Crise du broutard : état des lieux de la situation
Alors que la crise bovine ne fait qu’accroître la colère des éleveurs, la section bovine de la FDSEA de la Creuse travaille pour sa part aux cotés de la FNB et de la FNSEA pour apporter sa contribution dans cette grande réflexion nationale.
Contexte
Sur le marché de la viande bovine, les indicateurs de consommation sont au vert : la consommation domestique se tient et les volumes d’exportation – notamment d’animaux maigres – sont stables, alors que l’offre française diminue du fait de la décapitalisation progressive mais constante du cheptel de bovins français de race à viande (3,73 millions de VA en octobre 2020, soit -7,3 % depuis 2016).
Pourtant, dans le même temps, le prix payé aux producteurs – notamment celui du broutard et du jeune bovin – ne cesse de baisser pour s’éloigner, toujours plus, du « coût de production » des éleveurs.
C’est ainsi que dans la quasi-indifférence se joue en France, depuis plusieurs années, un « plan social » aux conséquences économiques et territoriales désastreuses : ce sont 2 000 éleveurs de bovins de race à viandes qui disparaissent, chaque année.
Cette note propose de faire le point sur l’une des principales « actualités » du secteur : la crise du broutard. Elle est construite sur la base de données officielles, provenant des sources suivantes : DGAL – douanes françaises, Normabev, GEB IDELE d’après INSEE et BDNI, SPIE Normabev-Bovex (projet MODEMO), cotations France AgriMer, cotations Modène, Insee, Interbev.
Production de broutards français : pour quels débouchés ?
Un broutard est un jeune veau mâle de race à viande, qui se nourrit de lait maternel et d’herbe jusqu’à son sevrage, généralement commercialisé entre 7 et 13 mois. La France produit chaque année environ 1,8 million de broutards mâles. En dehors de la production de broutards, une partie des animaux est conservée dans les élevages pour la reproduction, ou la production de bœufs.
Cette production est répartie dans deux circuits de commercialisation :
Environ 745 000 broutards sont exportés, majoritairement vers l’Italie : le marché italien représente 76 % des exports vifs français et les broutards français représentent 83 % des achats italiens. Une fois ces animaux exportés, la viande produite en Italie ne revient pas sur le marché français (entre 15 et 20 ktec de viande seulement sont importées en France depuis l’Italie, et il s’agit, comme pour la majorité des importations françaises, de viande de femelles).
Environ 640 000 broutards sont engraissés en France, pour la production de viandes majoritairement destinées à l’export (59 % des volumes, qui représentent 83 % des volumes totaux de viandes françaises exportés - Source : Étude « Où va le bœuf ? » - GEB Idele)
Pourquoi la France exporte-t-elle plus de la moitié de sa production de broutards ?
Parce que la consommation de viandes bovines est, en France, du fait des habitudes de consommation, très majoritairement orientée sur la voie femelle (78 % conso viandes femelles VS 22 % voie mâle).
À noter : Du fait de ces habitudes de consommation, la France importe principalement des viandes issues de voies femelles, essentiellement dédiée au segment de la restauration hors domicile et de la boucherie traditionnelle (environ 300 000 tonnes importées chaque année) et exporte principalement de la viande de mâles.
Parce que le peu de débouchés existants pour le JB engraissé en France ne sont absolument pas rémunérateurs pour les éleveurs français (cotation Semaine 47 : 3,74 €/kg soit un différentiel de -1 €/kg par rapport au coût de production de l’éleveur (4,76 €/kg).
La situation du marché du broutard en 3 points clés
Sur l’année, les exports sont stables vers l’Italie, en comparaison avec 2019, année haute en termes d’export vif. En outre, la cotation du JB Italien (produit à partir du broutard français) est également stable.
L’offre de broutards français est en baisse avec la décapitalisation et la baisse des naissances qui se poursuivent. Il n’existe donc pas de « sur-stock » d’animaux en ferme.
Le prix payé au producteur français a, lui, perdu 36 centimes en 17 semaines (mâle charolais U de 400 kg), soit plus de 140 € de moins par animal en moyenne. Ceci représente en moyenne 3 800 € de pertes par chef d’exploitation, ce qui correspond à 30 % du résultat courant par chef d’exploitation (Inosys, 2019).
Quelle explication et quelles solutions face à la crise du broutard ?
Au regard des indicateurs économiques ci-avant : une crise qui n’a rien de « conjoncturel ». La crise du broutard résulte, principalement, de l’incapacité des « vendeurs » français à aller chercher de la valeur sur le marché italien, alors même que le secteur de l’engraissement italien est totalement dépendant des broutards français (le broutard français représente 83 % des achats italiens !)
Un marché du broutard français détenu par 3 principaux opérateurs… qui refusent de travailler ensemble sur un projet collectif de création de valeur pour les producteurs (projet de structuration d’une Association d’Organisations de Producteurs, poussé par la FNB). Alors que le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation a, récemment, commandé une « feuille de route » collective à ces groupes d’export et la FNB, la concertation relative à la construction de cette feuille de route a échoué. Les groupes d’export sont fermés à toute remise en cause de leur stratégie individuelle, en dépit de l’urgence de la situation économique dans laquelle se trouvent leurs fournisseurs.
Au regard du refus des groupes d’export de travailler collectivement à la construction d’une AOP, en application du règlement Omnibus, la FNB se trouve face à une impasse : l’organisation de la filière est telle que les éleveurs se trouvent seuls et « démunis » face à des acteurs qui, à eux-seuls, détiennent la main sur la quasi-totalité du marché. Ayant fait le constat qu’elle ne disposait d’aucun « allié » dans ces structures en place, pour tenter d’impulser une stratégie collective créatrice de valeur, la FNB n’a désormais d’autre choix que d’explorer une autre piste de solution, visant à permettre aux éleveurs de reprendre la main sur la commercialisation de leurs animaux, en contournant les opérateurs en place.
Section bovine de la Creuse d’après note Fédération nationale bovine