Les attaques pèsent sur les éleveurs du Plateau
Sur le plateau de Millevaches, les éleveurs sont à bout face aux attaques répétées du loup. Entre détresse, colère et fatigue, ils disent vivre dans la peur chaque matin. L’un d’eux a accepté de témoigner pour raconter ce qu’il vit au quotidien, après la perte d’une partie de son troupeau.
Sur le plateau de Millevaches, les éleveurs sont à bout face aux attaques répétées du loup. Entre détresse, colère et fatigue, ils disent vivre dans la peur chaque matin. L’un d’eux a accepté de témoigner pour raconter ce qu’il vit au quotidien, après la perte d’une partie de son troupeau.

Pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé ce week-end ?
Ce week-end, c’était la quatrième attaque sur une semaine dans le secteur. Au total, 55 brebis ont été attaquées. Pour mon exploitation, cela représente déjà près de 10 % du troupeau perdu. Chaque matin, on se lève avec la peur au ventre, en se demandant ce qu’on va retrouver dans les prés.
Quand je suis arrivé, les brebis étaient éparpillées sur plus de 800 mètres. Certaines encore vivantes, agonisantes… d’autres déjà mortes. C’est une vision qu’on n’oublie pas. Voir nos bêtes souffrir sans rien pouvoir faire, ça vous retourne complètement. On élève ces animaux depuis des années, on les connaît toutes, et les voir étalés comme ça, c’est insupportable. Ça fait mal au ventre.
Comment vivez-vous cette situation au quotidien ?
Très difficilement. On dort mal, voire plus du tout. On vit dans la peur que ça recommence. C’est épuisant, moralement et physiquement. Toute la famille est touchée, on partage la même angoisse. On se demande si ça vaut encore le coup de continuer l'élevage. Et le pire, c’est qu’on ne se sent pas soutenus. Personne ne veut prendre de responsabilités pour avancer, tout le monde se retranche vers le cadre de la réglementation : institutions, associations… C’est un vrai malaise. On a le sentiment d’être seuls face à tout ça.
Quelles sont les conséquences pour votre exploitation ?
C’est une perte énorme. Environ 10 % du troupeau, sans compter les brebis traumatisées qui risquent de perdre leurs petits. Économiquement, c’est un coup dur mais qui va aussi se répercuter également sur les années à venir. Mais au-delà de l’argent, c’est un déchirement. Ce n’est pas qu’un cheptel, c’est notre travail, notre histoire, notre vie. Aucune indemnité ne remplacera ça.
On avait déjà subi des attaques en juin. On espérait que ça allait s’arrêter, mais au contraire, ça s’intensifie. On a des filets, des chiens de protection, on surveille autant qu’on peut, mais le loup contourne tout. Ces moyens ne sont pas efficaces, on ne peut pas être derrière les bêtes jour et nuit.
Craignez-vous que cela se reproduise ?
Oui, c’est presque une certitude. Tant que rien ne change, les attaques vont continuer. Et ça remet tout en question : notre métier, notre avenir, et même celui du territoire. Si l’élevage disparaît, c’est toute l’économie du plateau qui s’effondre. Ce sont les paysages qui se ferment, les terres qui partent en friche. Il faut se demander s'il on veut encore de l'élevage sur nos territoires.
Que faudrait-il faire selon vous ?
Il faut pouvoir réguler le loup, le rendre chassable dans les zones où les attaques se multiplient. Les moyens de protection ne suffisent plus. Il faut des décisions concrètes, du courage politique.
Et il faut travailler conjointement avec la Corrèze, qui subit elle aussi les attaques. Nous sommes tout autant impactés, il faut réagir ensemble. Nous sommes épuisés moralement et physiquement. Déjà en juin, nous avions perdu des brebis, et là ça recommence… On ne peut plus continuer comme ça. On va finir par craquer.
Quel message souhaitez-vous faire passer à la société ?
Le loup, c’est peut-être beau pour ceux qui le regardent de loin. Mais sur le terrain, ce n’est pas compatible avec l’élevage. Le loup ne tue pas seulement pour se nourrir, il tue pour tuer : il laisse des brebis agonisantes, blessées, terrorisées. Et nous, on en paie le prix. On demande simplement que notre réalité soit entendue, respectée et prise en compte avant qu’il ne soit trop tard.