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Chambre d'agriculture : un tableau extrêmement sombre dressé aux représentants de l’État

La régulation des marchés et le revenu des éleveurs ont occupé une grande partie des débats à la Chambre d’agriculture, lors d’une session où il fut aussi question de sécheresse et de rats.

Le président de la Chambre d’agriculture en conversation avec le préfet du Cantal. 
Le président de la Chambre d’agriculture en conversation avec le préfet du Cantal. 
© RSA

La session publique de la Chambre d’agriculture, lundi 29 février, s’est déroulée dans un climat tendu pour la profession. En préambule à un débat sur les questions d’actualité, Patrick Chazal, responsable du pôle économique, a brossé le panorama de la situation agricole départementale. L’évolution des charges, des marchés et des revenus : le coût des intrants qui baisse ; un prix du lait qui décroche par rapport à une revalorisation lente mais constante ces dernières années ; poursuite de la baisse des cours des vaches de réforme et des jeunes bovins ; des niveaux exceptionnellement bas dans le porc ; une baisse inhabituelle sur le marché de l’agneau... Le plus inquiétant étant son analyse sur le revenu qui fond de 22 à 30 % chez les producteurs laitiers, hors impact sécheresse. Chez ceux qui sont impactés, le revenu avant indemnisation peut s’effondrer des deux tiers ! En système allaitant, l’érosion sur le revenu est moins perceptible, hors sécheresse, car dans ce cas, le revenu disponible s’écroule avec -89,5 % (quand le taux de perte est estimé à 45 %). Parallèlement, les éleveurs de porcs voient leurs résultats pratiquement divisés par deux.

“À l’abandon”

Joël Piganiol, secrétaire général de la FDSEA, constate que cet état des lieux ne laisse que bien peu de perspectives, “puisqu’aucune politique n’est engagée”. Il ne faut pas, selon lui, s’étonner de l’accueil reçu par Hollande et Valls au Salon de l’agriculture. “Et puis, à quoi bon rester dans une Europe où rien ne se décide collectivement”, s’interroge-t-il. “D’où la montée des extrêmes, dans ce foutoir total”, s’agace à son tour Michel Lacoste, de la section laitière. Julien Fau, des Éleveurs du pays vert, temporise en évoquant la notion de filières et son effet tampon. Le préfet ne cache pas non plus sa préférence pour un département qui fasse essentiellement le choix des productions de qualité. Mais Jean-Marie Fabre, président du Label rouge salers, signale que les filières sont alignées sur le conventionnel. Pourtant grand défenseur de l’AOP, Michel Lacoste souligne que “tout le lait du Cantal ne peut pas trouver de débouché dans les filières de qualité. On a besoin de politiques engagés et qui ne se laissent pas marcher sur les pieds par d’autres pays”, lâche-t-il. Gilles Amat n’est pas plus optimiste, convaincu que le cumul de plusieurs mécaniques conduit à un effondrement des prix : “Ce n’est pas parce qu’on est davantage en compétition qu’on donnera plus de pouvoir d’achat au consommateur ; on ne voit d’ailleurs pas le prix du panier baisser. Cette fumisterie ne sert qu’à gonfler des marges au détriment du producteur.” Quant au président des Jeunes agriculteurs, Benoît Aurière, il se demande quels arguments pourront, à l’avenir, convaincre un porteur de projet d’installation...

Deux motions unanimes

Jean-Marie Fabre partage cette analyse : “Quand on voit le contexte économique, le soutien à l’installation en élevage n’est pas à la hauteur. On ne peut pas engager l’avenir des jeunes qui serait compromis, dès le départ.” “Tout ne va pas si mal vu depuis Bruxelles !”, tempête à son tour Christian Guy de la section porcine, qui appelle de ses vœux une régulation des marchés. “Sur le porc, le développement se fait dans les pays où la main d’œuvre n’est pas chère. Attention, le lait part sur le même schéma, c’est acté.”  Patrick Bénézit, président de la FDSEA du Cantal, rappelle que la pression était mise ces derniers jours sur les distributeurs. Néanmoins, il doute de la bonne foi des grandes enseignes qui disent vouloir s’engager en faveur des producteurs, par exemple en prenant en compte les coûts de production. “Que la France bascule la table à Bruxelles !”, lance-t-il. D’où la motion proposée par le FDSEA pour une plus juste répartition des marges et une régulation européenne des marchés, la promotion de l’export et le relèvement de l’aide laitière en zone de montagne. La Confédération paysanne, représentée par un autre Michel Lacoste, réclame elle aussi une régulation des marchés. De fait, la motion syndicale a-t-elle été votée à l’unanimité, juste avant que le préfet prenne la parole et promette de la transmettre, l’après-midi même, au Premier ministre et au ministre de l’Agriculture. De son point de vue, il pense que des initiatives locales peuvent aussi être prises à l’image des circuits courts ou des perspectives que représentent la nouvelle grande Région et des relations commerciales encouragées avec Lyon.  Richard Vignon tient aussi à répondre sur d’autres sujets, dont la lenteur du versement des aides - qu’il admet - et pour laquelle il promet que tout sera réglé d’ici fin mars. Sur le dossier sécheresse, le préfet salue le travail d’expertise initial, co-réalisé par l’organisme consulaire et les services de la DDT, “enfin reconnu après de multiples tergiversations”. Vincent Nigou, du pôle juridique et des territoires, rappelle les différentes zones qui sont finalement retenues pour les indemnités sécheresse et souligne que 14 millions d’euros seront répartis sur environ 3 500 exploitations, pour un montant de pertes totales estimé à 16 millions. À cet instant, Patrick Escure rend hommage au travail de la FDSEA et des JA : “Sans le syndicalisme, on serait passé à la trappe.” Si le président se réjouit d’une fin plutôt heureuse sur ce dossier, il se dit en revanche très insatisfait sur le plan d’urgence : “Il n’est pas normal de ne percevoir que 3 millions sur les 50 que compte l’enveloppe.”   Enfin, sur le dossier des rats taupiers, le préfet Vignon est le premier à s’exprimer. Il affirme que le comité scientifique est au travail pour stopper la pullulation du campagnol. “Chaque fois qu’il y a une piste, elle sera creusée”, promet-il. “Je vous demande cependant d’être méfiants quant aux rumeurs sur des solutions miracles ou des interdictions d’usage.” Une deuxième motion, présentée cette fois par la Chambre et faisant état de dégâts qui mettent en péril l’avenir des exploitations, abonde en ce sens et réclame que toutes les pistes soient exploitées pour éradiquer le phénomène. Elle aussi a fait l’unanimité.

 

 

Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.

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