La génétique ou comment voir l’avenir dans un grain de blé
La réunion régionale Sud-Est annuelle du GNIS s’est déroulée au centre de recherche de l’INRA de Crouël (63) où il a été question de l’avenir de la sélection variétale.
Face à la stagnation des rendements en blé et à l’intensification des aléas climatiques, les professionnels de la semence s’interrogent. La recherche génétique est-elle
l’avenir des céréales ? Apportera-t-elle à la sélection variétale, des solutions pour répondre aux changements climatiques, aux attentes sociétales et conforter la filière ? Des questions que les membres du GNIS ont posées aux chercheurs de l’Inra de Crouël dans le Puy-de-Dôme, lors de leur réunion régionale annuelle. Une thématique aussi vaste que le génome du blé mais qui d’ores et déjà apporte quelques réponses. La science n’a pas encore tout découvert sur les céréales…
La recherche au service de la filière
«Le progrès génétique est toujours possible !» c’est ce qu’affirme Thierry Langin, directeur du centre Inra où 7 équipes de recherche travaillent sur le génome du blé. La plante possède l’un des génomes les plus complexes. Il a fallu 10 ans à l’Institut et ses partenaires pour parvenir à l’assembler entièrement. Désormais, les scientifiques s’attachent à comprendre comment il s’exprime à travers le végétal. «Nous avons des informations sur le génome et ses variabilités. Le développement de nouvelles techniques de sélection génomique, notamment les marqueurs moléculaires, nous permet d’accélérer encore notre travail pour parvenir à une prédiction des valeurs génétiques». Certes, mais la production agricole dans tout cela ? Justement, le scientifique rappelle que l’ensemble de ces recherches s’appuie sur les attentes des acteurs de la filière céréalière. Stagnation des rendements, changements climatiques, évolution des pratiques, des marchés internationaux… Autant d’aléas qui chaque année, gagnent en influence sur la filière céréalière française. Les variétés de blé aujourd’hui cultivées, et sélectionnées hier, montrent des signes de faiblesse. «Si dans 20 ou 30 ans, nous utilisons toujours les mêmes variétés, nous connaîtrons une chute sans précédent des rendements» assure le chercheur.
Laboratoire en plein champ
Prédiction alarmiste ou réaliste ? Certains membres du GNIS et invités semblent la prendre au sérieux. Baptiste Arnaud, président des Jeunes Agriculteurs du Puy-de-Dôme témoigne qu’«au-jourd’hui, l’avenir est flou pour les jeunes : entre les sécheresses à répétition, le renforcement de la réglementation sur les produits phytosanitaires ; la production devient difficile».
L’impression est la même chez Christophe Descreaux, directeur de Descreaux SA et administrateur de Négoce Centre Est qui témoigne de l’urgence à développer de nouvelles variétés de blé plus adaptées. «Ces dernières années, nous devons composer avec des fluctuations de rendements importantes. Les saisons changent ! Désormais, à partir
d’avril jusqu’à la moisson, les céréaliers ne dorment plus. Cette période charnière pour les céréales n’est jamais la même et nos variétés encaissent difficilement les aléas météorologiques de plus en plus forts et réguliers».
Des réalités de terrains que
n’ignore pas l’Inra. D’ailleurs, le récent dispositif d’expérimentation Phéno3C a pour objectif d’apporter des réponses. En plein champ, plusieurs centaines de variétés de blés sont soumises à différents traitements prédictifs. «Nous contrôlons sur ces micro-parcelles la teneur en CO2 de l’air et la pluviométrie. Par exemple, nous avons un essai sur lequel il n’y a eu que 10 mm de pluie depuis le mois de mars» explique Boris Adam, ingénieur de recherche.
La sélection à l’épreuve du temps
«L’ensemble de nos recherches est orienté vers tous les nouveaux contextes actuels et futurs. Le défi d’aujourd’hui est de maintenir, voire d’augmenter les rendements en blé dans le futur, tout en conservant la qualité. Les expérimentations en plein champ sont indispensables pour comprendre le génome du blé» témoigne Thierry Langin, le directeur du centre.
De ces recherches naîtront donc les variétés de demain dans lesquelles beaucoup d’espoirs sont fondés. Malheureusement, le contexte évolue bien plus vite que la science. Entre exigences du consommateur, de la société et des gouvernements, la recherche et l’agriculture en général sont confrontées à de nombreux paradoxes. Jean-Yves Foucault, président de Limagrain n’hésite pas à le rappeler : «on nous interdit de plus en plus de choses (apport d’azote, produits phytos…) sous prétexte que la génétique va tout régler ! Ne rêvons pas, la concurrence entre le blé et les adventices existera toujours, avec ou sans génétique. Ne demandons pas aux sélectionneurs de faire l’impossible. Un programme de sélection variétale se déroule sur plus de 10 ans, pas sur 6 mois».
Julien Constant, secrétaire général de la section céréales à paille et protéagineux du GNIS soulève un autre écueil. À ce jour, seulement 32% des agriculteurs français emploient de la semence certifiée. Une situation qu’il explique en partie par les cours du blé : «la génétique ne peut pas être valorisée auprès des céréaliers quand ceux-ci vendent leur culture à 130 €/tonne. Eux aussi cherchent à faire des économies».
L’étude et la compréhension des gènes ne pourront pas solutionner tous les problèmes, notamment économiques et sociaux. La recherche génétique n’en reste pas moins essentielle face à des enjeux d’ordre mondial.
Gluten or not gluten ?
Au même titre que la viande, le gluten, protéine céréalière naturellement contenue dans le blé, le seigle, l’orge ou encore l’avoine, devient persona non grata dans l’esprit des consommateurs. Le régime sans gluten devient monnaie courante et les personnes l’ayant adopté déclarent se porter mieux : diminution des douleurs abdominales, des ballonnements, amélioration du transit intestinal, moins de fatigue, diminution des douleurs articulaires… Ces personnes sont qualifiées «d’hyper-sensible au gluten». Un diagnostic dans la plupart des cas «d’élimination», explique Catherine Grand-Ravel, ingénieure de recherche à l’Inra car «il n’existe pas de réel examen médical permettant de confirmer le diagnostic». Le régime sans gluten est donc souvent imposé et/ou adopté à tort.
À ce jour, seulement deux maladies sont reconnues comme étant directement liées à la consommation de gluten : la maladie coeliaque et l’allergie au blé. La première est une maladie génétique, se traduisant par une défaillance du système immunitaire et diagnostiquée après une biopsie. Elle touche 1 à 1,5% de la population française.
Quant à l’allergie au blé, elle affecterait 0,1 % de la population. Comme les autres allergies alimentaires, elle est plus fréquente chez les enfants et se manifeste le plus souvent sous forme d’eczéma.