Fabrice Pannekoucke : « Le guichet national sur les aides agricoles européennes, c'est la double connerie »
Un an après son élection à la présidence de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Fabrice Pannekoucke regarde devant, décidé à puiser dans les ferments d'une politique qui a, selon lui, fait ses preuves : proximité, pragmatisme et agilité. Trois piliers largement déployés en matière de politique agricole dont il esquisse les contours.
Un an après son élection à la présidence de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Fabrice Pannekoucke regarde devant, décidé à puiser dans les ferments d'une politique qui a, selon lui, fait ses preuves : proximité, pragmatisme et agilité. Trois piliers largement déployés en matière de politique agricole dont il esquisse les contours.

Vous avez été élu, en septembre 2024 président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et cela fait dix ans que votre majorité est aux commandes de l'exécutif régional. Quel bilan pouvez-vous dresser ?
Fabrice Pannekoucke : Nous avons des potentiels qui se complètent dans notre région sur les questions agricoles, mais aussi sur tout ce qui fait la vie de la région. Le bilan, et ce qui nous distingue d'autres régions, c'est la manière dont on a réussi à atteindre notre solidité financière. Nous sommes la seule région qui n'a augmenté ni un impôt ni une taxe depuis 10 ans.
Dans ce qui fait l'attractivité régionale pour les investisseurs, c'est un élément majeur. Nous avons poursuivi ce que sont nos grands marqueurs : les sujets autour de la sécurité, des efforts, du travail, du mérite, de la santé… au plus près du terrain, avec une politique du "aller vers" car pour nous la ruralité n'est pas un concept mais bien une réalité.
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En quoi est-ce important de soutenir fortement l'agriculture ?
F.P. : Notre agriculture en Auvergne-Rhône-Alpes est une richesse qui sait se singulariser. Notre budget agricole est le premier de France. La DJA en Auvergne-Rhône-Alpes, c'est la première de France, avec 41 000 euros en moyenne. Les champs sur lesquels nous avons investigué nous permettent aussi de consolider les signes officiels de qualité.
Nous sommes la première région des produits sous signes de qualité.
Parralèlement, nous avons un discours équilibré puisque lorsqu'on a beaucoup pris la parole sur zéro artificialisation nette des terres, on a à la fois une action forte en faveur du foncier pour dire on doit pouvoir être un territoire où il y a de l'aménagement et du développement mais dans le même temps nous sommes très respectueux de notre agriculture et de notre foncier agricole stratégique.
Notre agriculture est une grande fierté. Les hommes et les femmes qui la font sont engagés dans des standards de grande qualité. Arrêtons de vouloir laver plus blanc que blanc.
Sur la DNC, Auvergne-Rhône-Alpes est malheureusement en première ligne. En quoi cette crise sanitaire est inédite ?
F.P. : Le week-end du 27 au 28 juin, va rester gravé dans ma mémoire. Voir partir son cheptel, c'est une catastrophe humaine. C'est le fruit d'années, quand ce ne sont pas des générations de travail pour sélectionner, améliorer la qualité, balayé en quelques jours. Catastrophe économique, aussi car vous êtes en pleine production et on vous retire votre outil de travail. Pourquoi on a fait ça, parce qu'on n'a pas eu le choix. Je dénonce avec la plus grande fermeté ceux qui ont fait croire autre chose parce qu'en réalité, ils ont exploité syndicalement, politiquement cette situation. Je ne suis pas un expert des questions sanitaires.
Mais quand on voit ce qui s'est passé dans d'autres pays avec la DNC, c'est documenté, c'est objectivé, il y a une seule réponse qui tient en deux actions : abattage total et vaccination.
Les éleveurs ont joué le jeu en étant responsables individuellement pour sauver le collectif. Je salue la chaîne de solidarité qui a joué jusque dans le Cantal. Dans les premiers jours, la crise a été galopante, ce n'est qu'à partir du moment où il y a eu cette approche certes brutale mais indispensable qu'on a pu voir des résultats. Nous espérons que la crise s'éteindra le plus rapidement possible.
