Filière
Crise des filières bio : les propositions de la FNSEA
Les producteurs bio de lait, d’œufs, de fruits et légumes ou encore de viandes font face au déclassement de leurs produits. Cela s’ajoute au durcissement du cahier des charges et présente un risque de déconversions dans le secteur.
Les producteurs bio de lait, d’œufs, de fruits et légumes ou encore de viandes font face au déclassement de leurs produits. Cela s’ajoute au durcissement du cahier des charges et présente un risque de déconversions dans le secteur.
Depuis plus d’un an, les filières bio connaissent un ralentissement important de la consommation. C’est le cas du lait bio avec une collecte qui ne cesse de croître. Elle s’est élevée en 2020 à 1,14 million de tonnes, soit une hausse de 11,7% par rapport à 2019. Fin 2022, d’après les volumes déclarés en conversion, la collecte pourrait atteindre 1,35 milliard de litres, soit une hausse de 22% par rapport à son niveau de 2020. C’est près de 4 400 producteurs représentant 6 % de la collecte totale qui seront alors collectés en bio, tout cela sans nouveaux débouchés pour les laiteries, qui ont ainsi stoppé les conversions.
À ce titre, Lactalis prévoit le déclassement en conventionnel de 30 à 40% de sa collecte de lait bio en 2022. Une situation qui peut vite dégénérer comme l’illustre la dizaine d’agriculteurs laitiers vosgiens engagés en agriculture biologique dont l’entreprise a dénoncé ses accords de collecte. Entre 8 et 10 millions de litres de lait bio vosgien ne sont ainsi plus valorisés et sont partis dans le circuit conventionnel.
Revenir à un équilibre des marchés
C’est aussi le cas de la filière des œufs biologiques, qui est tout particulièrement concernée par un déséquilibre important du marché, et ceci depuis plusieurs mois. Elle est non seulement confrontée à une crise de surproduction sans précédent mais elle doit aussi, depuis début 2022, absorber une hausse inédite de son coût de production : + 26 % (+ 4,3€/100 œufs) du seul fait du nouveau règlement européen (source ITAVI) ainsi qu’une forte augmentation des coûts de production causée notamment par la hausse continue du prix des matières premières et de l’énergie. Sur les sept premiers mois 2021, la vente d’œufs bio en GMS a régressé de - 7.5 % comparativement à 2020. Le nombre de poules biologiques en excédent face aux besoins actuels du marché est estimé à 1,15 million de sujets, soit 14% de l’effectif total en poules bio ou l’équivalent de la production de 140 exploitations de taille moyenne.
Pour la filière fruits et légumes biologiques on constate entre janvier et octobre 2021 une baisse des achats en volume de - 9,5% par rapport à 2020 et de - 4,7% entre 2018 et 2020.
Enfin, la filière viande bovine biologique est également en difficulté, avec 20 % de la production qui se trouverait déclassée à un prix inférieur au bio, alors même que les prix de la viande bio sont déjà très en deçà des coûts de production. La baisse des achats en GMS est estimée entre 13 % et 15 %. La mise en place de la nouvelle réglementation sur l’agriculture biologique aura des impacts financiers directs (notamment pour la mise aux normes des bâtiments) mais aussi indirects. En effets, les animaux risquent d’être moins bien finis (finition à l’herbe plus complexe dans certains territoires), avec un risque de sortie de ces animaux du circuit bio et il faut craindre une fuite d’autant plus importante que celle existante (142 000 animaux par an selon Interbev) vers le conventionnel.
Alors même que les Français déclarent valoriser les produits locaux et les labels, le bio ne semble plus être autant privilégié. Entre crise d’identité, concurrence de nouvelles promesses et tensions financières, le développement du bio subit de front plusieurs freins avec des conséquences sur les producteurs agricoles.
