Bruno Locqueville, nouveau DDT
“Je ne suis pas du tout pessimiste pour l'avenir de l'agriculture en Haute-Loire”
Le nouveau directeur de la DDT (Direction Départementale des Territoires), Bruno Locqueville est en poste en Haute-Loire depuis le 2 novembre. Présentation.

Connaissiez-vous la Haute-Loire avant votre prise de fonction en novembre dernier ?
Bruno Locqueville : «Non je ne connaissais pas la Haute-Loire. J'avais dû la traverser une ou deux fois sans m'y arrêter. Je me souviens d'ailleurs que j'avais trouvé les paysages magnifiques. En revanche, je connaissais un peu l'Auvergne en particulier la région d'Issoire et du Sancy.
Bien que je sois né en Seine Maritime, j'ai tout de même des racines montagnardes et paysannes du côté de ma mère originaire de Haute-Savoie.
J'aime énormément la montagne et je suis heureux de travailler en Haute-Loire. C'est un département qui offre une grande qualité de vie ».
Avant votre arrivée sur nos terres altiligériennes, dans quel département vous trouviez-vous ?
Bruno Locqueville : «J'étais dans la Marne où j'ai été directeur de la DDAF pendant un an puis directeur adjoint du DDT suite à la réorganisation des services de l'Etat dans ce département. Avant la Marne, j'étais dans l'Aube, en Champagne Ardenne également, en tant que chef de service environnement, eau, forêt puis chef du service économie agricole.
J'ai toujours travaillé dans la partie nord de la France puisqu'avant d'exercer dans l'Aube j'ai travaillé comme ingénieur à la DDAF d'Ille et Vilaine puis de Seine et Marne.
Bien sûr l'agriculture de ces départements était très différente de celle de la Haute-Loire. Dans la Marne et l'Aube, l'agriculture était principalement orientée vers les grandes cultures et la viticulture ».
L'agriculture de Haute-Loire traverse à l'heure actuelle des difficultés importantes, comment percevez-vous son avenir ?
Bruno Locqueville : «L'agriculture de Haute-Loire connaît des difficultés mais elle n'est pas la seule, c'est l'agriculture en général qui traverse une période difficile.
Toutefois, la Haute-Loire peut compter sur de nombreux atouts : milieu naturel de qualité, élevage à l’herbe utilisant peu d’intrants, bonne image des produits de montagne auprès du public, des produtions diversifiées et des filières sous signes de qualité avec les Lentilles Vertes du Puy, le Fin Gras du Mezenc, les fruits rouges des Monts du Velay, un très bon niveau de performance génétique des cheptels,...). Certaines productions sont plus affectées que d'autres, c'est par exemple le cas de la filière porcine. Mais je crois que des solutions existent ; nous devons essayer de développer la contractualisation, la communication, sans oublier de renforcer le lien entre l'amont et l'aval, et ce d’autant plus que le maintien de la filière porcine est une nécessité pour la filière mais également pour les 3 abattoirs dont l'activité en est très dépendante.
La production laitière a aussi son lot de difficultés mais n'oublions pas que la montagne véhicule une image positive (lait de montagne, fromage de montagne) qu'il faut utiliser. Il y a une forte demande en produits laitiers bio (dont les prix sont restés très fermes pendant la crise de 2009) et en produits de la ferme. Ce sont là des niches qu’il faut savoir exploiter. Il faut travailler sur la sécurisation des débouchés et sur la maîtrise technique, certainement aussi sur l’optimisation des circuits de collecte, rechercher une meilleure valorisation… il y a beaucoup de pistes à explorer.
Ce département peut compter sur des productions traditionnelles telle que le veau de boucherie (Veaux des Monts du Velay-Forez) qui possède des débouchés intéressants à proximité (bassin de consommation stéphanois et lyonnais à forte tradition culinaire). Aussi, je pense qu'il y a une réflexion à conduire sur la valorisation du lait à travers la production de veau.