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L'État a-t-il selon vous été suffisamment réactif ?
F.P. : L'État a été au rendez-vous sur la réaction. Mais l'État reste attendu notamment sur la question du financement même s'il y a eu des avances, on n’est pas au bout du bout. Par ailleurs, il y a une disposition dans le cadre du Feader, la mesure 23, qui permet d'accompagner en cas de crise, que l'État peut activer. On a aussi besoin de l'État pour desserrer les contraintes des minimis pour accompagner les éleveurs.
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Quelles mesures avez-vous activées à l'échelle de la région ?
F.P. : Nous avons organisé une première réunion de crise le 11 juillet, avec la profession agricole, avec les élus du territoire de manière à poser les choses. Une fois que nous avons écouté, travaillé, on a été capable de mettre en place un dispositif. Nous ne sommes pas là pour faire à la place des autres, on est là pour faire avec un collectif qui doit apporter des réponses.
Nous avons donc mis sur la table 600 000 euros avec un accompagnement à 300 euros par bovins euthanasiés et on porte cette aide à 400 euros pour les JA.
Le guichet est ouvert depuis le 16 septembre. Mais ce n’est pas fini, nous avons un rôle important à jouer auprès des filières, de nos abattoirs, de nos coopératives, ce sera le deuxième train de mesures prévues pour octobre.
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Toujours au chapitre sanitaire, la région a mis en place une aide à la recapitalisation des cheptels ovins touchés par la FCO. Ce dispositif est-il toujours d'actualité ?
F.P. : Le dispositif est toujours d'actualité, on a reçu 250 dossiers. Le guichet est ouvert jusqu'au 31 octobre de manière à permettre à tous les éleveurs de pouvoir bénéficier de ce soutien. Il s'agit d'un dispositif à 1,5 million d'euros, qui prévoit là encore une majoration pour les JA.
Alors que le Sommet de l'Élevage ouvrira ses portes le 7 octobre prochain à Clermont-Ferrand, on sait que la mesure concernant les bâtiments d'élevage du PCAE est très prisée des éleveurs. Sera-t-elle financée à hauteur des besoins ?
F.P. : Nous avons effectivement une très forte dynamique. Quand on consommait sur la période 2014-2022, 19 millions d'euros par an, sur la période 2022-2027, nous sommes à 39 millions par an. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduit avec la profession agricole à retravailler sur les mesures. Nous serons au rendez-vous pour tenir cette dynamique parce qu'on a retravaillé sur nos conditions d'octroi, qu'on a voté une enveloppe complémentaire de 15 millions d'euros en mars dernier comme nous l'avions fait en 2024 en rajoutant 20 millions d'euros. Nous avons fait des efforts conséquents.
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Sur le site de la Grande Halle d'Auvergne, les organisateurs du Sommet de l'Élevage plaident pour la construction d'une troisième halle comme le prévoyait le projet initial du président Giscard d'Estaing. Est-ce toujours d'actualité ?
F.P. : La troisième halle est un sujet d'actualité qui dure. À ce stade, on n'est pas à dire on va construire la troisième halle. C'est un sujet sur lequel nous continuons d'échanger. J'ai très régulièrement au téléphone Jacques Chazalet, le président du Sommet. Il y a une expression durable du Sommet de l'Élevage sur ce besoin complémentaire. Nous avons le souci d'accompagner de la meilleure des manières cet évènement majeur reconnu à l'échelle internationale, tout comme nous travaillons aussi avec les organisateurs de la belle foire de Beaucroissant.
La Commission européenne a dévoilé sa feuille de route pour la PAC post 2027, le 16 juillet dernier, avec une baisse budgétaire de 20% mais où la France recevrait 50,9 Md€ sur la période. Que pensez-vous de cette première mouture ?