Stimuler la demande
La FNSEA appelle à la construction d’une communication générale et générique sur les bénéfices de l’agriculture bio sans pour autant stigmatiser l’agriculture conventionnelle. En outre, elle souhaite lutter contre la multiplication des labels qui contribue à entretenir un flou sur les atouts du label AB.
Le ministère a déployé un gros travail sur l’amélioration de la communication pour stimuler la demande. L’enveloppe supplémentaire annoncée lors des 20 ans de l’Agence bio allouée à l’Agence a été doublée et passe ainsi à 400 000 €. Mais le ministère n’apporte, pour le moment, aucune réponse sur le volet « offre ». Face à la situation de déséquilibre des marchés, la communication ne peut pas être la seule et unique solution.
La restauration collective constitue un levier important pour écouler les produits qui ne trouvent pas de débouchés en GMS. Avec la loi EGAlim, les repas servis en restauration collective dans tous les établissements publics doivent compter 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques depuis le 1er janvier 2022. Or, cet objectif est loin d’être atteint et se situe plus près des 5 %. La FNSEA considère ce débouché de marché comme essentiel pour les producteurs bio, à condition de privilégier les produits français. Pour cela il est impératif d’accompagner financièrement cette montée en gamme. La FNSEA demande clairement que des moyens plus importants soient pourvus dans les budgets alloués à la restauration collective. En complément, elle incite tous les opérateurs à poursuivre le travail engagé permettant de privilégier les produits bios et français lors des appels d’offre.
Dans la continuité de la précédente demande, il faut souligner que le bio est un facteur clef de la souveraineté alimentaire. En effet, 80% du bio consommé en France est produit nationalement en dehors des produits tropicaux non produits en métropole. Le label AB doit être identifié comme un gage d’agriculture locale. Par conséquent, l’étiquetage de l’origine des produits bruts comme transformés issus de l’agriculture biologique est une impérieuse nécessité pour répondre aux attentes du consommateur qui souhaitent consommer français.
Ne pas mettre de côté le volet offre
Lors de la négociation sur la PAC, la FNSEA avait alerté sur les prémices de la crise et avait demandé des engagements sérieux pour atténuer l’impact des excès de production qui pèse sur le marché de la bio. Ainsi la FNSEA reste inquiète quant à l’enveloppe conséquente dédiée à l’aide à la conversion (CAB) dans la PAC. Elle souhaite que des critères d’éligibilité assez stricts soient mis en place pour décider de l’accès à la CAB et que les fonds non utilisés puissent être fléchés pour rémunérer les aménités positives des fermes déjà engagées en bio.
En lien avec les conseils spécialisés de FranceAgriMer, les interprofessions doivent réaliser un suivi précis des niveaux de consommation et de production. Dès lors qu’il y a un risque avéré de déséquilibre, il faut gagner en réactivité. Justement, dans le cadre de la nouvelle PAC, le règlement sur l’Organisation Commune des Marchés (OMC) nous donne des outils permettant de gérer de manière plus réactive les déséquilibres de marché pour les produits sous signe de qualité, tels que les produits biologiques. Ces réflexions autour d’une meilleure gestion de nos volumes doivent avoir lieu au sein des interprofessions.
Appliquer la loi Egalim 2
La mise en œuvre de la loi EGAlim 2 doit aussi s’appliquer aux produits biologiques (construction d’indicateurs de coût de production, contractualisation…). En outre, toutes les formes de distribution doivent s’engager à ne pas prendre plus de marges sur les produits bios que sur les produits conventionnels.
L’observatoire de la Formation des Prix et des Marges doit mettre en évidence plus clairement les marges observées dans le secteur de la grande distribution sur les produits biologiques et des décisions doivent être prises en conséquence.
Enfin, dans ce contexte économique compliqué et avec une augmentation des charges importante qui touche tout autant les agriculteurs engagés en AB, une réflexion sérieuse doit être envisagée pour soutenir certains producteurs qui disposent de trésorerie particulièrement exsangue.