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Dermopigmentation de l’aréole mammaire : une technique d’utilité publique

En rejoignant le Cantal, Flavie Camus a fait le choix “évident mais compliqué” de s’installer en tant que dermographe et intervient auprès de femmes ayant subi une mastectomie.
 

Une dame souriante face à un miroir.
Dermographe, Flavie Camus intervient auprès d’une quinzaine de femmes par an qui souhaitent reconstruire, par la dermopigmentation, leur aréole mammaire après une ablation du sein. “Je fais mon métier par passion, pour redonner de l’estime de soi”, explique-t-elle.
© Marie Varnieu

En peu de temps, beaucoup de choses ont changé dans la vie de Flavie Camus. Prothésiste ongulaire dans une grande onglerie parisienne, la jeune femme suit son mari dans le Cantal, il y a une quinzaine d’années, à la faveur d’un poste qui se libérait chez EDF. Le couple, qui a des attaches familiales en Châtaigneraie, tente le grand saut : “De Roumégoux, on ne connaissait que le mois d’août et les fêtes de famille !” Après son congé parental pour élever deux enfants porteurs de handicaps, la jeune femme renoue avec la vente dans une enseigne d’optique, à Aurillac. Mais un autre projet lui trotte dans la tête depuis des années… “La vie a fait que je ne me suis pas lancée. Et puis, je suis restée quatre ans chez Optim, avec une équipe formidable mais je me suis dit que c’était maintenant. C’était un choix évident mais compliqué…” 

À fleur de peau


Il y a 20 ans, Flavie Camus perd “Marilyne, une amie très proche, d’un cancer du sein. C’était une évidence qu’il fallait que je fasse quelque chose pour aider. Nous avons tous, dans notre famille, nos amis, quelqu’un touché par cette foutue maladie”. Et ses conséquences, que même les malades peuvent ignorer, souvent par manque d’informations, ce que comprend la dermographe : “Est-ce que l’on est capable d’entendre que nos sourcils ne repousseront pas forcément après une chimiothérapie ?” Mais ce qui la révolte, c’est l’ignorance et la solitude dans laquelle les femmes sont laissées après une mastectomie. “Beaucoup trop de patientes ne sont pas au courant que la reconstruction aréolaire existe alors que ce sont les premières concernées. À chaque manifestation où je me rends, je m’en rends compte et c’est désolant, voire immoral.”
Après s’être formée durant six mois, Flavie Camus s’installe en bas de chez elle, à Roumégoux, et propose d’abord du “micro-blading” pour reconstruire les sourcils poil à poil avec un pigment dont la couleur est définie en fonction de l’âge, de la carnation de la peau et de la couleur de cheveux naturelle. “Je viens ensuite griffer la peau avec une tool” et lui donner un aspect plus sophistiqué, mais pas n’importe comment : “Je n’ai pas de pochoir ou de réglette, la création se fait le jour J. Je prends des mesures avec un compas, comme pour l’écartement bouche-nez, bouche-œil” et les mets en parallèle du nombre d’or, 1,618, la divine proportion. “Tout ça va me donner des points que je vais ensuite relier pour déterminer l’implantation parfaite du sourcil sur le visage. Tout est fait sur-mesure, en fonction de la cliente.” 
Avec un objectif : “Redonner confiance” en gommant un complexe, en corrigeant une asymétrie, en recréant un sourcil manquant, en couvrant une cicatrice… Et pour que l’illusion soit parfaite, un ombrage (le phishading) est appliqué entre deux poils pour donner cet effet de volume. En plus de la première séance de deux bonnes heures, il faut compter une retouche fixatrice obligatoire après quatre à huit semaines et un entretien annuel, soit un peu plus de 300 €. La dermographe propose en complément le maquillage permanent des lèvres, grâce à une machine et des cartouches de couleurs : “Un arc de Cupidon bien dessiné, ça change le visage.”

 

Une femme souriante devant une fenêtre.

Sein Barbie


Et depuis presque trois ans, la jeune femme a ajouté une corde à son arc en se formant à la dermopigmentation corrective auprès d’Anna Ferrario, qui a notamment créé une unité spécialisée “Magic Ink” à l’hôpital Trousseau de Paris, qui intervient auprès d’enfants brûlés, pour du tatouage médical réparateur. L’entrepreneuse française œuvre également à la reconstruction d’aréoles mammaires en 3D, ce sur quoi Flavie Camus porte son attention. Là encore, c’est une histoire de pigments pour coller au plus près à la couleur d’origine du mamelon et de son aréole. “S’il reste un sein, je me cale sur lui, notamment pour la grosseur. Je commence par le téton puis par l’aréole et je complète avec un jeu de lumière pour donner un effet 3D.” La séance dure en moyenne 3 heures, et certaines ne vont pas à leur terme… “Je commence toujours par discuter longuement avec la cliente, j’essaye de comprendre pourquoi elle veut avoir recours à la dermopigmentation. Il faut qu’elle ait envie pour elle, pas pour son mari. C’est un acte de soin et de reconstruction, pour apaiser, donner confiance. Il faut qu’elles aient le choix.” Certaines choisiront finalement le tatouage pour couvrir les cicatrices, d’autres de ne rien faire du tout. 
Flavie Camus est la seule dans le Cantal à pratiquer la dermopigmentation de l’aréole mammaire 3D. Elle peut intervenir un an après une intervention chirurgicale ou une radiothérapie ; six mois après la fin de la chimiothérapie ou un lipofilling(1). Elle fait remplir un questionnaire médical pour connaître les antécédents de la patiente, qui repart avec un dossier complet après l’intervention. “Je ne fais pas de zèle, la traçabilité est obligatoire. J’ai une responsabilité sur le résultat, la tenue, l’hygiène,… Je me mets une réelle pression. Même avec de l’expérience, je reste extrêmement exigeante avec moi-même et mon travail.”
Par an, une quinzaine de femmes franchissent le seuil de son local après avoir subi une ablation simple ou bilatérale suite à un cancer et souhaitent éviter le “sein Barbie” ou celui des femmes Amazone. “Je fais mon métier par passion, pour redonner de l’estime de soi. Il faut qu’il y ait un sens. Si j’avais le choix, je ferais essentiellement de l’aréole.” Mais deux obstacles peuvent freiner les femmes à passer le cap : le manque d’informations donc, mais aussi la prise en charge paramédicale, totalement inexistante… “Tout est à leur charge”, regrette la dermographe, soit 250 € pour une intervention...

(1) Prélèvement des graisses dans une zone du corps pour les réinjecter à un autre endroit à des fins de comblement, remodelage,…

 

Huit mois après son vote au Parlement, la loi visant à réduire le reste à charge des femmes atteintes d’un cancer du sein n’est toujours pas appliquée. Adopté définitivement fin janvier, à l’unanimité, promulgué le 5 février, le texte, rapporté par le communiste Yannick Monnet, nécessite quatre décrets et arrêtés pour s’appliquer. Aucun n’a encore été publié. La loi votée prévoit notamment la prise en charge intégrale par l’Assurance maladie du renouvellement des prothèses mammaires, la dermopigmentation de l’aréole ou de sous-vêtements adaptés.

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