Concentration des concessions, digitalisation, robotique...Le secteur du machinisme agricole est en pleine mutation
Entre concentration des concessions, robotique et digitalisation et tensions économiques, le secteur du machinisme agricole traverse une profonde mutation qu'éclaire Étienne Webre, délégué général du Sedima (Syndicat national des entreprises de service et distribution du machinisme agricole).
Entre concentration des concessions, robotique et digitalisation et tensions économiques, le secteur du machinisme agricole traverse une profonde mutation qu'éclaire Étienne Webre, délégué général du Sedima (Syndicat national des entreprises de service et distribution du machinisme agricole).
Le paysage de la distribution de matériel agricole évolue rapidement depuis quelques années. Pour Étienne Webre, délégué général du Sedima (Syndicat national des entreprises de service et distribution du machinisme agricole), la logique est claire :
« Les concessionnaires cherchent à équilibrer leur marché et leur chiffre d’affaires en fonction des produits à distribuer. Ils veulent éviter d’être dépendants à 80 % du tracteur. » D’où une diversification vers l’irrigation, la traite, la robotique ou encore les équipements destinés aux élevages laitiers. Nous n’avons pas peur des mutations, mais nous savons que c’est un métier de service, plus exigeant encore que l’automobile. »
Pourquoi le marché du matériel agricole est sous pression ?
Après plusieurs années de croissance, le marché s’est brutalement ralenti depuis l’automne 2023.
« Les distributeurs doivent gérer un double choc : des stocks de matériel neuf financés à des taux d’intérêt passés de 1 % à 6 ou 7 %, et un afflux de matériel d’occasion récent, acquis à prix élevé lors des bonnes années », explique le délégué général.
« Si l’on veut vendre du neuf, il faut reprendre des machines d’occasions très puissantes et chères. Quand le marché se fige, cela devient très compliqué », assure-t-il. Le Sedima souligne toutefois la résilience de ses adhérents : « Nos distributeurs ont gagné en maturité de gestion. Ils savent s’adapter aux difficultés, quand bien même la période reste délicate. » Le syndicat insiste aussi sur son rôle de veille réglementaire. L’évolution des normes de freinage pour les remorques ou la montée en puissance de matériels plus lourds exigent un suivi constant pour éviter les accidents.
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Robotique et digitalisation en plein essor dans le secteur du machinisme agricole
La robotique attire de plus en plus l’attention, mais son adoption reste encore très modeste. « Nous ne pouvons pas dire qu’il y ait un engouement monstrueux », confie Étienne Webre.
« En France, environ 20 000 robots agricoles sont recensés, dont 19 000 dédiés à la traite. Les autres robots servent au repousse-fourrage, au curage ou encore au désilage, et sont encore très peu présents sur les exploitations », explique-t-il.
L’élevage est d’ailleurs le principal terrain d’expérimentation de ces machines, puisque ses tâches s’avèrent particulièrement chronophages. Néanmoins, les exploitations se digitalisent rapidement : les tracteurs peuvent désormais scanner les sols, cartographier des parcelles, et conseiller les agriculteurs sur leurs pratiques, notamment en ce qui concerne les semis ou les intrants. Pour Étienne Webre, « les outils numériques sont désormais assez nombreux pour que les agriculteurs puissent les sélectionner en fonction de leur modèle économique ».
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Matériel agricole : le réflexe Cuma encore trop rare
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la mécanisation a été le moteur de la modernisation agricole française. Elle a permis d’accroître la compétitivité, d’améliorer les conditions de travail et de soutenir l’installation de nouvelles générations. Mais aujourd’hui, le machinisme agricole est au cœur d’une transition ambivalente : il représente à la fois un levier économique et un poste de charges majeur pour les exploitations agricoles françaises.
En quelques années, le prix du matériel agricole a augmenté de 30 %.
« Un agriculteur qui rejoint une Cuma accède à du matériel plus performant, plus récent, tout en réduisant ses charges de mécanisation », explique Marine Boyer, présidente de la FNCuma et éleveuse de bovins viande installée en Aveyron. Selon la fédération, l’économie moyenne annuelle d’une exploitation "cumiste" atteint les 15 000 euros. "Mais la politique fiscale freine la mécanisation raisonnée et partagée", selon la présidente nationale.
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Chaque exploitation agricole supporte chaque année environ 66 000 € de coût de mécanisation, dont plus de la moitié est liée à la traction et au carburant
À l’échelle nationale, cela représente 1,4 milliard d’euros par an. D’après la fédération, cette dépendance pèse sur la compétitivité des fermes, d’autant plus que les politiques fiscales encouragent encore l’achat individuel : ainsi, moins de 10 % des machines agricoles sont mutualisées en France. la FNCuma milite pour un crédit d’impôt « mécanisation responsable et collective », afin de limiter la surconsommation, avec un objectif de 30 % de mutualisation d’ici 2050. Cette mutualisation reste aussi une clé pour l’installation des jeunes agriculteurs, en réduisant les charges et en créant du lien social sur les territoires.