouvernement de la priver de ses outils d’accompagnement collectifs à l’image de la Chambre d’agriculture menacée de subir le même sort que les autres compagnies consulaires réduites à des moyens congrus (lire encadré). 

(1) En 2018, environ 200 dossiers exclus des indemnisations du CNGRA avaient pu bénéficier d’une aide du Conseil départemental. “Ce dispositif est certes imparfait mais il a le mérite d’exister”, a affirmé Patrick Bénézit en réponse aux critiques de la CR 15.

 

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