La réutilisation des eaux usées traitées (REUT), entre fantasme et réalité
La REUT est inscrite dans le Plan Eau 2023 avec l'ambition du Gouvernement de développer 1 000 projets sur l’ensemble du territoire d’ici 2027. Dans la réalité, si la réutilisation de l'eau a tout pour plaire, sa mise en œuvre s'avère bien plus complexe, notamment en agriculture.
La REUT est inscrite dans le Plan Eau 2023 avec l'ambition du Gouvernement de développer 1 000 projets sur l’ensemble du territoire d’ici 2027. Dans la réalité, si la réutilisation de l'eau a tout pour plaire, sa mise en œuvre s'avère bien plus complexe, notamment en agriculture.
La REUT, où la réutilisation des eaux usées traitées à des fins non-domestiques, est l'une des clés pour économiser la ressource en se substituant à des prélèvements dans la nature, voire à l’utilisation d’eau potable pour certains usages qui n’en ont pas besoin. L’idée est d’utiliser cette eau pour le nettoyage des voiries, l’arrosage des espaces verts ou encore l'irrigation des cultures. Bien que le Plan Eau de 2023 ait permis la publication d'un décret facilitant la mise en place de tels projets, ils restent néanmoins confrontés à la réalité du terrain.
Lors d'une table ronde sur le sujet, organisée dans le cadre du salon Cycl'eau (salon itinérant rassemblant les acteurs publics et privés de la filière de l’eau autour des enjeux de gestion durable et d’innovation), qui a eu lieu à Clermont-Ferrand, les 5 et 6 novembre derniers, Christophe Cautier, président de l'ASA Limagne Noire, unique réseau d'irrigation de France pratiquant la REUT, Bertrand Nicolas, vice-Président, en charge de l'environnement et de l'agronomie à la Chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme et Catherine Neel, directrice de projet chez Cerema (référent public en aménagement du territoire) ont démontré qu'au-delà de la volonté et des moyens tant techniques que financiers, un certain alignement de planètes était nécessaire pour voir émerger de tels projets.
L'ASA Limagne Noire, un cas d'école pour la REUT
L'ASA Limagne Noire est un modèle unique qui permet d'irriguer 750 ha de cultures en réutilisant 30% des eaux traitées de la station d'épuration de Clermont-Ferrand. Une innovation et une prouesse technique rendues possibles par la proximité entre la station et les bassins de lagunage de l'ancienne sucrerie de Bourdon.
Ces derniers permettent le traitement de l'eau par les UV solaires (13 jours minimum) pour détruire virus et bactéries pathogènes avant d'irriguer les champs par aspersion.
C'est l'un des aspect limitant de la REUT, le risque pour la santé publique de répendre une eau contaminée. L'ASA Limagne Noire fait l'objet depuis l'ouverture de son réseau, du 1er suivi épidémiologique d'une telle envergure en France.
Nous avons en période d'irrigation, des analyses d'eau hebdomadaires à la sortie des buses d'irrigation. Avec ce simple traitement tertiaire, reposant uniquement sur le soleil, sans consommation d'aucune énergie, nous parvenons à avoir une eau qui dans 99% des cas sort en qualité A (qualité maximale de l'eau NDLR) » explique Christophe Cautier.
Indépendants du réseau potable, les irrigants de l'ASA Limagne Noire sont exemptés de redevance et ne sont pas contraints par les éventuelles restrictions d'usage de l'eau qui peuvent être prises par le préfet, en période de sécheresse.
À lire aussi : Stockage d’eau agricole : un cadre clarifié par l’État
Les projets de REUT corrélés aux difficultés d'approvisionnement des territoires
Si l'ASA Limagne Noire fait figure de « cas exemplaire », sa reproduction n'est pas envisageable dans tous les territoires.
Christophe Cautier l'avoue : « l'ASA existe parce que tout était réuni ; c'est-à-dire une agglomération suffisamment grande pour générer des volumes d'eau importants, une station d'épuration proche des bassins de lagunages, le tout à proximité des champs ».
Plus de 150 km de tuyaux ont toutefois été enfouis pour desservir les parcelles. Des travaux aujourd'hui difficilement envisageables par les coûts qu'ils représentent et inimaginables si tout était à construire.
Quand il n'y a plus d'eau, l'eau n'a plus de prix » commente Catherine Neel.
À en croire la directrice de projet de Cerema, la REUT repose autant sur la faisabilité technique et économique qu'une certaine volonté politique.
En France, 7 territoires, notamment les îles (Corse, Guadeloupe, Réunion...) et des côtes (Normandie, Bretagne, l'Hérault...), confrontés depuis longtemps à des difficultés d'approvisionnement, sont précurseurs et moteurs.
Les exemples se multiplient avec des enjeux différents (soutien d'étiage, nettoyages urbains, défense incendie, production industrielle, hydrocurage...). La poursuite de certaines activités dépend de ces réflexions. »
40 projets de REUT sont aujourd'hui accompagnés par le Cerema. Quand verront-ils le jour ? Comme pour l'ASA Limagne Noire, les études sont longues tout comme les travaux d'aménagement.
Dans le Puy-de-Dôme, un second projet de REUT à destination de l'agriculture est en cours de réflexion sur la station d'épuration de Riom.
Il permettrait de sécuriser la ressource pour les agriculteurs du secteur » précise Bertrand Nicolas.