La présence d'une AOC bovine (Fin Gras du Mézenc) et d'une AOC Lentille Verte du Puy est également intéressante.
En ce qui concerne la lentille, on note une forte demande en lentille biologique ; il faut y répondre pour ne pas voir ce marché pris par d’autres régions productrices.
Les produits du terroir et les circuits courts sont également des pistes intéressantes ; toutes les pistes sont bonnes à creuser !
En Haute-Loire, le cheptel ovin régresse mais le nombre d'exploitations reste important. Si la PAC de l'après 2013 reste favorable, la filière ovine a tout à fait sa place sous réserve d'une bonne technicité au sein des exploitations.
Je ne suis pas du tout pessimiste pour l'avenir de l'agriculture en Haute-Loire. Nous avons la chance de bénéficier de paysages, de grands espaces et d'une grande diversité de produits. Une agriculture diversifiée c'est un véritable atout.
L'agriculture de Haute-Loire a de surcroît un atout indéniable avec son système herbager qui, du point de vue environnemental véhicule une très bonne image auprès des consommateurs ».
Quelles faiblesses affiche notre agriculture?
Bruno Locqueville : «La Haute-Loire est écartelée entre trois pôles d’attraction (Clermont-Ferrand, St Etienne-Lyon et au sud le Languedoc) ; elle manque donc un peu d'unité, mais la diversité c’est aussi un atout. L'absence de remembrements par le passé (parcellaire éclaté) est également un paramètre à prendre en compte.
Le secteur agro-alimentaire est peu présent dans ce département et les centres décisionnels des entreprises et coopératives sont éloignés, ce qui peut créer des difficultés en cas de disparition d’un opérateur. Certes des incertitudes pèsent sur l'agriculture en Haute-Loire comme ailleurs (avenir de la PAC, volatilité des prix, hausse régulière des charges, difficultés à maintenir certaines filières, dépendance vis-à-vis des aides de certaines productions) mais il faut valoriser ses atouts et surmonter les menaces et les faiblesses.
Il revient aux professionnels de s'organiser et à l'administration de les accompagner et de faire remonter si nécessaire les difficultés du terrain au niveau national ».
Quels seront vos principaux axes de travail pour l'agriculture de Haute-Loire ?
Bruno Locqueville : «Ma mission est d'accompagner l'agriculture sur les différents chantiers que l'on vient d'évoquer. Un audit a été confié à deux ingénieurs généraux du Ministère de l'Agriculture sur l'avenir de l'agriculture de la Haute-Loire. Ce rapport qui n'est pas encore complètement achevé doit faire ressortir des pistes de réflexion à transformer en actions. La profession agricole a avant tout besoin de perspectives et d’une sécurisation de ses revenus. Avec ses représentants, nous travaillerons sur de nombreux sujets et plus particulièrement sur la déclinaison de la loi de modernisation de l’agriculture : compétitivité, contractualisation, pourquoi pas le développement des circuits courts et du bio, consommation des espaces agricoles…
Nous travaillerons également sur la régulation des populations de sangliers qui est un vrai problème dans le département».
Le DDT et l’agriculture
Interrogé sur sa part d’activité consacrée à l'agriculture en tant que directeur de la DDT, Bruno Locqueville a expliqué : «Je ne m'occupe pas uniquement d'agriculture puisque je travaille aussi sur les nombreux autres sujets qui intéressent la DDT : l'environnement, l'eau, la forêt, la chasse, la pêche, les risques naturels, l'urbanisme, l’énergie, le logement, l’aménagement du territoire… Le contact au quotidien avec les agriculteurs et le suivi des dossiers, c'est le service économie agricole de la DDT qui l'assure. Mais un directeur consacre obligatoirement une grande partie de son temps à l'agriculture, en particulier dans un département comme la Haute-Loire, où c’est une activité essentielle dans le paysage économique et social. C'est un domaine très important pour moi et je le suis quotidiennement.