La terre des autres
Fabien Conord, professeur de droit et d'histoire à l'université Clermont Auvergne, a mené un travail de recherche sur l'histoire du métayage en France. Son ouvrage vient d'être réédité aux éditions du Bourg.
Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots ce qu'est le métayage ?
Le métayage est un mode de faire-valoir indirect dans lequel un propriétaire, appelé bailleur, confie l'exploitation d'un domaine à un métayer qui doit lui remettre une proportion des récoltes et du croît des animaux. Celle-ci varie, selon les époques et les pays (allant jusqu'aux quatre cinquièmes dans le droit musulman), mais a longtemps été d'environ la moitié, d'où le nom de métayage. En France, depuis l'adoption du statut du fermage et du métayage en 1946, le métayer doit reverser au propriétaire un tiers du produit.
Quelles ont été vos sources de travail ?
J'ai sollicité des sources multiples, combinant statistiques (les enquêtes agricoles puis les recensements généraux de l'agriculture par exemple), archives judiciaires (celles des tribunaux paritaires des baux ruraux, qui constituent une documentation très précise), débats parlementaires, archives privées d'acteurs du métayage mais aussi de syndicalistes et d'hommes politiques, etc.
Les métayers étaient-ils les héritiers des serfs ?
Il est difficile d'établir une généalogie entre deux réalités historiques et juridiques bien différentes, mais en revanche le vocabulaire de la féodalité demeure fréquemment employé par les critiques du métayage, ce qui traduit bien l'état de sujétion des métayers, du moins jusqu'à l'adoption du statut du fermage et du métayage en 1946.
Vous évoquez, dans votre ouvrage, le rôle et les conditions de vie des propriétaires et métayers. Vous consacrez également un paragraphe aux fermiers généraux, aux régisseurs. Des personnages qui n'avaient, bien souvent, pas la meilleure des réputations ?
En effet, les intermédiaires entre propriétaires et métayers souffrent d'une réputation noire qui est due aux excès de certains d'entre eux mais aussi plus largement au fait que leur existence même conduit à minorer les revenus des deux parties contractantes initiales.
Comment ces métayers ont-ils pu s'allier, s'organiser pour défendre leurs droits, en revendiquer d'autres ?
Dès le début du xxe siècle, les métayers se sont organisés sous la forme de syndicats, non sans mal, comme en témoigne Émile Guillaumin dans son roman Le syndicat de Baugignoux (NDLR paru en 1912). Ils ont aussi exprimé leur colère dans des mouvements de révolte, comme dans le sud-ouest après la Première Guerre mondiale.