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« Honte à vous Madame la députée ! »

FDSEA, JA et Chambre d'agriculture ont porté plainte pour diffamation contre la députée de la Creuse.

© HC

Jeudi 15 décembre, au lendemain d'une manifestation agricole lors de laquelle sa permanence a fait partie des lieux visés par les agriculteurs, la députée de la Creuse Catherine Couturier prenait la parole dans l'Hémicycle à l'occasion d'une séance sur l'accélération des énergies renouvelables. La députée Nupes milite très fortement contre la méthanisation et va jusqu'à sortir de son chapeau des arguments choquants. C'est ainsi qu'elle a conclu l'une de ses interventions par une charge contre les agriculteurs creusois qui, selon elle, préfèrent « utiliser leur fourrage pour alimenter les méthaniseurs, au lieu de le donner à leurs bêtes qui crèvent dans les champs »! ¹
L'extrait a rapidement fait le tour des réseaux sociaux, notamment relayé par l'ancien député Jean-Baptiste Moreau, et a provoqué de vives protestations au sein du milieu agricole. Après consultation d'un avocat, Christian Arvis, Fabien Périgaud et Pascal Lerousseau, présidents de la FDSEA, de JA et de la Chambre d'agriculture de la Creuse, ont choisi la voie légale pour manifester leur écoeurement. Les 3 organisations professionnelles, représentées par Christian Arvis (FDSEA), Fabien Périgaud (JA23) et Yves Henry (vice-président de la Chambre d'agriculture) ont donc déposé plainte pour diffamation. Pour bien faire passer le message de leur indignation, ils ont ensuite été rejoints par leurs adhérents devant la permanence de la députée. Celle-ci étant absente, ils ont matérialisé le mur qui les sépare de l'élue en montant quelques parpaings devant la porte du local.
« Madame Couturier n'a jamais montré le moindre intérêt pour l'agriculture, en témoigne son absence systématique de tous les événements agricoles. Elle reste figée dans la posture dogmatique de son bord politique qui assimile l'agriculture, même extensive comme on la trouve ici, à une activité polluante. Les rares fois où nous l'avons rencontrée, elle a simplement attendu poliment que la discussion se termine », raconte Christian Arvis. « J'ai précisé dans ma plainte que ce genre de propos au sein du Palais Bourbon sont inadmissibles. »
« Connaissant ses opinions, nous lui avons laissé un temps d'adaptation et d'exploration de sa circonscription pour qu'elle puisse se rendre compte de la réalité du terrain afin d'avoir des discussions constructives avec elle, apparemment nous avons perdu 6 mois » continue Fabien Périgaud. « Notre députée se revendique issue d'une famille d'agriculteurs, ses paroles et ses actes tendent plutôt à indiquer le contraire. Elle déteste clairement les agriculteurs et ne rate pas une occasion pour nous piétiner, nous ne pouvons plus nous laisser faire ».
Clairement, jamais un agriculteur ne privilégierait le nourrissage d'un méthaniseur à celui de ses animaux, quand bien même celui-ci rapporterait plus que l'activité d'élevage ; il préférerait vendre ses animaux, même à moindre prix, plutôt que les « laisser crever ». La décapitalisation constatée ces derniers mois confirme cette préférence.
« Il y a bien quelques éleveurs en très grande difficulté sociale, économique qui baissent les bras et ne s'occupent plus assez de leurs animaux, nous voyons passer leurs dossiers en commission bien-être animal, mais aucun éleveur n'arrive dans cette situation parce qu'il nourrit un méthaniseur. Les élevages en grande difficulté ont besoin qu'on leur vienne en aide et qu'on comprenne leur détresse mais certainement pas qu'on les montre du doigt comme des maltraitants » reprend Christian Arvis. « Il n'y a qu'une dizaine de méthaniseurs en Creuse, il faut une exploitation très solide pour supporter un tel investissement, et parfois même se mettre à plusieurs pour y parvenir, les exploitations fragiles ont d'autres priorités. »
« Les méthaniseurs sont conçus pour produire de l'énergie dont on a bien besoin, et ils valorisent les effluents d'élevage en priorité. Le nourrissage d'un méthaniseur fait l'objet d'une étude en amont de la décision d'investir et nécessite d'être performant sur le plan technique et ne supporte pas le défaut de prévision, poursuit Yves Henry. Au prix actuel des fourrages, il n'est clairement pas possible de les mettre dans un digesteur, les éleveurs privilégient toujours l'alimentation de leurs animaux pour assurer une production qui devrait leurs permettre un revenu décent. »
Christian Arvis et Fabien Périgaud ne décolèrent pas contre la députée : « En 20 ans de syndicalisme, je n'ai jamais vu un député être aussi buté, rappelle Christian Arvis. Nous en avons vu passer de tous bords politiques. Il y a eu des frictions parfois très vigoureuses, y compris avec Jean-Baptiste Moreau qui est pourtant agriculteur, mais il n'y a jamais eu de rupture de relation comme c'est le cas avec Mme Couturier, qui au mieux nous ignore et au pire nous piétine. Ses prédécesseurs ont toujours été ouverts à la discussion et concernés par les dossiers que nous leur présentions. Elle oublie totalement que l'agriculture est la première économie du département, un éleveur, c'est 7 emplois induits, mais elle est anti-économie donc ce comportement n'est pas surprenant ». « Il vaudrait mieux qu'elle évite de s'exprimer sur l'agriculture à l'avenir, il ne faut pas parler avec autant d'aplomb de sujets que l'on ne connaît pas. Elle prétend nous défendre, mais avec des amis comme ça on n'a pas besoin d'ennemis », complète Fabien Périgaud.
De son côté, la députée admet des « paroles malheureuses » dues à la fatigue du débat parlementaire. Elle n'a pour l'instant pas indiqué sur quelle exploitation elle a vu les faits qu'elle a dénoncés.  Elle a même indiqué à nos confrères de La Montagne qu'elle avait en fait voulu « prévenir d'un risque », confirmant à demi-mots qu'en fait elle n'avait rien vu.
Dans la foulée des syndicats agricoles et de la Chambre d'agriculture, l'Association de défense de l'élevage et de l'environnement agricole et rural de la Creuse (Adeeparc)a également déposé une plainte, se constituant également partie civile. Pour ses co-présidents Jean-Philippe Viollet et Philippe Monteil, les propos de la députée à la tribune de l'Assemblée nationale sont « mensongers, insultants et accusateurs » « portent un préjudice moral et financier à l'ensemble de la profession agricole creusoise. »
Les responsables agricoles, bien que profondément blessés par les affirmations de la députée, ont tout de même choisi de garder un brin de sourire, Séverine Bry, secrétaire générale de la FDSEA, ironise : « C'est assez drôle quand même, le fond de son propos est de prioriser la production alimentaire face à la production d'énergie, c'est exactement la ligne que nous défendons depuis des années sur les dossiers de la méthanisation et du photovoltaïque au sol, elle devrait prendre sa carte à la FDSEA ! »

1. Citation exacte tirée du compte-rendu de l'Assemblée nationale : « Or la méthanisation doit fonctionner sans jamais s'interrompre, ce qui, pour des raisons de rentabilité, contraint parfois les agriculteurs - je l'ai constaté dans mon département de la Creuse - à utiliser leur fourrage pour alimenter les méthaniseurs, au lieu de le donner à leurs bêtes qui crèvent dans les champs ! »

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