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La grande bataille contre l’antibiorésistance est déclarée

Le forum de Davos a classé l’antibiorésistance comme l’un des 50 risques mondiaux majeurs. Un enjeu de santé humaine et animale mais aussi désormais environnemental.

L’inquiétude des autorités sanitaires vient du fait qu’on ne trouve pratiquement plus de nouveaux antibiotiques. Il faut donc faire avec le stock actuel (photo archives).
L’inquiétude des autorités sanitaires vient du fait qu’on ne trouve pratiquement plus de nouveaux antibiotiques. Il faut donc faire avec le stock actuel (photo archives).
© P.O.

Les experts de la FAO(1) et du forum de Davos l’ont classée comme l’un des 50 risques mondiaux majeurs au même titre que le terrorisme, le réchauffement climatique... En ce début de XXIe siècle, aucune zone de la planète n’est épargnée par ce phénomène, l’antibiorésistance qui se développe aussi bien chez l’Homme que chez l’animal. Ainsi, 80 % de la population du Sud-Est asiatique héberge dans sa flore digestive des bactéries Escherichia coli résistantes au céphalosporines de dernière génération, a expliqué le docteur vétérinaire Jean-Yves Madec, l’un des référents français de la question, directeur de recherches et chef de l’unité antibiorésistance à l’Anses(2) de Lyon, convié le 13 mai à une matinée sur ce sujet organisée par le GDS du Cantal. “Et on commence à voir de vraies impasses thérapeutiques en milieu hospitalier, notamment du fait de résistances aux entérobactéries”, a confirmé Jean Beytout, chef de service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Clermont-Ferrand et professeur à l’Université de médecine, précisant par ailleurs que plus aucun staphylocoque n’est aujourd’hui sensible à la pénicilline dans sa forme basique.

 

Des bactéries naturellement résistantes

Et le constat est tout aussi anxiogène dans la sphère animale, même si les données en la matière ne sont que partielles, seuls l’Europe, les USA et le Canada disposant d’un système de surveillance organisé de ces résistances en élevage. Une étude néerlandaise menée en juin 2013 dans les abattoirs a conclu que 40 % des animaux abattus étaient porteurs de bactéries résistantes ; en France, ce ratio atteint 30 % et le suivi de veaux de boucherie en sortie d’atelier a également démontré qu’un veau sur trois était contaminé par des germes résistants quand bien même ces animaux n’avaient jamais été traités par des antibiotiques. Dans l’Hexagone toujours, des analyses sur des chiens non malades reçus en cabinets vétérinaires à Paris (pour une vaccination par exemple) ont révélé que plus de 18 % présentaient une résistance aux céphalosporines de troisième génération (C3G)... Idem sur le produit fini avec 44 % des viandes de poulet vendues au détail concernées.

Comment en est-on arrivé là ? Jean-Yves Madec répond en préambule qu’un tas de bactéries sont naturellement résistantes à la pénicilline G. “On a trouvé des gènes de résistance à plusieurs antibiotiques naturels vieux de plus de 30 000 ans !”, a-t-il indiqué. Un phénomène ancré dans ces micro-organismes que l’usage massif des antibiotiques depuis leur émergence en 1936 a renforcé. “Dans une population de bactéries, il y en a toujours une de résistante ; quand on utilise un antibiotique, on augmente la proportion de bactéries résistantes. C’est un effet indésirable automatique car ça trie et tue les sensibles”, a complété le docteur vétérinaire.

 

Limiter à défaut d’éradiquer

Et depuis 60 ans, l’industrie s’est adaptée en trouvant de nouvelles molécules, “sauf qu’aujourd’hui, il n’y en a plus et qu’on doit faire avec le stock actuel, c’est ce qui angoisse l’OMS (Organisation mondiale de la santé, NDLR)”. Conclusion de l’expert : l’antibiorésistance n’est pas un phénomène que l’on peut éradiquer, mais limiter. Ce que les autorités françaises, comme la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas avant elles, s’attachent à faire : au programme sanitaire en médecine humaine visant à proscrire un usage “automatique” des antibiotiques, a succédé depuis 2012 de plan Éco-antibio qui cible cette fois l’élevage mais aussi les animaux de compagnie. Son objectif : réduire la consommation d’antibiotiques de 25 % d’ici 2017 et recourir à des traitements plus ciblés et raisonnés, en évitant si possible les molécules dites critiques.

Ce plan est basé sur une responsabilisation des acteurs et non une interdiction afin “de trouver le bon curseur permettant d’utiliser un panel diversifié de molécules à bon escient”, a indiqué le spécialiste de l’Anses qui a souligné que des efforts conséquents ont déjà été accomplis par différentes filières animales avant sa mise en œuvre. Entre 2000 et 2013, le tonnage de sulfamides et tétracyclines, deux familles représentant 60 % des molécules vendues pour usage vétérinaire, a ainsi été divisé par deux.

Des efforts conséquents en élevage à pérenniser

“Nous sommes aujourd’hui au même niveau que les Pays-Bas, qui font référence. Il y a eu une réelle mobilisation de tous les acteurs sans contrainte”, assure Jean-Yves Madec. La filière porcine, souvent décriée par les environnementalistes, fait à cet égard figure d’exemple en ayant réduit entre 2010 et 2013 de 82,5 % le nombre de porcs traités aux céphalosporines de troisième et quatrième générations avec à la clé une baisse de l’antibiorésistance.  “Ce sont des courbes dont on est assez fiers quand on va voir les médecins et nos voisins européens”, relève l’intervenant. Avant de prévenir tout de suite : “Il faut tenir sur la distance, dès qu’on réaugmente l’exposition aux antibiotiques, les résistances repartent à la hausse aussi. Il y a encore des marges de progrès, chez les bovins notamment, mais aussi les chiens, les chats... sachant que toutes les productions n’ont pas la même sensibilité aux bactéries.”

(1) Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

(2) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du

travail.

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