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La contractualisation en butte à « la culture du maquignonnage »

La contractualisation en viande bovine, tout le monde en parle, mais personne ne la réalise ou presque… Les acteurs de la filière ne souhaitent tout simplement pas utiliser ce système pour sécuriser leurs marges. Telle est l’une des conclusions du rapport du Conseil général de l’alimentation de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur la contractualisation, sorti en octobre dernier.

Marché au cadran d’Ussel.
Marché au cadran d’Ussel.
© François d'Alteroche

« Il faut arrêter de jouer à la marchande ! », s’est exclamé Michel Reffay, le 17 novembre lors de la journée Grand angle viande organisée par l’Institut de l’élevage. Il est à l’origine du rapport sur la contractualisation, publié par le CGAAER, avec Nicolas Petit et Sylvain Marty. Ce texte, publié le 28 octobre, fait le point sur la contractualisation dans la filière bovine à viande. Michel Reffay s’est voulu positif devant le public de la journée Grand Angle : « Il me semble que le sujet de la contractualisation commence à être mûr » au sein des acteurs. Pourtant, le rapport ne l’est pas autant ! Il en ressort que les éleveurs et les autres membres de la filière ne sont pas prêts à contractualiser. Voire même qu’ils ne le souhaitent tout simplement pas !
L’espoir de vendre cher ses animaux, quitte au final à vendre à bas prix, plutôt que de sécuriser toutes ses ventes à un prix plus faible, fait vivre bon nombre d’acteurs. Cette culture du maquignonnage et de la « future bonne affaire » fait également dire à Michel Reffay, que cela « manque de professionnalisme » dans la filière. Selon le rapport, « tous les échelons de la filière (éleveurs, commerçants, abatteurs) manifestent une appétence indéniable pour la négociation commerciale. Que les négociants en bestiaux revendiquent l’efficacité économique de leur intermédiation […] est dans l’ordre normal des choses. »

Raisonner en coût de production et non en « bonnes » ventes
Par contre, du côté des éleveurs, « cette posture donne à penser que l’énergie consacrée par l’éleveur pour réaliser une « bonne » vente à chaque opération de mise en marché serait mieux investie que celle qu’il pourrait consacrer à la performance de son processus de production », est-il écrit dans le rapport. Or, la variabilité des coûts de production entre les élevages allaitants est bien connue, « même si cela reste désagréable à entendre », affirme Michel Reffay. Aujourd’hui, « mon challenge professionnel, c’est de battre mon coût de production », continue-t-il en se mettant à la place de l’éleveur dans un contexte de prix contractualisé. La marge de l’éleveur se fera alors non par la « bonne » vente, aléatoire, mais par une réflexion sur le fonctionnement du système d’exploitation, plus sûre. De plus, autre constat , selon le rapport : « Les naisseurs, qui sont les plus touchés en cas de difficultés, ne sont pas demandeurs » de ces contrats. Un paradoxe ! En outre, « les abatteurs rencontrés font globalement montre d’un engagement verbal modéré pour la contractualisation. […] La culture dominante reste celle d’une stratégie de cueillette, face à une offre structurellement abondante ». Pas besoin, donc, de sécuriser l’approvisionnement, et cela malgré des outils d’abattage en surcapacité. Et la distribution n’a pas particulièrement d’intérêt à contractualiser non plus. Elle n’en tirera pas de bénéfice particulier.

La contractualisation, un vœu pieux des politiques
À ce manque d’intérêt de la part des acteurs, s’ajoute une consommation croissante de steak haché, qui entraîne une forme de déconstruction de la valeur ajoutée créée par l’amont. « Pourquoi élever de belles vaches pour en faire du steak haché derrière ? », résume Michel Reffay. D’où l’intérêt d’une segmentation du marché, à l’image de celle effectuée pour les pommes de terre, cite-t-il en exemple. Autre frein, « la faiblesse de la structuration de la filière par les organisations de producteurs à caractère commercial que l’action publique a renoncé à corriger ». Or les organisations de producteurs doivent porter cette contractualisation. Il est encore possible de parler du bien-être animal (scandale de l’abattoir d’Alès) ou encore du récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le côté cancérigène de la viande rouge qui handicape la filière, lance Michel Reffay. Reste que la contractualisation, sujet « tarte à la crème » du gouvernement comme cela se murmure dans l’audience de cette journée Grand angle, doit bien avoir des effets positifs. Pour les auteurs du rapport, son développement est « l’un des éléments d’un cercle vertueux de renforcement de la filière ».
Cependant, ils ont été également « frappés par le contraste entre une réticence certaine opposée en premier lieu par leurs interlocuteurs pour évoquer les démarches de contractualisation, et leur capacité à en évoquer les bénéfices, une fois l’échange établi dans la confiance en dehors des postures de convenances ». Face à ces constats, à l’image des projets de développement agricole dont l’implication des acteurs est prioritaire, il est légitime de s’interroger sur la réelle émergence d’une contractualisation dans le secteur bovin à l’avenir et cela malgré la volonté des politiques. À moins d’une profonde restructuration du secteur...

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