Interview Jean-Jacques MORDIER
Et si nous parlions de la filière céréale …
Jean-Jacques Mordier, producteur de grandes cultures à Surat, et membre du bureau de l’Udsea du Puy-de-Dôme, fait le point sur la production de céréales en Limagne ; une production aujourd’hui déstabilisée
Comment se présente la récolte céréalière 2009 en Limagne ?
Après deux années consécutives de rendements médiocres, 2009 devrait être l'année du retour à un niveau moyen de production (soit près de 70 qx/ha), avec cependant d'importantes variations entre secteurs, voire entre parcelles, selon la qualité des sols et les conditions climatiques. En effet, certaines zones de la Limagne ont souffert de la sécheresse alors que d'autres ont subi une forte pluviométrie de printemps. Sur le plan de la qualité, celle-ci devrait être conforme aux attentes de la valeur des blés des Limagnes, sans préjuger toutefois des conditions météorologiques des prochains jours. Et à ce jour, peu de blé a été récolté, il est donc encore trop tôt pour établir avec précision les rendements et la qualité des récoltes à venir.
Comment les producteurs des Limagnes abordent-ils cette campagne ?
Cette récolte, il faut bien le dire, est abordée avec une grande inquiétude par les producteurs de la Limagne. Après l'embellie réelle des prix en 2007, les producteurs de blé subissent aujourd'hui une double peine : la chute continue des cours du blé et l'explosion des coûts de production. Ce dernier point est une caractéristique forte de la campagne 2009. Tous les postes de charges d'exploitation ont augmenté, celui de la fertilisation a même doublé par rapport aux années précédentes. Nous sommes aujour-d'hui dans une fourchette de 250 à 350 euros/ha de coûts de fertilisation en blé! Cette augmentation est le fruit de la flambée des prix des matières premières, reportée sur les prix des intrants achetés en 2008 pour la campagne 2009.
En résumé, avec un prix du blé en baisse et la hausse des charges : le cocktail est explosif pour l'équilibre des trésoreries des producteurs. Et ces dernières sont d'autant plus fragilisées que l'embellie de 2007 n'a pas profité à tout le monde. Nombreux sont les producteurs qui, notamment dans les Limagnes, sont passés à côté de cette manne éphémère. La fluctuation des prix est en effet un phénomène particulièrement compliqué à maîtriser et qui rend difficile le positionnement commercial, que ce soit pour les particuliers ou pour les coopératives...
A quel niveau se situe aujourd'hui le prix de vente du blé ?
Le prix de vente à la tonne pour un blé panifiable supérieur (BPS) type Apache -cultivé en majorité cette année sur la plaine de la Limagne -se situerait dans une fourchette comprise entre 140 et 160 euros/t pour un rendement de 8t/ha. C'est un prix en forte baisse par rapport aux 180 euros/t qui, en 2007, représentaient le prix moyen au meilleur de la campagne mais dont peu ont profité...
La difficulté cette année, c'est que le prix d'acompte des coopératives sera sans doute inférieur à 100 euros/t pour un BPS. Et ce prix est bien loin de couvrir l'augmentation des charges de production que nous subissons. Par ailleurs, nous ne sommes pas en mesure aujourd'hui de préjuger des compléments de prix versés par nos coopératives. Tout dépend de la situation des marchés, de la production mondiale, des cours mondiaux et du contexte de crise qui a tendance à tirer le prix vers le bas.
Les producteurs ne bénéficient en fait d'aucun filet de sécurité pour contrer la volatilité des prix ?
Il est évident que le marché céréalier au niveau mondial est tombé dans les griffes de la spéculation. Ce qui s'est passé en 2007 est le reflet parfait de ce jeu dangereux dans lequel les agriculteurs n'ont aucun intérêt à entrer. De par ses travaux, le MOMAGRI tente de faire entendre raison sur ce point aux gouvernants de ce monde. Il prône ainsi la mise en place de politiques de régulation pour lutter contre les défaillances de marché et l'hyper-volatilité des prix.
Quelles seront les conséquences de l'application du bilan de santé de la Pac pour les exploitations céréalières des Limagnes ?
Rappelons que le bilan de santé de la Pac a été construit sur l'idée que les cours des céréales demeureraient durablement élevés...or la campagne présente nous démontre l'inverse ! Résultat : la mise en place de prélèvements importants dès 2010 va impac- ter fortement les exploitations céréalières ; soit près de 5000 euros pour une exploitation moyenne. La mesure est d'autant plus inquiétante qu'elle va se cumuler avec les difficultés auxquelles les producteurs sont déjà confrontés (volatilité des prix, hausse des charges...). Et les jeunes récemment installés ne sont pas épargnés par ce contexte qui déstabilise leurs exploitations et leur ôte toute lisibilité.
L'inquiétude est donc réelle chez les agriculteurs.