David Chauve : « L'agriculture c'est sérieux ! Elle mérite mieux que des discussions de comptoir »
Au lendemain de la chute du Gouvernement Bayrou, le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes estime que la multitude des défis agricoles implique des réponses claires et rapides avec une puissance publique au travail.
Au lendemain de la chute du Gouvernement Bayrou, le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes estime que la multitude des défis agricoles implique des réponses claires et rapides avec une puissance publique au travail.
Alors qu'un nouveau cas de Dermatose nodulaire contagieuse a été décelé dans l'Ain, quelle est l'urgence selon vous sur ce dossier sanitaire ?
David Chauve : L'État doit franchement passer devant en obligeant la vaccination contre la DNC. Un recensement du cheptel réellement non vacciné doit être conduit sans délai, afin que les bêtes qui ne sont pas vaccinées le soient.
Rappelons qu'une période de 45 jours est nécessaire à partir du dernier cas recensé pour la reprise des mouvements d'animaux et le repeuplement des cheptels qui ont été abattus. Dans ces zones de montagne, on ne va pas pouvoir laisser les vaches à 1 500 mètres d'altitude indéfiniment. Il y a donc urgence.
Par ailleurs, les pertes directes et indirectes devront être assumées dans leur intégralité. Des acomptes de 2 100 euros par bêtes adultes euthanasiées ont été versés aux éleveurs, mais il reste le solde à percevoir calculé en fonction de leur niveau génétique. Les éleveurs ne peuvent plus attendre, l'État doit agir et vite.
La polémique sur la stratégie vis-à-vis de la DNC a enflé cet été en particulier sur les réseaux sociaux. Comment remettre de la rationalité sur un sujet aussi sensible ?
D.C. L'impact humain de la DNC est énorme sur les exploitations touchées, pour les éleveurs. Nous devons du respect à ceux qui ont fait abattre leur troupeau pour préserver le cheptel français. Mais il est dangereux de faire du populisme sur des sujets aussi sensibles.
La stratégie qui est contestée, s'appuie sur des faits scientifiques qui ont été corroborés par des spécialistes belges et allemands qui sont intervenus en Savoie. Ils ont démontré que l'abattage total était inéluctable pour endiguer la maladie. Le retour d'expérience en Italie confirme cette stratégie. Au-delà des doutes, factuellement, le travail colossal avec la mobilisation humaine et matérielle de la profession en Savoie a freiné l'évolution du nombre de cas.
À date, 1 700 bêtes ont été euthanasiées, si on n'avait laissé la maladie circuler, nous aurions condamné a minima 30 000 bovins.
L'agriculture c'est sérieux quand il s'agit de sanitaire, sérieux quand il s'agit de défis face au changement climatique, sérieux quand il s'agit d'une véritable arme de souveraineté alimentaire. Pour la juger, voir la commenter il faut se baser sur des éléments scientifiques, sur des chiffres et des éléments factuels et non sur un déferlement de « conneries » alimenté par un appauvrissement intellectuel de minorités donneuses de leçons permanentes qui se croient représentatives.
Pour aller plus loin Point de situation sur la DNC et foire aux questions
En quoi la loi Duplomb promulguée par le Chef de l'État en août constitue l'aboutissement d'une partie des revendications portées par le réseau FNSEA-JA ?
D.C. : Elle répond effectivement au besoin de desserrer l'étau qui pèse sur les agriculteurs. On a beaucoup parlé de l'acétamipride dont la réintroduction a été censurée par le Conseil constitutionnel, mais la loi Duplomb c'est sept autres articles validés par l'État sur huit. Le recours aux expertises terrain pour l'assurance prairie, les évolutions sur le stockage de l'eau avec l'agriculture hissée en intérêt majeur constituent des avancées. Mais pour que la loi s'applique, il faut que des décrets soient promulgués. Nous espérons que la ministre de l'Agriculture aura fait le nécessaire avant la chute du Gouvernement.
Comment obtenir des réponses de l'État dans un contexte de Gouvernement démissionnaire ?
D.C. : Il nous faudra avoir un interlocuteur clair rapidement. Les défis sont colossaux pour l'agriculture. Sur le sanitaire, sur les prix basés sur nos coûts de production, sur la prédation, sur le Mercosur, sur la PAC...
« Les paysans ne doivent pas se laisser embarquer par les réseaux sociaux qui ne traitent qu'en surface les informations. Méfions-nous des raccourcis, retrouvons notre bon sens paysan d'analyse. Les dossiers agricoles nécessitent de travailler sur le fond. Notre réseau s'y emploie quotidiennement ».
L'amputation de 20 % du budget de la PAC, annoncée mi-juillet par la Commission européenne est un problème...
D.C. : La baisse du budget de la politique agricole commune est effectivement impensable. Ce n'est pas aux agriculteurs de rembourser la dette Covid, la guerre en Ukraine. La première bataille à mener est donc celle du budget. La défense par le Commissaire européen à l'agriculture des territoires d'élevage et des modèles familiaux est plutôt un bon signal. C'est dans cette dynamique, qu'un renforcement des aides couplées est proposé.
Pourquoi l'annonce de la scission de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur est-elle inquiétante ?
D.C. : Sur le Mercosur, au-delà des distorsions et du message dévastateur envoyé par le gouvernement français vis-à-vis du manque de confiance et d'ambition pour notre agriculture française, la Commission européenne est en train de scinder l'accord pour faire en sorte que les États membres ne puissent pas faire valoir leur droit de veto. C'est scandaleux de telles manœuvres mais peut-être aussi le reflet du manque de franchise de nos dirigeants sur leurs intentions de départ. À court terme il n'y a pas trop de risques majeurs sur la déstabilisation des cours mais à moyen et long terme c'est une sérieuse ombre qui peut planer sur l'ensemble de nos marchés agricoles…