F.P. : Aujourd'hui c'est globalement une enveloppe de 293 milliards dédiée à l'agriculture européenne qui est proposée. La France devrait pouvoir bénéficier de 17 % de cette enveloppe et donc consolider sa place de premier pays bénéficiaire de la PAC. Je n'ai pas l'intention qu'on se laisse croquer le moindre euro de notre budget car on a une agriculture de qualité et sur laquelle il y a de vrais besoins.
Les enjeux sont majeurs sur le renouvellement des générations, sur le sanitaire, les normes... Nous devons continuer d'accompagner de la meilleure des manières notre agriculture. Le soutien de l'Europe est donc essentiel.
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Le mouvement de renationalisation de la PAC vous inquiète-t-il ?
F.P. : J'y suis farouchement opposé, nous faisons combat commun sur ce sujet au niveau de Régions de France. En Auvergne-Rhône-Alpes, nous sommes la région qui mobilise le mieux les dispositifs européens sur son territoire. On en a besoin car cela contribue de notre dynamique. Je ne souhaite pas qu'il y ait une renationalisation car ce serait risquer de perdre la main pour accompagner notre agriculture tout en étant victime d'une approche purement administrative où nous perdrions notre agilité au plan régional.
Il y a une espèce de petite idée de gens qui sont dans les bureaux qui pensent qu'il faudrait avoir un seul guichet sur l'ensemble des aides européennes. Le guichet national sur les aides européennes, c'est la double connerie. Je veux qu'on puisse savoir ce qui est orienté vers l'agriculture et ce qui est orienté vers les autres dispositifs.
Quid du traitement spécifique des zones défavorisées ?
F.P. : Nous sommes particulièrement vigilants là-dessus. On a des secteurs de notre grande région où s'il n'y avait pas l'élevage, on ne pourrait rien faire, donc ces zones défavorisées ont un sens. Je m'oppose à toute approche linéaire vu de Paris, comme d'ailleurs, dans notre région, nous n'avons pas une vision linéaire vu de Lyon.
La lecture locale de nos situations agricoles particulières est essentielle.
Sur l'installation des jeunes, à l'avenir, comment entendez-vous bâtir les dispositifs d'accompagnement ?
F.P. : On a une dynamique très forte puisque c'est plus de 1 700 de dossiers de JA qui ont été programmés depuis le début de la nouvelle programmation (2023-2027). En 2025, on a encore une trajectoire à 850 dossiers, ce qui nous place au-dessus de la moyenne de la programmation précédente. On installe plus tout en vérifiant au terme de cinq ans si les objectifs sont atteints.
En effet, je crois à une agriculture de production et créatrice de richesse pour dégager du revenu, et permettre d'investir.
Ce n'est pas un programme politique mais une vision de société. Cette valeur, elle se crée aussi bien en circuits courts qu'en circuits longs. Mais, on ne peut pas utiliser des outils de financement pour un projet qui ne serait pas viable économiquement. Si nous ne créons pas de revenu, on devient complice d'une agriculture qui fait vivre au RSA. Ce n'est pas le modèle que l'on souhaite encourager.
Enfin, les attaques de loup sur des troupeaux ovins et bovins sont nombreuses dans notre région. La cohabitation vous semble-t-elle possible ?
F.P. : Sur le loup, c'est insupportable de considérer qu'on protège mieux le loup que nos éleveurs. J'ai la conviction profonde que nous avons un sous-comptage de l'effectif, et qu'en réalité, on ne prélève pas assez. Ce n'est pas acceptable. L'État français peut aussi revoir son positionnement sur la directive habitat faune flore, comme l'a fait Bruxelles dernièrement, en rétrogradant le loup d'espèce strictement protégée à espèce protégée.
Une traduction dans notre droit national doit s'opérer sans délai. C'est essentiel pour adapter la réponse à la régulation. Au niveau régional, nous accompagnons les éleveurs sur la protection. Mais on voit bien qu'aujourd'hui ce n'est plus suffisant. On aide également les louvetiers dans l'investissement dans du matériel qui permet d'aller abattre les loups. On va continuer de le faire sur les armes, sur les lunettes…
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