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Coût de production : « On ne lâchera rien !»

Le Cantalien Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine, revient sur les actions pour la valorisation de l’élevage allaitant.

Bruno Dufayet, l’un des initiateurs de la marque « alt.1886, les Viandes du Massif ».
Bruno Dufayet, l’un des initiateurs de la marque « alt.1886, les Viandes du Massif ».
© DR

La préoccupation immédiate des éleveurs, ce sont les conséquences de la séchesse...
Oui. Notre première action avant même la fin de l’été a été d’alerter les pouvoirs publics sur la gravité de la situation, sachant qu’on ne pouvait se contenter de l’avance des aides PAC annoncée par le ministre Travert. Les deux inquiétudes majeures des éleveurs sont de savoir ce qu’ils vont pouvoir donner à manger aux bêtes cet hiver et au printemps, et pour ceux qui le peuvent, avec quels moyens financer des achats de fourrage. Aujourd’hui, on a le sentiment d’avoir été en partie entendus avec l’activation et l’accélération de la procédure calamités. Nous suivons de près les choses avec l’exigence que les moyens du FNGRA soient à la hauteur de la gravité de la situation.

Quels sont aujourd’hui les chantiers ouverts pour rémunérer le travail des éleveurs à sa juste valeur ?
Il faut d’abord souligner que la situation des éleveurs reste toujours très difficile. Avec un constat : les cours de nos animaux ont baissé, quand le prix à la consommation, comme nos coûts de production, ont augmenté. Ce qui explique un phénomène nouveau : la décapitalisation et la baisse de production que l’on observe. On a connu un pic de production en 2016 avec 4,125 millions de vaches allaitantes en France ; au 1er septembre 2018, avant même que l’effet de la sécheresse se traduise, on est à 3,85 millions et les perspectives d’évolution sont encore à la baisse pour 2019 selon l’Idele. Il y a donc urgence à ramener du prix, de la valeur et du revenu aux éleveurs, notamment dans nos zones. Cela passe par un vrai travail à l’export qui reste une priorité de la FNB. Ces débouchés à l’export, on l’a vu avec la Turquie ou encore l’Algérie, permettent de réguler le marché avec un effet positif sur le prix. Quand on parle export, on parle en priorité des pays sans cheptel, qui ont besoin d’animaux à engraisser ou de viande. Il nous faut, avec la filière, aller dans ces pays pour expliquer la qualité de notre élevage français, de nos animaux, de nos races, de nos viandes, comme on l’a fait avec la Turquie.

En même temps, les éleveurs ont le sentiment que les portes de ces marchés ne font que s’entrouvrir et ne sont jamais pérennes...
Cette réaction est complètement légitime. Parfois, il y a des explications politiques, mais il y a aussi quelque chose contre lequel on se bat : c’est le peu d’entrain de la filière. Quand on mène des actions de promotion de la viande et de l’élevage français à l’étranger, souvent, on ne se retrouve qu’avec deux, trois opérateurs à nos côtés, quand des pays comme l’Irlande ou l’Amérique du Sud affichent une autre image et dynamique avec 10, 20 voire 30 entreprises.

Le spectre du scénario de la production ovine
Pourquoi cette frilosité des opérateurs tricolores ?
Pour le secteur de la viande, beaucoup d’entreprises sont essentiellement axées sur le marché hexagonal et s’en contentent quitte à subir les aléas et la guerre des prix qu’impose la grande distribution mais avec toujours la solution de répercuter ça sur la variable d’ajustement qu’est l’éleveur. Aujourd’hui, cette variable d’ajustement ne fonctionne plus et si on n’y prend pas garde, la production bovine va connaître le même sort que les ovins. La France était quasi autosuffisante en viande ovine ; aujourd’hui, elle importe 40 % de ses besoins et la filière peine à se relancer et trouver de nouveaux éleveurs.

La loi Égalim peut-elle changer la donne ?
On peut déplorer que la loi ne soit pas à la hauteur des espérances ; en revanche, on a réussi à faire reconnaître la référence au coût de production. C’est un enjeu fort, essentiel : la prise en compte des coûts de production dans les contrats. Dans le Plan de filière signé par tous les partenaires, c’est un engagement que chacun a pris, reste à le concrétiser dans la contractualisation. Nous nous sommes aussi engagés à répondre à l’enjeu de qualité attendu par les consommateurs à travers l’objectif de porter à 40 % la part des labels rouges d’ici cinq ans. Derrière cet objectif, il s’agit bien aussi d’arriver à une meilleure valorisation du produit payé à l’éleveur. Cela passe par la contractualisation sur les volumes, les prix, les coûts de production et par une répartition équitable de la valeur ajoutée entre production, transformation, distribution. C’est notre cheval de bataille. Nous sommes actuellement en négociation au sein d’Interbev sur les indicateurs de coûts de production. Nous avons dû faire appel au négociateur des relations commerciales, faute de parvenir à un accord. Celui-ci rendra ses conclusions le 20 novembre, nous en saurons donc plus le 22. Une chose est sûre, nous ne lâcherons rien, quitte à partir de la table des négociations.

Impossible de ne pas évoquer le débat sociétal autour de la production et la consommation de viande...
Nous allons profiter des prochaines semaines pour mettre en avant tout le travail réalisé au sein d’Interveb pour aboutir à un Pacte pour un engagement sociétal. On s’est engagé dans une démarche de responsabilité sociétale (RSE). Tout ceci afin de promouvoir tout ce qu’on (les éleveurs, NDLR) fait de bien, les travaux de recherche et développement initiés, nos bonnes pratiques, que ce soit en ferme ou en aval. Il faut expliquer « la vraie vie » dans nos élevages français, faire prendre conscience que le modèle d’élevage tricolore est quasiment exclusif sur la planète. Que si on continue à l’affaiblir, la France importera de la viande issue d’animaux élevés dans des conditions diamétralement opposées au modèle prôné par les consommateurs et pratiqué dans nos élevages français.

Se profilent aussi les discussions sur la future PAC...
À l’heure où on demande à notre élevage, notre agriculture, d’engager sa transition, on ne peut pas en même temps réduire les budgets. L’enjeu immédiat est donc le maintien du budget de la PAC. Pour la FNB, il s’agit par ailleurs de faire reconnaître tous les services, contributions positives de l’élevage. Bien évidemment nous sommes attachés à un fort couplage sur ce qui est vache allaitante, en la rénovant pour qu’elle soit en phase avec le Plan de filière et les attentes sociétales. Il est aussi impératif d’avoir une ICHN forte, liée à l’élevage, pour compenser les contraintes de notre territoire que seul l’élevage peut valoriser.

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